La route paraissait interminable et la radio s'était mise à parler la langue de Shakespeare depuis une bonne heure. Léon se rendait à Boston, au Garden Arena, pour assister à la joute qui opposait les Bruins aux Canadiens. La saison s'apprêtait à rendre son dernier souffle et en tant que bon journaliste sportif, Léon s'était promis d'assister à chaque rencontre restante du calendrier.
-Bon, encore 15 minutes, pensa-t-il, en voyant les gratte-ciels prendre de l'ampleur.
Des effluves de beurre chaud déposés sur le "Popcorn" se mélangeaient à celui de la bière fraîche en pompe. Une tension voyageait dans l'air et venait électrifier les joueurs comme les spectateurs. Quand à la quatorzième minute de la troisième période, Maurice Richard reçut un coup de bâton à la tête par son ancien coéquipier Hal Laycoe.
La mêlée éclata ! Les joueurs s'étaient agglomérés tels des fourmis qui cherchaient à protéger leur reine. Léon dans les gradins assistait à la scène, sidéré. Cliff Thompson qui était le juge de ligne de cette partie avait tenté de s'interposer entre Hal et Maurice, mais Maurice fou de rage l'avait repoussé puis avait fini par lui donner un coup en plein visage. La décision fut unanime chez les officiels. Maurice allait être suspendu pour la fin du match et on allait décider de son sort pour le reste de la saison mercredi prochain.
Léon, une fois rendu à la maison, buvait une tasse de café bien tassé tout en rédigeant son article. Le titre: "Le Rocket s'envole pour combien de temps ?". Les heures passèrent et Léon satisfait de son compte rendu, alla se coucher.
Puis mercredi arriva. Des centaines de journalistes , dont Léon, attendaient le verdict avec impatience. Ils étaient là depuis 10h ce matin. Clarence Campbell, le président de la ligue nationale de hockey, devait décider après délibération du sort de Maurice. Ce n'est qu'à 16h14 que la décision tomba (comme l'espoir des fans). Maurice sera suspendu pour le reste de la saison et les éliminatoires.
-Maudit anglais, de vendu sale ! Cria un des journalistes.
-Pourri. En ajouta un autre.
Puis les insultes et les injures se superposèrent un à l'autre jusqu'à ce que l'on n'entende plus qu'un brouhaha de mécontentement. Léon, en beau "joualvert"
retourna à la maison. Ses doigts se baladaient sur sa machine à écrire à une vitesse folle. Le monde devait être au courant et c'était son boulot de les en informer.
Les Canadiens jouaient le lendemain au Forum à Montréal contre les Red Wings de Détroit. Léon, fidèle à son habitude, se rendit sur place. À sa grande surprise(et celle de tout le monde) Clarence Campbell était là. Quelle audace! La foule le huait et se mit à lui jeter toutes sortes de choses. Des sachets de cacahuètes, des papiers... Tout ce qu'il y avait pouvait servir de projectiles. À la fin de la période , un individu se leva pour lui serrer la main, mais trois gifles magistrales se firent entendre dans tout l'édifice .
Quelques minutes plus tard, une bombe lacrymogène éclata. La partie fut annulée et on donna la victoire aux Red Wings. Pendant ce temps à l'extérieur l'émeute éclata, Léon pris dans la foule, vit des vitres brisées en mille pièces, les gens renversaient des voitures, brûlaient des kiosques de journaux et lançaient des cailloux ou tout autres projectiles à portée de main.Notre "gratte papier", lui qui aimait le calme de son appartement, se retrouvait finalement contre son gré, journaliste de terrain. Au moins, il allait sûrement écrire l'article le plus mémorable de sa carrière.
Maurice Richard, dès le lendemain, fit un appel au calme et promit d'être là, l'année prochaine, pour aider les Canadiens dans leur quête de la Coupe Stanley. Il ne s'était pas trompé, car le Canadien gagna les 5 prochaines Coupe Stanley d'affilée. Un record toujours imbattu.
VOUS LISEZ
Léon: Journaliste de terrain(Malgré lui)
Historical FictionJe vous invite à lire se récit basé sur un fait réel a propos de Maurice richard et de l'émeute au forum.