Chapitre sans titre 48

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Evy

Je fixe l'évier de la salle de bain, j'essaie de me convaincre que je ne dois pas aller me faire vomir. J'ai tellement mangé ce soir, j'étais heureuse et en pleine possession de mes moyens. Jusqu'à l'arrivée de cette garce d'une beauté immaculée. Cette fois, Charles ne l'a pas dévorée du regard, mais j'ai bien remarqué le regard des autres. Elle est grande, mince et parfaitement habillée. Si elle n'était pas aussi chiante, elle serait parfaite. Je respire et je sors mon téléphone de mon sac à main. J'ouvre la page de dialogue entre Audrey et moi.

-Audrey : On dine à la marine ce soir, bizou!

Elle m'a envoyé ce message cet après-midi. Pierre et elle sortaient manger. Alors, je ne la dérangerais pas avec mes états d'âme. Je dois prendre sur moi comme une grande fille. Je lève les yeux et retouche mon maquillage. Je ne veux pas que personne ne s'aperçoive que j'ai pleuré. Je suis rendue au rouge à lèvres, lorsque la porte s'ouvre.

-Ah bien dis donc. Lance Charlotte en entrant dans la pièce.

-Charlotte... Dis-je par politesse.

Je ne dois pas me rabaisser à son niveau. J'essaie de me répéter les paroles de Charles.

Elle est juste jalouse de toi! Jalouse...Jalouse...Jalouse de quoi!

Je termine mon maquillage et elle se place à ma droite.

-Tu sais qu'il se tannera assez rapidement et il reviendra à moi.

-Si ça te fait plaisir d'y croire...tant mieux pour toi.

-On est fait l'un pour l'autre sur le long terme.

Je soupire et la contourne pour sortir d'ici.

-À la prochaine, Whaley Evy* lance-t-elle avant de disparaître dans une cabine.

Je quitte la pièce et marche d'un pas franc vers notre table. Je feins mon plus beau sourire en reprenant ma place. J'écoute la discussion, mais n'entends pas réellement les paroles. La seule chose qui résonne dans ma tête c'est la voix de Charlotte.

Whaley Evy! Whaley Evy!

Ça va sans dire que je n'ai pas vraiment mangé notre tiramisu. J'ai pris une mini bouchée et j'ai dit à Charles que je n'avais pas aimé, même si c'était un mensonge. Je n'avalerai plus jamais quelque chose d'aussi calorique. La main de mon époux repose sur ma cuisse pour la durée de la soirée. Je sais qu'il ressent mon désarroi, mais je lui suis reconnaissante de ne pas aborder le sujet, ici.

Je n'ai pas dit un mot du retour, je suis trop prise dans ma tête. Seule avec Charles, je n'ai plus d'énergie pour faire semblant d'aller bien. Il maintient un contact constant entre nous. Que ce soit la main dans le bas de mon dos, ou le bras autour de mes épaules, il ne me lâche pas. Il ouvre la porte du loft et je laisse tomber mon sac sur le sol.

-Si tu me le permets, j'aimerais aller sous la douche!

-Tout ce que tu veux, ma belle. As-tu besoin de quelque chose? Veux-tu que je t'accompagne. S'informe-t-il.

Son n'offre n'est pas indécente, elle est attentionnée. Je reconnais la ligne d'inquiétude dans son front. Il s'en fait pour moi. Je dépose les mains sur ses joues et lève les yeux vers lui.

-Je vais y aller seule, merci. Je me dépêche. Après on pourrait écouter un film blotti l'un contre l'autre?

-J'adore cette idée. Dit-il juste avant de m'embrasser.

Je délaisse son visage et lui souffle les mots Je t'aime en marchant vers la salle de bain. J'active les millions de jets d'eau que propose cette douche de luxe, remonte mes cheveux et me faufile sous l'eau. Je savonne mes jambes et mes cuisses. Lorsque j'arrive à la hauteur de mon ventre, j'échappe le chiffon. Mes mains se promènent sur le bas de mon ventre en essayant de le rentrer par l'intérieur. Chaque mouvement de ma peau me ramène deux ans auparavant. Je me revois marcher sur le campus en découvrant les photos de moi qui placardaient les babillards. La direction avait été rapide à les retirer, mais le mal était fait. La majorité des gens les avaient vus. Je plonge la tête directe sous le jet d'eau pour me ressaisir. C'est du passé, je ne suis pas cette femme et je dois aimer et respecter mon corps. C'est ce qu'on m'a appris en thérapie. C'était beaucoup plus facile à gérer dans mon petit patelin. J'arrête le jet et attrape la serviette. Je m'essuie rapidement avant de sauter dans mon peignoir. Ce matin, je n'avais aucun gène de franchir le couloir nu. Cependant, en ce moment je n'ai aucune aisance à montrer mon corps. J'ouvre la porte de la salle de bain et à ma grande surprise, j'y trouve des vêtements pliés. Charles est venu les déposer pendant que j'étais sous la douche. Mon cœur fond pour cet homme. Il n'a pas idée combien son geste, aussi banal qu'il apparait, me réconforte. J'enfile les shorts et le chandail en marchant doucement vers le salon. Je suis déçue de ne pas y voir Charles. La télévision est ouverte, les couvertures sont étalées sur le canapé, mais aucune trace de mon mari. Je fais le tour du loft pour finalement me rendre compte qu'il est assis sur le balcon. Il regarde Monaco sur toute sa splendeur. J'ouvre la porte coulissante et sors le rejoindre. Il tourne la tête vers moi et m'invite sur ses genoux. Je m'installe avec plaisir et appui ma tête sur son torse. Son cœur bat contre ma tempe et c'est apaisant. Je me concentre sur sa respiration en regardant l'océan.

-Merci pour mes vêtements!

-Il n'y a rien là. J'aimerai pouvoir en faire plus. Murmure-t-il.

-Tu en fais déjà beaucoup, je t'assure.

-Pas assez! Je te vois t'examiner sans cesse... Et ça me rend fou. Si seulement tu arrivais à te voir au travers de mes yeux...

Ses paroles me touchent et une masse d'émotion se forme dans ma poitrine. Je redresse la tête et je m'agrippe à son cou. Comme si j'étais en chute libre et qu'il était la seule façon de m'en sortir. Si c'était réellement ça? Si Charles était la personne qui m'aiderait à enfin vivre sans mon trouble obsessionnel? 

Bienvenue à VegasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant