D'or et de Pierre (Gold & Stone)

Chapitre 1

- Tu te caches toujours dans ta chambre ? Tu as décidé d'y finir tes jours ou quoi ?

Emmitouflée sous ma couette par 28°, je glisse un œil et une narine hors de ma couverture. L'œil, pour être de sûre de la personne qui me parle, même si à la voix, je sais qu'il s'agit de ma sœur Léa. Et ma narine pour respirer de l'air pur. Sous ma couette, je transpire à mort, je n'ai pas pris de douche depuis... je ne sais combien de jours. Même si je fais la forte, je dois avouer que je ne supporte plus mon odeur corporelle.

Cela fait bientôt trois semaines que je n'ai pas quitté ma chambre, même pas pour manger. Enfin, si, quelque fois à deux heures du matin, lorsque tout le monde dort profondément à la maison. Je vais voler quelques restes au frigo et boire un peu d'eau, discrète et furtive comme une souris. Il paraît que l'être humain est incapable de se laisser mourir de faim, c'est une question de survie. Je me fie à mon instinct animal : lorsque la sensation de faim devient plus douloureuse que la peine que je ressens, je m'extirpe en dehors de ma chambre pour combler mes besoins. Celui-là au moins est facile à satisfaire. Si tout pouvait se résoudre avec un morceau de pain...

Pour le moment, j'ai l'intention de rester un moment dans mon antre. J'ai besoin de solitude, pour réfléchir, et pour pleurer. Ça tombe bien, je suis en vacances, donc ce n'est pas gênant. Cela risque de devenir contrariant dans quelques jours, avec la reprise des cours. Il va falloir que je pointe au lycée. A l'heure actuelle, je ne sais pas si j'en aurais la force.

- Tu penses encore à lui c'est ça ?

La voix de ma sœur résonne encore dans mes tympans. Ce n'est un secret pour personne, enfin pas dans ma famille. IL m'a largué pendant les vacances. Et depuis je me cache, je broie du noir. Deux ans de passion partis en fumée en une nuit. J'ai du mal à encaisser les coups. Je me suis pointée un matin dans la cuisine, après une nuit entière à pleurer, et j'ai annoncé à mes parents qu'IL ne le reverrait plus, qu'entre lui et moi, tout était terminé, et que je n'avais pas besoin d'en parler. Mes parents sont restés perplexes, et ont respecté mon choix. Mais tout le monde n'a pas reçu le mémo dans ma famille. Léa pour ne pas la citer.

- Tu devrais l'appeler si c'est ça, au lieu de rester loin de lui.

Il n'est pas question que je l'appelle. Ce n'est pas à moi de l'appeler. Pas après ce qu'il s'est passé. Je dois lutter contre moi-même, mes sentiments mitigés pour ne pas céder. Je l'aime encore, c'est sûr. Mais je suis encore plus en colère après lui et ce qu'il m'a fait. Ce qu'il a nous a fait. Des fois, j'ai l'impression qu'il ne s'est rien passé, que j'ai imaginé tout ça. Et puis, il me suffit de me regarder dans le miroir pour réaliser l'impensable. C'est arrivé. Cela m'est arrivé. Par sa faute, même s'il a essayé de me faire croire le contraire.

Autrefois si solaire, si lumineuse, je suis devenue en quelques heures l'ombre de moi-même comme si j'avais perdu une part de moi-même. Je ne ressemble plus à rien. Tout le monde pense que cela est dû ma rupture, mais il y a plus que ça, de plus profond. A l'intérieur, je suis meurtrie, comme morte. Et le pire dans tout ça, c'est que je ne peux le dire à personne. Par honte. Par déni. Je passe par toutes les phases. Toutes aussi négatives les unes que les autres, et je ne peux pas l'exprimer en dehors. Surtout pas à elle, Léa. Ma sœur aînée. J'ai toujours eu plus de succès qu'elle avec les garçons  : même si j'ai plus de formes qu'elle, je les ai toujours assumées, j'ai toujours tâché de me mettre en valeur avec les dons que la nature m'a gratifiée. Nous sommes rivales, sans le vouloir.

 Même si elle m'encourage à me relever, je ressens qu'à l'intérieur d'elle sa satisfaction de nous voir séparés, alors qu'elle, elle est célibataire. Sa présence à mes côtés pue la jalousie, mais respire encore plus la curiosité malsaine. Elle aimerait tant que je lui dévoile les raisons de notre rupture. Il est vrai que Sean, mon désormais ex, plaisait à toute ma famille, en particulier ma sœur et ma mère. Il jouit de cette aura envers les femmes, un charisme débordant, qui a très bien fonctionné avec moi, du moins jusqu'à cette nuit.