Chapitre 11, Mnoukh

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Le village que nous avions vu quelques heures plus tôt se rapprochait de plus en plus. Le soleil tape sur les murs blancs, la terre qui recouvre les rues est parsemée d'herbes, et manifestement, peu d'habitants sont de sortie. Sans doute à cause de la chaleur qui fait gercer mes lèvres depuis quelques jours.

Tancah m'entraîne dans une minuscule rue qui, heureusement est à l'ombre :

- Je vais voir si il y a un endroit où nous pourrions dormir ce soir. On se retrouve dans une heure à la place centrale.

- D'accord, mais elle est où, cette place centrale ?

- Trouves-la.

Elle escalade la façade la plus proche et disparaît sur les toits. Trouver la place du village... Je n'ai aucun repaire, si ce n'est la première maison par laquelle nous sommes passé. Et encore ! Je ne saurais même pas la retrouver sans demander mon chemin. Personne ne me l'indiquerait, de toute manière. Je me retrouve seul au monde, à chercher quelque chose en seulement une heure, avec une soif grandissante et une faim qui me tiraille l'estomac.

Les volet qui sont au Sud des maisons sont fermés. Tout se ressemble. Dans un élan de lucidité, je décide de prendre de la hauteur et de tenter de repérer un bâtiment plus haut que les autres, qui m'indiquerait peut-être le centre du village.

Lorsque je le vois enfin, je découvre que ce n'est qu'une maison qui porte sur son toit un drapeau. Le drapeau d'Asgard. Nous en sommes donc tout près. Je mémorise le chemin pour y arriver et redescends de mon perchoir.

Une fontaine est plantée au centre de la place, en granit blanc, comme toutes les bâtisses. L'eau s'écoule doucement. Elle semble potable. J'y trempe soigneusement mes lèvres pour vérifier le goût avant d'étancher ma soif pour de bon. En levant les yeux, je vois devant moi un banc. À l'ombre. Les quelques habitants qui commencent à sortir ne semblent pas vouloir s'y asseoir, comme s'ils savaient que je voulais moi-même y prendre place en attendant Tancah.

Je savoure cet instant où un léger souffle fait voleter mes cheveux qui descendent maintenant à mes épaules. Affalé sur la dossier du banc, je ne sens pas tout de suite que je n'y suis plus le seul assis. En me retournant, je découvre un homme qui tient une canne entre ses deux jambes, aux cheveux blancs, le dos bien droit.

- D'où tu viens, petit ?

- De Vradilleni. Et j'attends quelqu'un qui devrait arriver d'ici peu.

J'ai faillis dire « une amie », mais je n'ai pas été capable de faire franchir mes lèvres à ces deux mots.

- Que viens-tu faire ici ? Il n'y a rien d'intéressant pour un garçon dans la fleur de l'âge.

- La personne que j'attends doit porter un message à Asgard. Nous nous sommes rencontré à Eschenwald. Je voulais rejoindre un port, mais je me suis perdu. C'est comme ça que nos chemins se sont croisés.

- Vous avez un endroit où dormir, toi et la mystérieuse personne que tu attends ?

- Pas vraiment... C'est justement ce qu'elle est parti chercher.

- C'est donc une fille que tu attends, dit-il d'un air malicieux.

Je sens mes joues se gonfler de sang, confirmant les propos de mon interlocuteur. D'ailleurs, qui est-il ?

- Je m'appelle Ilkka, et vous ? lui dis-je en lui tendant la main droite.

- Mnoukh, le doyen de ce village.

Sa poigne de fer fit craque plusieurs de mes phalanges.

- Je peux te proposer une marché, Ilkka. Toi et ton amie venez chez moi, et en contre partie, vous m'aidez à m'occuper de mes bêtes. Je n'ai plus la force de tout faire seul.

- Si cela ne tenait qu'à moi, j'accepterais le marché, mais je connais Tancah, elle ne voudra jamais. Elle est trop indépendante et méfiante pour venir chez vous.

J'ai à peine finis ma phrase que je l'aperçois au détour d'une rue. Mnoukh lui sourit en lui faisant part notre marché. J'allais rajouter « Si tu veux passer les nuits suivantes dehors, surtout n'hésites pas à ne pas accepter. » mais je restais impassible.

À mon grand étonnement, elle dit oui.

XXX

La maison est à la sortie du village, entourée d'un immense terrain où se prélassent quatre chevaux. Un grand noir et très large par rapport aux autres, deux de la même taille mais plus fins, couleur crème et grise, et le dernier, marron brillant au chanfrein recourbé et aux jambes très fines.

Je ne pus m'empêcher de sourire. Cela fait si longtemps que je n'ai pas vu de chevaux – surtout aussi magnifiques que ceux-là – que je veux aller les voir. Tancah peut sans doute ne pas être trop acariâtre avec une personne de l'âge avancé de Mnoukh. Du moins, je l'espère. Mais celui-ci nous fait signe de passer avant lui dans la cuisine et de prendre place autour de la table. Tancah glisse une main sur sa cuisse, prête à dégainer.

Il pose deux plateaux sur la table, qui me mettent tout de suite l'eau à la bouche. De la pastèque, du melon bien sucré, des fraises et du raisin occupent tout l'espace du premier, et toute sorte de viandes trône sur l'autre.

Tancah ne touche à rien. Elle fixe Mnoukh d'un regard qui me ferait frémir. Tout de même, quand il lui tend un bout de viande séchée, elle le grignote sans conviction. Par contre, son verre de vin est englouti en une seule gorgée.

La Rose Éternelle 1, DraggilysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant