La Guerre des Clans : Destins Croisés

Chapitre 18 : l'Approche du Terme

Les lunes suivantes défilèrent bien trop rapidement au goût de Plume d'Argent. Étoile de Lion s'était montré si réjoui de sa grossesse que la chatte immaculée avait fini par adoucir sa réflexion ; l'idée que leur amour soit incarné dans leurs chatons l'avait convaincu de garder sa portée - même si elle aurait préféré que cela n'arrive jamais...

La guerrière blanche se retrouva bientôt coincée à la Pouponnière, qui de surcroît était surpeuplée ! Heureusement, les chatons de Plume de Canard - Nuage de Mésange et Nuage de Miel - et le dernier-né de Herbe des Prés - Nuage de Blaireau - venaient d'être nommés apprentis. Mais il restait encore Racine de Sapin et son unique chaton Patte Rousse - qui commençait à faire son lot de bêtises ! La veille, Aiguille d'Ifs avait donné naissance à sa dernière portée avant de rejoindre les anciens - malheureusement, seul Petit Bois avait survécu. Et Coeur d'Aube, Pelage de Boue et elle-même n'avaient pas encore mis bas... Une chose était certaine : le Clan du Tonnerre ne manquerait pas de guerriers avant de nombreuses saisons !

« - J'espère que tu auras des filles, comme ça j'aurais l'embarras du choix, ronronna Coeur de Glace. À défaut d'avoir la mère...
- Tu es vraiment un cas, s'écria la future reine.
- Pelage de Boue serait ravie de l'apprendre, le taquina Feuille de Châtaigne. »

Devant la mine faussement honteuse du guerrier blanc tacheté de noir, les deux femelles et Griffe de Cendre ronronnèrent à leur tour. Ils savaient que malgré ses allusions quotidiennes pour amuser la galerie, le fils d'Étoile de Laurier ne manquerait jamais de respect à celle qu'il avait choisi comme compagne.

Son couple avec Pelage de Boue avait étonné toute « la Bande ». Si la future reine avait, comme toutes les chattes du Clan, eu le droit à son lot de flatteries de la part du guerrier bicolore, Coeur de Glace n'avait jamais manifesté d'intérêt particulier à son égard. Peut être avait-il batifolé avec Pelage de Boue, puis décidé de s'engager auprès d'elle en apprenant qu'elle portait ses chatons ?

L'officialisation du couple de Griffe de Cendre et de Feuille de Châtaigne avait enchanté tous leurs amis, même s'ils se sentaient attristés pour Coeur d'Aube. La femelle brune foncée s'était éloignée du groupe, bien qu'elle continuait de fréquenter individuellement chacun de ses membres - à l'exception des deux tourtereaux, évidemment.

Ceux-ci faisaient de leur mieux pour éviter d'étaler leur amour au grand jour, surtout en présence de Coeur d'Aube. Mais leur alchimie était telle qu'il était difficile de l'ignorer !

Pelage de Boue sortit de la Pouponnière ; son ventre alourdi la peinait pour se déplacer. Elle devait porter plus de quatre petits ! Coeur d'Aube et Plume d'Argent, qui arrivaient également à terme, n'avaient pas autant grossi.

"- On se retrouve plus tard, miaula Coeur de Glace en rejoignant Pelage de Boue."

Cette dernière l'accueillit en ronronnant, et lui proposa aussitôt de partager son repas avec elle. Conscient du regard inquisiteur de ses amis sur lui, le guerrier blanc et noir accepta. Il aurait été moins suspect d'inviter "sa compagne" à manger avec le reste de "la Bande" ; mais Coeur de Glace craignait de ne pas assez donner le change aux yeux des félins dont il était le plus proche.

Pelage de Boue avait accepté sans sourciller d'aider Pétale de Rose et Coeur de Glace. Elle avait accepté de reconnaître le guerrier bicolore comme le père de ses chatons avec un peu trop d'enthousiasme au goût de la guérisseuse, mais elle n'était pas en position de se plaindre.

Coeur de Glace sentait, à la façon dont Pelage de Boue le regardait et le touchait, qu'elle n'avait pas besoin de jouer la comédie. Cela le dérangeait, plus par rapport à Pétale de Rose qu'à lui-même. Il devait être difficile de le voir aussi proche de Pelage de Boue... À moins que la guérisseuse ne soit soulagée qu'ils fassent aussi bien illusion.

Dépité par ses propres pensées, Coeur de Glace entreprit de faire la toilette de Pelage de Boue. Celle-ci lui rendit la pareille, ronronnant avec force. Ses oeillades amourachées manquèrent de faire soupirer le matou. Coeur de Glace espérait simplement qu'elle avait conscience qu'une fois les chatons nés, il serait uniquement présent en tant que père... Et non comme véritable compagnon.

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Pétale de Rose observait la scène à la dérobée, dissimulée dans son Antre. La jalousie lui comprimait les entrailles devant le couple idyllique que semblaient former Coeur de Glace et Pelage de Boue. À cet instant, elle aurait tout donné pour se trouver à la place de la future reine... Mais rien ne devait entraver sa décision.

Il fait particulièrement bien semblant, songea-t-elle avec agacement en se détournant.

Au fond d'elle, Pétale de Rose se savait injuste. Coeur de Glace n'aurait pas hésité une seconde à révéler leur amour aux autres si elle l'avait voulu. Mais il était moins douloureux de lui en vouloir que de pleurer sur son sort...

La soeur d'Étoile de Lion se terrait dans sa Tanière, prétextant préférer sortir de nuit ou être submergée de travail. Lorsque son ventre avait commencé à gonfler, elle avait demandé à ce qu'un apprenti laisse une proie devant son Antre tous les jours, afin de se montrer le moins possible à la lumière du soleil. Pétale de Rose avait craint qu'on ne trouve son comportement étrange ; mais elle était si sérieuse et discrète que personne, pas même son frère ou sa soeur, ne lui avait fait de remarque.

L'ingestion de persil avait coupé sa production de lait ; ses mamelles n'avaient pas eu le temps de s'alourdir. Quand elle sentait qu'il fallait donner signe de vie avant d'éveiller les soupçons, la femelle tachetée rentrait le ventre au maximum et évitait de l'exposer trop longtemps à la vue de tous - en se couchant, par exemple. Elle tournait obstinément le dos aux félins qui venaient se faire soigner dans sa Tanière - ils devaient la trouver bien distante et désagréable, ces temps-ci.

Heureusement, son ventre était loin d'avoir pris autant de volume que celui de Pelage de Boue.

Je dois n'en porter qu'un ou deux.

Pétale de Rose enroula tendrement son ventre de la queue, envahie par une immense tristesse. Ses petits ne sauraient jamais à quel point elle les aimait.