4 mois plus tôt :
Je me lève de ma place, descends les escaliers de l'auditoire et vais poser ma copie sur le bureau avant d'aller récupérer mon sac. Je me dirige vers les portes et une fois dehors la pression retombe enfin. Après trois semaines d'examens, je suis enfin en vacances ; ENFIN LIBRE.
Je ne prends même pas la peine d'aller vers le groupe d'étudiants qui débriefent de l'examen de Marketing qu'on vient de passer. Je salue simplement Solène de la main avant de me diriger vers la sortie du bâtiment. Là, tout de suite, je n'ai qu'une envie ; crier de joie. Je m'empresse de rentrer à mon petit studio pour y faire mes valises parce que ce soir... Je rentre enfin à la maison.
Cela fait un mois que je n'ai pas vu mes parents et mes sœurs, et j'ai trop hâte de les retrouver. Je sais que beaucoup de jeunes attendent avec impatience de prendre leur indépendance, de quitter le nid familial et de voler de leurs propres ailes. Mais ce n'est pas mon cas. J'aime ma famille. Je sais que tout le monde aime sa famille (plus ou moins fortement) mais moi, j'aime la vie de famille qu'on mène, j'aime vivre sous le même toit que mes proches et partager tout avec eux. Les bons et les mauvais moments, j'aime m'amuser avec eux, m'ennuyer avec eux et même me disputer avec eux. Parce qu'ils sont les seules existences dans ce monde qui me font me sentir réellement vivante.
Parce que les amis, c'est bien, mais la famille, c'est une partie intégrante de soi. Et je ne me sens réellement et totalement moi que quand je suis avec eux. Alors bien que je sois épuisée de ces interminables nuits blanches d'étude, je ne dors pas dans le train, mais regarde toutes les cinq minutes l'heure d'arrivée prévue à la gare.
Une fois descendue du train et arrivée à la voiture de mon père, je m'effondre en larmes. Des larmes de joie bien sûr, parce que je peux enfin respirer.
Je suis heureuse que ce soit mon père qui soit venu me chercher. J'aime mes deux parents tout autant l'un que l'autre, mais si j'avais fondu en larmes devant ma mère, contrairement à mon père, elle ne m'aurait pas prise dans ses bras, elle se serait contentée de me dire que je devais être fatiguée et qu'il faudrait que j'aille me coucher tôt.
Ma mère est l'exemple même de la femme d'affaires. Elle est belle, intelligente et déterminée. Mais elle est aussi exigeante, perfectionniste et impassible. C'est une personne qui ne montre pas ses sentiments à travers des mots, mais uniquement à travers des actions. Et je sais que son amour pour nous est énorme, probablement supérieure à celui de mon père. Mais un bon câlin ça fait toujours du bien et là tout de suite, c'est tout ce dont j'ai besoin.
Mon père est quant à lui le complet opposé de ma mère, chaleureux, sociable et papa poule à ses heures perdues, lui et ma mère ont quelques petits soucis à se comprendre. Pour être honnête, je sais qu'ils ne s'aiment plus depuis longtemps. Mais tout comme moi, ils aiment notre vie de famille. Alors leur couple s'est au fils des années transformé en une relation d'amis,colocataires et coparents. Je sais qu'ils ne finiront pas leur jours ensemble et ça ne me dérange pas, j'ai vraiment envie de les voir heureux en amour chacun de leur côté. Mais pour l'heure, je profite encore de ma famille au complet.
Arrivée à la maison, je suis à peine sortie de la voiture que Jacynthe me saute au cou. Jacynthe c'est ma première sœur, elle a trois ans de moins que moi et s'apparente à ce qui se rapproche le plus d'une meilleure amie pour moi. Elle connait tous les détails de ma vie et moi de la sienne. Ce n'est pas que je ne raconte pas ma vie à mes parents et à Adélaïde, mais pas avec la même précision. Je ne rentre pas dans les détails trop personnels avec eux. Par pudeur, je suppose et parce que c'est comme ça que ma mère nous a éduquées. Mais en grandissant, j'ai eu besoin de partager ces choses avec quelqu'un et Jacynthe a ressenti le même besoin de son côté alors... et bien, on a commencé à se dévoiler l'une à l'autre sur nos sentiments, nos craintes, nos angoisses et toutes ces émotions qui quand elles sont renflouées peuvent faire tellement de mal.
Adélaïde quant à elle est le portrait craché de ma maman. Parce que même si elle ne l'admettra jamais, elles sont toutes les deux faites du même bois. Et bien que je l'aime autant que ce que j'aime Jacynthe, partager certaines choses est compliqué avec elle. Alors plutôt que de parler de sentiments, et de choses avec lesquelles, je le sais, elle ne se sent pas à l'aise, elle et moi parlons de notre passion commune ; la musique. Qui en soit est une manière de parler de nos émotions, mais de manière détournée. Et même si je suis plutôt douée au piano, Adélaïde, elle, a un don inné pour tout ce qui est musical. Elle joue aussi bien du piano que moi, même si elle apprécie moins cet instrument. Elle joue également du violon et de la harpe. Et elle excelle avec chacun de ses instruments en main. Là tout de suite, je sais qu'elle est dans sa chambre à étudier la musique. Parce qu'elle mange, dort et vit pour ça.
Je rentre donc à la maison après bien dix minutes à être restée dans les bras de ma sœur pour aller saluer ma mère et Adélaïde. Et pour une fois, je fais fi de leur réticence aux contacts physiques et les prends toutes les deux dans mes bras. Parce que je veux bien faire des efforts au jour le jour et leur laisser leur espace personnel ; mais aujourd'hui, j'ai besoin de leur faire un câlin. Et après un mois sans se voir, j'estime que ce n'est pas trop demandé.
La fin de soirée se passe bien. De l'extérieur, rien de fou. On mange à table tous les cinq, on débat sur le fait qu'être végétarienne risque ou non de nuire à notre santé (débat préféré de mon père qui ne comprend pas notre réticence, à mes sœurs et moi, envers la consommation de viande). Et on termine devant la TV à regarder la série « Lucifer ». Aucun de nous n'a parlé de sujet trop personnel ou de notre affection mutuelle pour les uns et les autres ; mais cette soirée respire bel et bien l'amour. Et plus d'une fois, je me suis sentie submergée par la joie de les avoir avec moi ce soir.
Ce que je ne savais pas, c'est que c'était la dernière soirée qu'on passait tous ensemble.
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Paard vs Krylov : Between dark and light
RomanceElle est enchaînée à la lumière et il est enchaîné aux ténèbres. Parce que l'un et l'autre ont trouvé le confort et la sécurité dans leur monde respectif. Mais qu'adviendrait-il d'eux s'ils brisaient leurs chaînes ? S'ils se mettaient en danger pour...