Chapitre 7 : Sombrer dans la déchéance

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« La difficulté de comprendre le monde, c'est la difficulté de comprendre les individus. »

Osamu Dazai - "La déchéance d'un homme"


*

Cette nuit-là, Dazai peina à trouver le sommeil. Ne voyant qu'à travers la lune violette, les yeux de cet homme qui le rendait fou. Avoir la sensation d'être observé constamment, d'être manipulé tel un pantin. Osamu ne voulait plus connaître cette sensation. Plus jamais.

Il se leva alors, repoussant ses couvertures. Des légers frissons le prirent, alors que le froid de la pièce arrivait sur lui. Il se remit à trembler. Il prit une grande inspiration et manqua de trébucher en sortant de son lit.

Ses forces semblaient l'avoir quitté. Pas étonnant, il avait pleuré une bonne partie de la nuit. La fatigue était présente et l'air froid et lourd également, chargé de souvenirs. Le brun s'étira et son poignet se mit à piquer fortement.

« Et merde, ça fait un mal de chien. » Dit-il dans sa tête en grimaçant

Pas à pas, il se dirigea vers la salle de bain. Il ouvrit la porte et se plaça devant son miroir. Dans son reflet, il ne voyait plus un jeune homme amoureux qui cachait tout en permanence sous un sourire. Non, il voyait simplement un monstre.

Il ouvrit le robinet, et passa de l'eau sur son visage comme pour se changer les idées. Ensuite, il vient prendre la trousse de secours qu'il gardait toujours dans son placard à côté. Il en sortit des nouveaux bandages, du désinfectant ainsi que des compresses.

Comme c'est ironique, un suicidaire avec un kit de survie.

Il enleva les bandes de ses bras, pour révéler ses cicatrices. Des marques donc ils avaient honte, qui à chaque fois qu'il les voyait se sentait faible. Des dizaines et des dizaines de traits rouges, des entailles.

Se faire du mal, pour se faire du bien. Voilà ce qu'est le sens de tout ça.

Il prit le désinfectant et asperga ses plaies avec. La douleur fut presque insoutenable tellement cela piqué. Mais au moins, cela ne s'infectera pas. Le brun ouvrit une compresse et passa un coup sûr sa peau. Enfin, il enroula un nouveau bandage autour de son bras.

Une fois tout cela fait, il jeta la compresse ainsi que ses vieilles bandes dans la poubelle juste à côté. Rangea la trousse dans le placard. Il passa une main dans ses cheveux et soupira.

« Que vais-je faire maintenant ? »

Il avait bien une petite idée. Depuis qu'il était jeune, il avait un tic. C'était de jouer du piano quand il se sentait mal, cela l'aidait à se sentir mieux malgré l'horreur de ses cours d'instruments dans son enfance.

Il se souvient de ses doigts en sang, de la frustration, de la peur de l'échec... et de la manipulation. Un cauchemar éveillé engendrer par un homme monstrueux. Dazai se mit à regarder ses mains tremblantes, quelques traces étaient encore visibles.

Il sortit de la salle de bain pour se diriger vers le salon. La pièce semblait vide et remplie d'une froideur inconnue. Le noir couleur encre, enveloppait l'intégralité de l'espace. Sans même savoir où ses pas le menaient, il alluma instinctivement une petite lampe sur un meuble de chevet à côté de son instrument.

La lumière se refleta rapidement sur le grand piano noir qui trônait sur un côté de la pièce face à une immense fenêtre vitrée. Cela faisait bien longtemps que Osamu n'avait pas joué.

Il s'assit sur le tabouret de velours vert et laissa ses doigts parcourir les touches blanches et noires. Une vague de souvenirs l'envahit. Une fois bien positionné, il se mit à jouer.

Effleurant les touches du piano avec une délicatesse sans nom. Ses mouvements étaient fluides et lents. Comme s'il dansait une valse avec ses notes. Une valse fantomatique et ténébreuse. Une note. Deux notes. Trois notes. Il jouait à la lueur de sa lampe, une douce mélodie.

Et cela l'ennivrai. Ne pensant plus à rien d'autre, ses fins doigts bougeaient seuls sur le grand clavier bicolore. Il se perdit désormais dans la musique. Tel un pianiste nocturne.

Et une heure passa. Ou deux ? Ou trois ? Enfin, peu importe. Seulement, lorsque les rayons du soleil se mirent à traverser la fenêtre, illuminant la pièce. Dazai du se rendre à l'évidence.

L'aube se levait et lui avait joué toute la nuit. Pour calmer son esprit face à un ennemi imaginaire. De son passé, il avait peur mais là, c'était peut-être de la paranoïa.

- Suis-je fou ? S'était-il demandé

- Sans doute. Avait répondu son esprit

- Bien sûr que non. Avait répondu son cœur.

Mais qui devait-il croire ? Le cerveau ou le cœur ?

Épuisé. Il ne chercha pas à comprendre. Réfléchir aurait pris bien trop de temps, hors il n'en avait pas. Alors il secoua fortement la tête. Une balade ? Oui, une balade matinale lui ferait sans doute du bien. Qu'avait-il à perdre de toute façon ?

Il ne prit pas la peine de s'habiller correctement. Seulement d'enfiler un pantalon large et son vieux pull noir. Il réajusta rapidement ses bandages et sortit à l'extérieur.

Dehors, le soleil venait de se lever. Le ciel orangé était vraiment magnifique. Il aurait pu en faire une peinture, sauf qu'il en avait plus la force. Il lâcha un soupir. Quelle vie merdique.

Le brun fourra ses mains dans la poche de son pull, puis avança en traînant les pieds. Si ce n'était pas lui qui aurait pris l'initiative de sortir, il se demanderait vraiment ce qu'il fiche ici. Il leva les yeux vers la route et-

Son cœur rata un battement.

Alors qu'il sentait son organe tambourinait dans sa poitrine. Le souffle court et ses yeux s'écarquillèrent. Son regard croisa les yeux bleus de l'homme. Et avant même d'avoir pu dire quoi que ce soit, le brun se détourna et partit en courant dans la direction opposée.

« J'espère qu'il m'a pris pour quelqu'un d'autre. »

Réincarnation [Soukoku] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant