XIV

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Roméo

« Rdv à la crique, 21h. »

C'était son dernier message. Plus aucun signe de vie. Ses amis n'en savent pas plus non plus. Je ne sais pas quel déclic l'a rendu aussi désespéré mais une chose est sûre : il va essayer de se défiler. Il pense avoir perdu le combat.

À 21h01, j'aperçois sa silhouette assise à deux mètres de l'eau calme. Je descends les marches lentement. Très lentement. Mes jambes sont comme paralysées. Elles savent ce qui m'attend. Je le sais aussi, mais je ne veux pas comprendre que Roméo puisse aussi peu croire en la vie et en nous.

À 21h10, je suis à côté de lui, mais reste debout. Le risque : m'effondrer plus durement sur le sol. Mais je ne supporterais pas de sentir son abandon aussi proche de moi.

-Salut.

Il ne lève pas les yeux vers moi. Il est perdu, totalement paumé mais ne veut pas qu'on l'aide.

-Désolée Dorothée, mais je suis incapable de t'entraîner dans mes problèmes. Ce serait pire encore que d'être à jamais malade et seul.

-Roméo, quand as-tu perdu ton courage et ta fierté ? Tu sais combien d'alcooliques ont réussi à guérir ? Tu te rends compte que tu choisis la facilité ? Pourquoi ?

-Ma famille est folle à lier. L'alcool m'a toujours permis de résister et comment je dois faire à ton avis, quand ils s'en prendront à toi ? Jamais je ne continuerai à vivre une vie paisible avec toi. Mes origines et ma maladie m'en empêche, c'est comme ça. Je vivais avec, je pourrais continuer à vivre avec. Ton arrivée a basculé mon monde, c'était un risque et je suis allé trop loin. J'accepterai ta haine et tes coups. Tout ce que tu voudras.

Je ne trouve plus de mots. C'est un inconnu. Ce n'est pas Roméo. Peu importe ce que je dirais, il s'est enfermé dans son malheur et je ne sais que trop bien que rien ne pourra le dissuader. Je n'arrive même pas à pleurer ou à crier. Je suis vide. Survis, mon cœur, tu ne peux pas t'arrêter en si bon chemin de guérison. C'est une épreuve, mais les hommes ont fini de nous détruire.

-Je ne veux pas sacrifier un énième cœur pour ma cause. Ton cœur m'est trop précieux pour le briser.

Il s'éloigne, comme ça. Sans se retourner, sans montrer la moindre émotion. Tout comme moi. Notre belle histoire si simplement gâchée. Je souffle à nouveau :

-Mais tu viens de trouver la seule manière de le faire.

Ma phrase est entendue peut-être par la mer, peut-être par le vent, peut-être par les rochers, mais pas par lui.

La romance de mon existence - Der Sommer meines LebensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant