Crowley était un démon et il avait été un ange, haut placé qui plus est. Il avait vu et vécu des instants qui feraient frémir n'importe qui. Il avait bâti des galaxies, créant aux confins de celui-ci des mondes entiers. Il était tombé et il avait participé à la construction de l'Enfer tel qu'il été de nos jours. Il avait été présent quand des nations venaient au monde et quand elles s'étaient effondrées. Crowley avait été là bien avant que toute chose ne fût et il serait là bien longtemps après.
Il avait été traversé par tant d'émotions, il avait ressenti l'amour, la haine, la peine, l'envie, l'orgueil, la fierté, il s'était senti misérable, il avait eu la joie, l'allégresse, la jalousie...Il n'en était plus à ressentir un flux brusque en lui et il n'en était plus à déterminer quel genre d'émotion le laissait le souffle court. Maintenant, si Crowley devait dire ce qu'il ressentait, il dirait qu'il était un peu confus.
«— Qui es-tu ?»
Il s'adressait visiblement, à Aziraphale. Il était habillé d'une tunique blanche, assez semblable à celle qu'il portait sur le mur d'Eden, il avait les mêmes cheveux blancs ondulés, les mêmes yeux bleus. Il souriait et c'était éclatant cependant, sans pouvoir l'expliquer, Crowley avait la désagréable impression que quelque chose n'allait pas.
«— Je suis celui que tu veux que je sois.»
L'échange n'allait nulle part, le démon était tendu alors que le silence se prolongeait un peu trop. Il se dégagea des couvertures et se rapprocha du bord du lit afin de saisir une longue robe noire qui reposait sur les genoux du Presque-Aziraphale. Crowley s'apprêtait à glisser le vêtement sur son corps quand il remarqua une cicatrice rosée traversant son torse de l'épaule droite à la hanche gauche. Il était certain de ne jamais avoir eu une telle blessure ou alors, il l'aurait miraculeusement fait disparaitre.
«— Ca, c'est vraiment étrange.»
Aziraphale ria et les traits de Crowley se détendirent, il connaissait ce son. En temps normal, il était celui qui posait les questions, l'ange avait toujours des réponses à offrir même si elles soulevaient parfois de nouvelles interrogations. Apparemment, ils avaient échangé les rôles, Aziraphale reprit la parole :
«— Quelle est la dernière chose dont tu as le souvenir ?»
Pour se laisser le temps de réfléchir, Crowley enfila la tunique et étira ses membres engourdis. Il fronça les sourcils sous l'effort de concentration. Un mal de crâne lui transperça les tempes et il ne pouvait pas s'empêcher de grimacer d'inconfort. Le Faux-Aziraphale eut l'air inquiet et lui tendit la main pour l'inviter à la rejoindre. Sans la lui prendre, le démon alla tout de même s'asseoir en tailleur en face de lui, sur le coffre en bois.
«— Ecoute Crowley...»
Attentif, il n'osa même plus respirer, il observa l'ange lever les yeux au ciel et il l'imita, c'est là qu'il l'aperçut : c'était comme une vague ondulante dans l'atmosphère, des murmures lointains perturbaient la ligne fine du voile qui recouvrait la pièce dans laquelle ils se trouvaient. Le Presque-Aziraphale posa ses mains sur ses genoux, les serrant doucement. Le regard de Crowley s'ancra dans celui de l'autre et les chuchotements implorants se turent alors que les contours de la pièce s'affermirent.
Aziraphale le fixait, il entremêlait leurs doigts, les laissant reposer entre eux, c'était une proximité dont n'avait pas l'habitude Crowley et il ne s'était pas rendu compte qu'il l'avait voulu jusqu'à maintenant. Il rougissait en jouant avec l'anneau doré de l'ange avant que celui-ci ne le ramène trop rapidement à la situation étonnante dans laquelle ils se trouvaient tous les deux :
«— J'ai besoin que tu te souviennes de ce qui s'est passé pour que tu comprennes ce qui arrive.»
Tout était de plus en plus étrange et il en fallait beaucoup pour surprendre Crowley. Il tenta de forcer le barrage mental qu'il avait mis en place :
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Sleep Well
Fanfic"Et si jamais ma pauvre âme amoureuse Ne doit avoir de bien en vérité, Faites au moins qu'elle en ait en mensonge." Louise Labé : tout aussitôt que je commence à prendre. C'est bien connu, le démon dort tout un siècle...dort-il réellement au moins...
