- Tu l'as eu, Agatharkhis !
Le sanglier s'écroula dans la poussière à l'ombre d'un pin. La flèche, profondément enfoncée, fit s'écouler un sang noir qui tacha le sol comme une flaque sombre. La jeune femme sauta de son cheval pour l'achever d'un coup bien ajusté de sa hache.
L'été écrasait la plaine de sa chaleur. L'herbe du printemps, déjà, avait jauni et n'était plus qu'une sorte de paille encore accrochée à la terre. L'air vibrait et donnait à la campagne alentour l'aspect d'un mirage au milieu du désert égyptien. Hippolyté enleva sa robe légère et ses sandales. Une grande rivière coulait à quelques mètres. Elle jeta ses vêtements sur le rivage et plongea d'un bond dans l'eau vive. Nue et svelte, disparaissant une seconde pour revenir ensuite à la surface, elle fendait l'onde comme une loutre ou un dauphin.
- Allez, viens ! Si tu savais comme elle est bonne ! lança-t-elle à sa compagne. Tu t'occuperas de ton trophée plus tard. Ce n'est pas le premier, après tout.
A son tour, Agatharkhis sauta dans l'eau fraiche, sans même ôter ses vêtements. Elle resta longtemps sous l'eau, provoquant presque l'inquiétude de son amie, avant de reparaitre en riant, crachant de l'eau par la bouche.
- Espèce de folle ! souffla Hippolyté. Tu es la meilleure à l'arc, mais tu nages comme une pierre.
- Je suis la meilleure cavalière aussi, répliqua sa compagne
- C'est toi qui le dis ! Tu es rapide, mais je suis la plus endurante.
- Tiens donc ? Je demande à voir.
Le reste de l'après-midi ne fut qu'un long amusement. Revenues sur la berge, les deux jeunes femmes se séchèrent. Elles ressemblaient à ces statues qu'imaginent les artistes, sans néanmoins approcher souvent de la vérité. Les cheveux d'Agatharkhis étaient blonds, ceux d'Hippolyté d'un châtain sombre comme les fruits de l'automne. Toutes deux étaient grandes et athlétiques, sans manquer de formes. Restant nues, elles firent griller la viande autour d'un grand feu dont la lumière se prolongea après celle du soleil. Rassasiées, elles s'allongèrent l'une à côté de l'autre, échangeant des caresses sporadiques et taquines.
Bientôt, n'en pouvant plus, elles se jetèrent l'une sur l'autre, mêlant leurs chevelures et leurs mains. Elles échangèrent un long baiser, enlacées, tressaillant à l'avance de plaisir. Leurs sexes moites, impatients de gouter au plaisir si longtemps différé, s'effleurèrent l'un l'autre, d'abord doucement, puis avec davantage de vigueur. C'était une lutte farouche, dans laquelle les deux jeunes femmes jetaient toutes leurs forces. Parfois, l'une prenait le dessus ou, se croyant vaincue, s'abandonnait à son plaisir, mais très vite les rôles s'inversaient, la dominée se muait en dominante, la monture en cavalière, et le jeu recommençait de plus belle avec une ardeur renouvelée.
Tête-bêche, elles se goutèrent longuement l'une l'autre, jaillissant tour à tour comme des fontaines de vie intarissables. Leurs corps pleins de santé aspiraient au plaisir et en prodiguaient généreusement, secoués de spasmes vigoureux. Les mains avides pressaient les seins comme on presse un fruit beau et mur, avec douceur et fermeté. Les tétons dressés se titillaient, les haleines s'échangeaient, les deux cœurs battaient à tout rompre dans un tourbillon de folie et de volupté. La mouille coulait abondante le long des cuisses, mêlée à la salive des bouches amoureuses.
A les voir, un œil innocent aurait cru distinguer une sorte de monstre féminin à huit membres, dont la croupe double se déployait comme les anneaux d'un serpent magnifique. Un mouvement de va et vient, semblable au flux et au reflux de la mer infinie, l'animait d'une vie débordante, et son cri était un soupir double et haletant qui parfois dégénérait en gémissements étouffés.