XVIII

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Doro

Je nous revois assis sous cet arbre à échanger notre premier baiser et au regard que me jette Roméo je sais qu'il pense à la même chose. Je ferais tout, pour ressentir à nouveau ce sentiment de découverte et satisfaction, mais en même temps rien puisque chaque fois est tout aussi belle que la dernière, voire mieux.

« Mon oncle a toujours été considéré comme le révolté contre les lois conservatrices de ma famille. Il a eu un grand début de carrière comme avocat à Paris, à défendre les jeunes de banlieue, trop désespérés et abandonnés par l'État français. Il était adulé et beaucoup de gens ont ouvert les yeux sur la réalité qu'est la pauvreté, et ses soucis, grâce à lui. Du jour au lendemain, il s'est retiré et a déclaré avoir fait tout ceci seulement pour se moquer des populations pauvres qui d'après lui n'ont clairement aucun avenir, ils avaient qu'à travailler. Une réplique typique que mon père ou n'importe quel membre de ma grande et noble de famille aurait pu dire. Depuis, c'est un alcoolique et toxicomane dépressif qui n'a que moi pour s'occuper de lui. Ma famille a eu trop honte de lui, et fait désormais comme s'il n'avait jamais existé. Oui, c'est beau la famille... Bienvenue dans la famille de Clairière, une famille d'anciens princes et ducs, où chaque membre est surdoué et fait partie des plus grandes fortunes françaises. Les quelques échecs familiaux disparaissent soudainement des médias. Depuis des siècles, ma famille connaît d'étranges histoires où se mêlent meurtres et complots, ce qu'on appelle « la malédiction de la clairière », une vieille histoire de sorcière qui rencontre mon ancêtre décrit comme le plus arrogant et insupportable homme sur terre, qui la tue et en retour reçoit un sort pour toutes ses générations futures. Cette sorcière ne nous a pas épargnés : ma mère s'est suicidée l'année dernière sans lettre particulière, sauf une qui m'était destinée disant Mon Roméo, cette famille a eu ma fin. Je t'en supplie, résiste, mon père est de façade le meilleur chirurgien parisien et un grand homme politique, mais en réalité le plus gros con planétaire qui préférerait se débarrasser de son fils qui n'adhère pas aux idéologies familiales. Le reste de la famille est en gros pareille. Hypocrite, snobe et mesquine. »

« Je voulais être architecte en réalité. Mais tu ne sais pas, Dorothée ? Pour mon père c'est un métier trop risqué. Et dans ma famille on ne prend pas de risque, non ! On s'inscrit en médecine ou en droit, point barre. Pas de place pour l'originalité. Nous jouissons d'une réputation, Roméo, ne me fait pas honte ! L'enfant que j'étais aurait tout fait pour le rendre fier. Tout. Je commençais ces études si prisées mais pas pour moi. Non, je ne pouvais pas choisir comme les autres étudiants. Je n'avais pas cette excitation de partir après le lycée dans une ville choisie où je pourrais m'épanouir dans ma voie choisie, non, c'est Paris et médecine Roméo. La première année fût difficile mais l'alcool, mon meilleur ami, m'aidait -enfin à l'époque je pensais que ça m'aidait, pas que je sombrais de plus en plus dans l'addiction- et par un miracle que l'on appelle l'argent dans ma famille, j'arrivais en 6ème place lors du concours. Et puis les années suivantes je parvins à voir le potentiel de cette formation mais surtout j'appris à connaître la chirurgie par le biais du médecin Dr. Redmond -c'est lui qui m'a sauvé, c'était ma lumière dans mon monde noir plein de ténèbres. Par la chirurgie je pouvais avoir une partie du côté créatif que j'aimais dans l'architecture. La chirurgie c'est se repérer dans l'espace et la précision. C'est de l'art. Ainsi j'avais l'impression de me rebeller un peu quand même en ayant à moitié accomplit mon rêve : être artiste. »

Roméo est un artiste. Tout à l'heure, il n'a pas caché ses dessins dans son sac. J'ai donc pu les contempler mais j'ai vu la passion de ses traits et surtout le talent pur de cet homme brisé par la vie à mes côtés. L'art, disait mon père, est un langage en soi. L'artiste s'exprime à travers sa sculpture, son encre ou son coup de pinceau. Si tu rencontres un jour un vrai artiste Dorothée, tu pourras être plus que tendre avec lui parce que sa vie ne fût sûrement pas facile. Mais ne te montre pas trop intrusive -sauf s'il te le demande- parce que ses œuvres renferment ses plus sombres secrets. Ses œuvres, c'est lui. Et tu verras seulement ce qu'il te laissera voir. Je fais donc la première chose qui me passe par la tête. Je l'entoure de mes bras. Je le serre aussi fort que je le peux, si fort pour qu'il sente à quel point il n'est pas seul, à quel point je l'aime, parce que oui je l'aime, et surtout à quel point il s'en sortira parce qu'il y a toujours le calme après la tempête, même si la tempête a été longue. Je le sais parce que depuis lui, je vois chaque jour un peu plus le soleil qui pointe et les vagues qui se calment, alors maintenant à mon tour de l'aider à naviguer jusqu'à retrouver la mer calme et peut être même apercevoir une terre ferme au loin.

La semaine qui vient de passer a été douloureuse. Très. J'ai cru l'avoir perdu pour de bon. Mais maintenant je sens qu'on est deux. Pour de bon, et je l'espère pour toujours.

-S'il te plaît, murmure-t-il doucement, ne me lâche jamais. J'ai l'impression de vivre quand je suis dans te bras, et je crois que j'aime ce sentiment...

Une larme coule. Je ne sais pas si elle vient de moi ou de lui, les deux sont si possibles.

-Jamais, Roméo, jamais...

-J'ai peur mais je crois que je t'aime. Merci.

-Moi j'en suis sûre. Je suis sûre de t'aimer. Et pour l'éternité. Mais pourquoi me remercier ? Tomber amoureux ne se choisi pas.

-Je ne te remercie pas. Je remercie le ciel. Pour le fait qu'il me rend heureux pour le restant de mes jours en m'ayant conduit sur ta route. Je remercie tes parents pour avoir créé une fille aussi parfaite. Je remercie notre plage où tout a commencé, où tout a failli se finir. Et bizarrement je remercie toutes les mauvaises choses dans ma vie, sans lesquelles je ne serais pas ici, avec toi. Elles en valaient le coup, toutes. Et merde, je remercie la vie. La vie est vachement tordue mais très belle. Je vis à nouveau, je respire à nouveau, j'aime pour la première fois, tout est tellement bien.

Je pleure pour de bon.

-Alors merci le ciel, dis-je, merci à toi. Merci d'être aussi fort, merci de croire en nous, merci de m'avoir rattrapé sur la plage...

On rigole. Ça fait du bien.

-Je crois tellement en toi, Roméo. Je suis persuadée qu'avec ou sans moi tu vas toucher tous tes rêves. Mais ce sera avec moi, parce que ne compte pas sur moi pour te lâcher. Je te le promets.

-Moi non plus, je ne te lâche pas. Jamais.

Cet été a été rude. Je suis passée par tellement d'état d'âmes. Mais cet été, c'est l'été du commencement, du départ à zéro, de l'amour. C'est l'été de ma vie. Vivez, vivez tant que vous le pouvez, ne lâchez rien, gardez espoir, et le bonheur vous attrapera en cours de route, je le sais. 

La romance de mon existence - Der Sommer meines LebensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant