Chapitre 80 / Mercenaire

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— Il faut arrêter de surgir comme ça, vous ! J'ai droit à un minimum d'intimité ! s'écria Lupita prête à retourner au combat.

Le fait de s'habiller et d'avoir l'impression d'être en pleine possession de ses moyens, lui avaient donné du courage.

— Un, la porte était ouverte. Deux, nous n'avons pas terminé notre conversation. Trois...

— Il n'y a pas de trois ! le coupa la jeune femme en se campant devant lui, les mains sur les hanches avec un air buté. Notre conversation est terminée. Je démissionne. Vous êtes libre de raconter ce qui vous chante à votre fichue famille. Tiens ! J'ai une idée fabuleuse ! Vous n'avez qu'à dire que je vous aie plaqué comme un malpropre, parce que je suis une hystérique incontrôlable ! Non ! Mieux ! Que j'ai trouvé Dieu dans la Seine et que j'ai décidé de me consacrer à lui, dans un couvent au fin fond d'une campagne quelconque !

Aïko ne put retenir un hoquet de rire à ce dernier argument. Lupita était trop en colère pour voir le côté amusant de son propos, puisque ça n'est pas Dieu qu'elle avait trouvé dans la Seine, juste Ryker... l'analogie était troublante. Était-il judicieux de le faire remarquer à la jeune femme ? Le coup de coude d'Emmanuelle supposait que non. Aïko se laissa donc entraîner en un repli tout stratégique, vers la porte.

Dans le couloir, elles trouvèrent Jung adossé au mur qui pianotait sur son téléphone. Il leur jeta un coup d'œil avant de continuer.

— Pas d'urgence vitale pour le moment ? demanda-t-il.

— Pas encore, dit Emmanuelle en tirant la porte pour éviter que la clinique toute entière ne profite de la discussion animée entre Ryker et Lupita.

— Pourquoi est-il revenu ? Je croyais que la rupture était consommée, demanda Aïko

— Pas exactement. Il a oublié de la remercier.

— De la remercier ? répéta lentement Emmanuelle en jetant un coup d'œil inquiet vers la chambre.

— Humhum.

— Tu es conscient qu'il va y avoir du sang, Jung ?! s'exclama Aïko en s'approchant de son amoureux.

— Métaphoriquement ou littéralement ?

— Jung !

— Pas nécessairement. Si l'un des deux baisse la garde, ou si par un miracle incroyable, ils prennent enfin conscience tous les deux qu'il pourrait y avoir une vraie histoire entre eux.

— Tu plaisantes, n'est-ce pas ? dit Emmanuelle.

— Nope.

— Ils sont prêts à se sauter à la gorge, et toi, tu penses que c'est parce qu'ils s'apprécient ! Je crois que je ne veux même pas savoir d'où vient cette idée tordue.

— Du comportement de Darius.

— J'ai du mal à suivre, dit Emmanuelle en se laissant glisser en bas du mur pour s'asseoir.

— À la mort de son père, Darius a pris sur lui une partie du fardeau que le devoir filial lui imposait. Il l'a fait pour aider ses frères et sœurs. Il l'a fait parce qu'il aimait son père, et qu'il savait qu'au fond, même s'il ne le lui avait jamais dit, c'était ce qu'il souhaitait. Pour cela, il a abandonné sa vie d'avant et fait une croix sur une vie sentimentale déjà un peu chaotique. Il pensait, à juste titre, qu'il ne pourrait pas mener de front autant d'objectifs. Il avait besoin de rester concentré. Le destin en a un peu décidé autrement en mettant sur son chemin une femme qui l'attire.

— Je ne crois pas à toutes ces conneries de destin, Jung, dit Aïko.

— Moi si, répliqua Emmanuelle en la foudroyant du regard. Tu ne peux pas nier que le hasard a été sacrément facétieux avec eux deux. Les mettant sans arrêt sur le chemin l'un de l'autre.

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