Chapitre 4

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Alors que je me berçais dans l'illusion d'avoir finalement évincé toute intrusion indésirable, un bruit de frappement à ma porte vint briser le calme de ma chambre. Un grognement d'irritation s'échappa de ma gorge.


- Allez-vous en, je suis occupé, je ne veux voir personne !


La réplique ne tarda pas.


- Très bien, alors je vais prévenir maman et papa de ton petit secret.


La voix de mon frère résonna immédiatement dans la pièce. D'un bond, je me précipitai vers la porte, manquant de trébucher, pour le faire entrer rapidement avant de claquer la porte derrière lui. Son regard, empreint d'étonnement, se posa sur le désordre ambiant de ma chambre. Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la bouche, je lui coupai la parole.


- Marcus m'a déjà fait la morale, je n'ai pas envie de t'envoyer chier comme je viens de le faire à ce pauvre Marcus...


Un sourire moqueur se dessina sur son visage.


- Toi, tu as envoyé balader Marcus et il a obéi ? C'est une première.


- Ouais, bah je ne suis pas fier. J'ai été cruel dans mes propos... Je ne pensais rien de ce que je disais. Je m'en veux, Cain. Je me suis encore mis dans un sacré bourbier.


La conversation dériva vers la morsure que qu'on m'avais infligée.


- En parlant de ça, je n'ai pas retrouvé la fille, mais d'après ce que je vois, ta morsure va mieux.


- C'est parce qu'il a accepté le marché que je lui ai fait, déclara une voix féminine derrière moi, que je reconnus.

Emirya émergea de la salle de bain, lançant un regard glacial à mon frère avant de poser ses yeux sur moi et de me hurler dessus.

- Je croyais que personne n'était au courant !


- Oui, bah excuse-moi de me confier à mon frère. Je n'aurais jamais pu survivre seul face à un tel secret !

Tandis qu'elle s'apprêtait à répliquer, mon frère, anticipant la tension, sortit son épée. Emirya s'empara de la mienne et se lança vers lui. Un combat violent s'ensuivit dans ma chambre déjà en désordre. Mes tentatives pour calmer la situation échouèrent lamentablement. Emirya me repoussa même au sol, hurlant que je ne devais pas l'interrompre, ce qui exaspéra davantage mon frère. La violence de ses coups s'intensifia, blessant Caïn au flanc, mais ce dernier riposta, la désarma, la fit tomber et la maintint au sol en lui écrasant la gorge de son talon.

- On raconte que si on tue celui ou celle qui est à l'origine de la morsure, la personne est libérée de toute entrave. Je vais me faire un plaisir de te couper la tête. Tu as pris la liberté de mon frère, je vais la lui rendre.


Le sourire d'Emirya dévoila ses crocs blancs.


- Pas si la personne est de sang royal.

Cain recula brusquement, et profitant de la diversion, je récupérai mon épée pour désarmer mon frère. Je pointai mon arme à contrecœur vers lui. Bien qu'il ne s'attardât pas sur le fait que je le menaçais, habitué à notre routine à l'escrime, il restait sous le choc de ce qu'Emirya venait de révéler.

- De sang royal, ça voudrait dire que tu es...


- Oui, je suis la fille d'Edwards Skellin, Emirya Skellin, héritière de la couronne de sang.

- C'est n'importe quoi ! La famille royale des Sangs Noirs a été complètement massacrée, tu ne peux pas être l'héritière, tu n'es qu'une menteuse !

Des veines noires commencèrent à apparaître sur le corps d'Emirya. La tension atteignit son paroxysme, menaçant de dégénérer en un nouveau conflit.

- Cain, il faut la croire. Pourquoi irait-elle inventer un si gros mensonge ? dis-je en essayant de calmer la situation. Mon frère, réfléchi et intelligent, comprendra rapidement.

Après un moment de réflexion, il soupira et me regarda avec dépit.

- Imagine, elle dit ça juste pour te manipuler et te contrôler... En disant ça, on ne peut pas prendre le risque de lui couper la tête, dit-il en croisant les bras.

- Chez les Sangs Noirs, le mensonge est un acte sévèrement puni, c'est une règle d'or, surtout pour la famille royale. Je ne mens pas, déclara Emirya, affectée par la méfiance persistante de mon frère.

- C'est bon, je ne lui ferai rien si c'est ce que tu souhaites, Cassian... mais il va falloir que tu m'expliques c'est quoi ce marché dont elle parle, dit-il d'une mine sévère.

Je pris une grande inspiration et commençai à lui expliquer. Au fur et à mesure de mon explication, le visage de Cain se décomposa, se rendant compte dans quel bourbier je me suis mis. Il soupira.

- Je t'accompagne et ce ne sera pas négociable, dit-il.

- Ah non non non, je ne veux pas de lui, rétorque Emirya, visiblement peu ravie de la présence de mon frère.

- Cain, tu ne peux pas venir, il faut quelqu'un pour surveiller papa et maman...

- Fallait y penser avant d'accepter son marché, maintenant je viens, que ça vous plaise ou non.

Alors que je veux protester à nouveau, la garde impériale rentre dans la chambre et attrape Emirya. Ils la plaquent au sol et lui passent des menottes ainsi qu'une sorte de muselière. Les chaînes sont faites en cuivre solide, ce qui permet d'affaiblir les sanguins. Je vois la délicate peau d'Emirya qui est en train d'être brûlée là où le cuivre la touche. Mon père entre dans la pièce et m'attrape par le col pour découvrir la morsure.


- Alors, c'est vrai, tu as bien été mordu ! Depuis quand ? Dis-moi tout et rapidement !

Je n'ai jamais vu mon père aussi énervé, je n'ose pas répliquer. Il regarde avec fureur Emirya.

- Emmenez-la, on la jugera plus tard ! Quant à toi, tu vas nous rejoindre dans la salle du trône pour en discuter !

- Je t'en prie, ne lui fais pas de mal, dis-je en regardant Emirya se faire emmener de force. Elle se débat et se fait maltraiter par les soldats.

- Et toi Cain, tu vas devoir t'expliquer aussi !! Sachez que je suis extrêmement déçu de vous.

Sur ce, il tourne les talons et s'en va. Ses dernières paroles m'ont fait l'effet d'un coup de poignard dans le cœur. Je n'ai jamais ressenti ça. Tout le monde s'en va de ma chambre, me laissant seul. Hormis les paroles de mon père qui résonnent dans ma tête, une autre chose me vient à l'esprit : qui a prévenu mon père ? Marcus aurait prévenu mon père ? Non, quelqu'un a dû nous entendre, et je compte bien découvrir qui.

Le peuple de l'air : La Princesse OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant