Chapitre 6

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« Va te faire foutre ».

C'était la conclusion de leur semblant de conversation. Une conclusion imposée par Stiles, qui avait fini par mettre son ego de côté pour privilégier un repos partiel. Pourquoi ? Parce que rien de ce qu'il avait dit n'avait eu l'air d'atteindre Jace et que celui-ci... N'avait semblé faire cas de la manière dont il abusait. Stiles avait eu beau lui réexpliquer pourquoi diable il ne pouvait pas se permettre de perdre la moindre heure de sommeil, rien n'avait fonctionné. Pire que ça : Jace lui avait fait une proposition qui l'avait tout simplement mis hors de lui – et c'était également elle qui l'avait persuadé d'abandonner. Discuter avec un mur en pleine nuit, ça ne l'intéressait pas... D'autant plus que dormir était une réelle nécessité. Chaque jour qui passait était plus dur que le précédent, alors si ça continuait comme ça, tenir serait une affaire réellement compromise. L'équilibre entre sa santé et tout le travail qu'il avait à abattre pour payer les factures concernant son père était si mince et bancal qu'il ne pouvait l'ignorer.

Ainsi, Stiles avait passé la nuit dans la Jeep. Le confort, loin d'être optimal, avait été néanmoins suffisant pour qu'il puisse fermer l'œil. Il préférait les banquettes dures de Roscoe à des gémissements intempestifs. Jace pouvait avoir la vie sexuelle qu'il désirait et ce, sans aucun problème... Tant qu'il ne dépassait pas les limites instaurées par la colocation – ce qui avait fait, à plusieurs reprises. Qu'importe la manière dont il se faisait plaisir – même si Stiles la trouvait mauvaise. Néanmoins, cette fois, l'hyperactif ne laisserait pas passer ça. S'il fallait qu'il en vienne aux mains, ce serait de jour, durant l'une de ses pauses. Jace était peut-être bien bâti et fort par nature, il ne lui faisait pas peur – Stiles se savait rusé.

Et avec toutes ces années passées à affronter des ennemis surnaturels, fantomatiques, lycanthropiques, démoniaques, chimériques... Alors un homme tout aussi humain que lui ? Ça irait, il avait connu plus terrifiant.

Lorsqu'il se leva après cette nuit quelque peu compliquée, Stiles grimaça et s'étira. Pas de doute, la banquette arrière n'était pas l'idéal, d'autant plus qu'il avait eu un peu froid. Quoiqu'il en soit, il n'avait pas énormément de temps devant lui. S'efforçant de ne pas penser démesurément à Jace et sa proposition plus qu'indécente dès le réveil, Stiles remonta dans l'appartement et profita du sommeil de son colocataire pour prendre une douche rapide et se changer. Une chose était certaine, il n'aurait pas le temps de passer à l'hôpital ce matin. Enfin techniquement, si, mais... La fatigue le rendait plus lent dans chacune de ses actions et la douleur qui transcendait son dos ne l'aidait pas vraiment. La douche que prit Stiles fut donc bien chaude et il fit en sorte de ne pas faire de mouvement brusque et de se tenir le plus droit possible. Il se coiffa autant que sa touffe éternellement indisciplinée le lui permit et rejoignit sa Jeep. Quel bonheur que Jace ne soit pas du matin... Ça lui évitait une confrontation aussi inutile que malvenue. Après ce qu'il lui avait sorti cette nuit... Il était clair que Stiles avait tout, sauf envie de le croiser. D'ailleurs, il n'avait pas la moindre envie de rentrer ce soir... Et même s'il n'était pas du genre à faire ça, l'hyperactif décida d'envoyer un message à Maïa, histoire de lui demander si son canapé était libre pour une nuit... Ce serait une excellente alternative à la Jeep. Plus de confort, une nuit au chaud, un sommeil réparateur... Bien sûr, il lui faudrait un temps monstrueux pour rattraper toutes ces heures de retard, mais Stiles se satisfaisait de peu.

Il n'avait pas le choix.

xxx

Le service de la matinée avait été difficile à assumer et si l'agence pour laquelle il travaillait parfois l'après-midi ne l'avait pas appelé, Stiles serait bien allé faire une petite sieste dans sa Jeep. En plus du restaurant et du bar, l'hyperactif faisait aussi le ménage chez des particuliers. Ces missions-là, on les lui confiait de temps à autres selon ses disponibilités et celles de ses collègues. En l'occurrence, on l'avait appelé durant sa pause pour lui donner quelques directives : il se devait d'être disponible pour s'occuper de la maison d'une personne âgée dans un coin un peu reculé de Brooklyn. Stiles, bien que peu en forme, s'y rendit sans se plaindre et exécuta son travail tout en tenant compagnie à la propriétaire. Si elle était fort sympathique, Stiles devait bien avouer qu'il apprécierait ne pas avoir à entretenir quelque discussion que ce soit avec elle – se concentrer pour l'écouter et lui répondre étaient un véritable effort. Cependant, il le fit, tout en faisant attention à l'heure : en fin de journée, il devrait enchaîner avec le bar. D'ailleurs, il restait dans l'attente d'une réponse de Maïa quant à sa demande de logement pour une nuit. Comme il savait son amie perpétuellement occupée, il ne la harcela pas à ce sujet, puisqu'il allait de toute façon la voir en arrivant. Si elle lui disait non, aucun problème. Stiles pouvait accepter un refus – s'accommoder, il savait faire. Endurer en silence aussi. De toute façon, la Jeep serait toujours préférable à l'appartement. Au moins, il ne percevrait pas le bruit des ébats de Jace et aurait droit à ses heures de sommeil sans qu'elles ne soient perturbées à outrance. Pour ce qui était des courbatures et du froid, ça irait – il ne fallait juste pas que la situation s'éternise.

Et, doucement, le soleil commença à descendre dans le ciel. Stiles, finissant sa tâche juste dans les temps, salua sa cliente et alla rapidement s'acheter un petit sandwich. Parfois, il y pensait. Ensuite, il prit le chemin du bar. Le tout, en s'efforçant, comme toujours, d'écarter les pensées indésirables. Disons que ses journées étaient mornes et similaires dans leur déroulé. Il y avait de temps en temps quelques menus changements, mais rien de suffisamment gros pour qu'il puisse y voir une véritable différence. Ainsi, il avait appris ces dernières années à développer une sorte de mode automatique, qu'il utilisait en particulier lorsqu'il travaillait. Dans un sens, c'était comme s'il se dissociait, tout en gardant conscience de tout ce qu'il voyait – il mettait simplement ses émotions et ressentis de côté. Vivre ainsi était quelque peu étrange et désarçonnant, mais... Il s'y était fait. Si lesdites émotions ressortaient de temps à autres, c'était souvent Jace qui réveillait les plus négatives d'entre elles. Dans un sens, Stiles profitait un peu de ces moments-là malgré lui, les seuls durant lesquels il s'autorisait réellement l'expression de ces choses qu'il gardait pour lui, en lui – sans pour autant que la raison soit corrélée.

Une main sur le volant, l'autre tenant son sandwich, Stiles en prit quelques bouchées de temps à autres tout en s'efforçant de rester concentré sur la route. Si la fatigue lui jouait régulièrement des tours, il faisait preuve d'un soin tout particulier lorsqu'il conduisait. Il savait qu'il vaudrait mieux pour lui ne pas conduire dans ces moments-là, mais... C'était tous les jours et il le fallait. Il n'avait pas d'autre choix que de vivre ainsi tant que les choses n'évoluaient pas – les factures de l'hôpital ne se règleraient pas toutes seuls, les soins apportés à Noah non plus. Ainsi, fut un moment où Stiles dévia légèrement, mais il se reprit très rapidement. Quelques minutes plus tard, il gara sa voiture à la place qu'il avait l'habitude d'occuper et en sortit. Le jeune homme zieuta son téléphone. Par chance, il avait quelques minutes d'avance, ce qui lui laissait le temps de terminer son sandwich tranquillement, se changer et se passer un coup d'eau sur le visage. C'est d'ailleurs ce qu'il fit en ignorant, comme à son habitude, les regards jaloux ou bien tout simplement haineux sur sa personne. Qu'importe la manière dont il agirait, ici, on le détesterait. De toute façon, Stiles s'en fichait : il avait le soutien de Maïa et la protection de son patron. Le reste ne comptait pas vraiment.

Ainsi, l'hyperactif aida à préparer la salle avant que son service ne débute réellement et lorsque ce fut l'heure, il s'occupa des premiers clients avec ce sourire qu'il avait si bien travaillé. Entre temps, Maïa était arrivée, mais il n'eut pas tout de suite l'occasion d'aller lui toucher deux mots concernant son message – il n'eut rien de plus que l'occasion de lui faire un signe de tête pour la saluer. Et si elle eut l'air tendue, Stiles mit ça sur le coup du stress et du rush qui, déjà, débutait : ce soir, il y avait du monde.

Et Stiles était loin de se douter de ce qui l'attendait, loin d'imaginer que le cours de sa vie était sur le point de se retrouver complètement chamboulé.

In your armsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant