La romance de mon existence - Der Sommer meines Lebens

IV

Doro

Le port du Pouliguen est vraiment un endroit unique au monde. Les pavés gris au sol, la douce danse des bateaux en stand-by dans le port, l'odeur de barbe à papa et de crêpes, et la population jeune qui se balade joyeusement. Nous sommes allés dans une crêperie, Le Bateau Ivre, parce que d'après Roméo c'est une place to be. Il a raison. Désormais je pourrais tuer pour une crêpe beurre-sucre ! Je loue l'inventeur de ce petit bonheur sucré !

Il fait désormais nuit, et nous mangeons une gaufre sur la plage, allongés, à regarder les étoiles. Bien sûr, accompagnés d'une bonne bouteille d'alcool.

-Tu es de quel signe astrologique Dorothée ? demande la voix de Maellys à travers le doux silence qui s'était installé.

Je rigole. Ne me demandez pas pourquoi.

-Je suis un petit poisson dans la mer. Et vous autres ?

-Oh ! Roméo aussi, c'est marrant, vous ne vous ressemblez pas... enfin physiquement.

-Bah, ça n'a rien à voir avec l'apparence l'astrologie... t'es pas un peu bourrée ma petite Maellys ? rigole Côme.

-Oh, c'est vrai... Bon bref, je suis balance et Côme est vierge, pouffe-t-elle sur le dernier mot, et ils se regardent d'un air complice... j'ai loupé un truc.

Je rigole encore sans raison, et répond tout ce que mon corps peut fournir avec cette dose d'alcool :

-Ok !

Le silence se réinstalle. Roméo est le silencieux ce soir. Il est à ma gauche quand les deux autres sont sur ma droite. Je tourne discrètement ma tête dans sa direction. Son regard est braqué sur les étoiles, il parait absorbé par quelque chose que nous autres ne voyons pas. Je regarde dans la direction de son nouvel intérêt. J'ai toujours aimé observer le ciel la nuit. Je suis souvent réveillée la nuit, et quand c'est le cas, je cours vers la fenêtre et me laisse à contempler les différentes constellations. La nuit m'inspire. C'est comme une amie, là pour toi, quand tu n'arrives pas à dormir. Elle me rassure. Et puis elle est tellement belle, ce serait dommage de louper ce spectacle. Quand la nuit tombe, c'est comme si l'aura changeait d'un coup. Il y a le côté obscur un peu flippant, mais aussi une ambiance de tous les interdits. La nuit est comme une grosse écharpe douillette.

Je me retourne vers ce garçon qui m'attire si fort. Pourquoi ? Je ne le connais que peu. Je ne le connais pas tout court. Comment expliquer cette attraction soudaine pour un inconnu. C'est comme si mon corps me criait de suivre cet instinct en me promettant enfin le calme après la tempête. Mais ça paraît tellement surnaturel. Le coup de foudre, je n'y crois pas. Je suis toujours la première à dire qu'on ne peut pas aimer quelqu'un juste en ayant aperçu la surface. Il est réellement beau, avec sa mâchoire carrée qui crie au scandale, son regard charbonneux si sombre et profond. Sa peau de cristal, comme s'il vivait en tant que vampire alors que je sais qu'il adore être sur la plage et en extérieur, contrairement à moi. Ses mèches identiques à ses yeux, ébouriffées et d'apparence si douces.

Puis son visage se tourne vers moi. Je n'ai pas le temps de me retourner.

-Salut toi.

Oh.Mon.Dieu. Mon cœur bat à toute vitesse, tellement que je l'entends résonner dans mes oreilles. Il me fixe et moi qui n'arrive jamais à regarder dans les yeux, pour le coup je suis bluffée et bouche-bée. Il n'y a rien de gênant. On s'observe, on se retient, on s'analyse, on se comprend. Je ne veux plus quitter cet instant de pure irréalité avec lui. On est très proches. Je sors de ma transe, je rougis, je tourne vite la tête. L'instant nous échappe, nous sommes de nouveau sur la plage, de nouveau deux inconnus qui font connaissance. Lui aussi est retourné à son analyse du ciel, comme s'il décelait tous les secrets de l'univers.

J'ai rêvé?

-Tu es sympa Dorothée, tu devrais sortir d'autres fois encore avec nous.

Sa voix endormie fait battre mon cœur encore plus fort. Il va se casser, à être aussi rapide.

-Oui...

Que dire d'autre ? Oui ! Oui, mille fois oui ! Je veux voir tout avec toi, je veux te voir tous les jours, toutes les nuits.

-En soit, notre planète est dans l'univers, elle est liée à cet espace infini, et par extension nous aussi. Cette histoire d'astrologie n'est pas si bête. Je crois que je pourrais même y croire.

Maellys a repris son charabia philosophique de fille bourrée mais je ne l'écoute que d'une oreille. Je suis trop concentrée sur le regard de Roméo que je sens me bruler.

-Ok donc quoi ? Toi, t'es romantique et indécise. Moi j'suis perfectionniste à fond et un peu tendu. Et eux ils sont artistiques et rêveurs ?

Artistique je ne sais pas, mais rêveuse oui. Surtout maintenant.

Ils continuent leur discussion qui part dans tous les sens, Roméo participe même, reportant son attention sur les deux clowns. Continue à me regarder... s'il te plaît ? Et moi je ne pense qu'à une chose : faîtes que ce moment dure parce que je ne suis pas prête à me réveiller.