J'essuyais mes yeux humides en osant enfin l'affronter du regard. Même à genoux au sol, il restait bien plus grand que moi, et je dus pencher un peu la tête pour pouvoir l'observer. Ses yeux avaient en cet instant précis un mélange d'émotions noires, intenses et profondes, on resta ainsi jusqu'à ce qu'il se racle la gorge.
— Est-ce qu'il t'a fait mal ? Me demanda-t-il se ressaisissant alors qu'il désignait mon ventre que j'avais recouvert de mon autre main.
Je soufflais faisant redescendre la tension de ces derniers moments.
— Ça ira. Tu veux bien m'aider à me redresser s'il te plaît ?
Il m'offrit un de ses sourires en guise de réponse avant de s'approcher de moi pour me redresser. Il me saisit par les hanches et on se redressa ensemble, balayant de ce mouvement la distance qui nous séparait. Je fuis son contact en faisant un pas en arrière, soudain apeurée par cette proximité avec lui.
— Tu ne devrais pas être à ton travail ? Lui demandais-je en fuyant son regard.
Comprenant mon malaise, il se redressa un peu et regarda la fenêtre avant de reporter son attention en direction de son bureau.
— J'ai ramené du travail ici, même si je n'ai pas vraiment avancé dernièrement, m'informa-t-il en désignant un sac plein de papier à côté de son bureau.
— Ton patron ne va pas te saquer à cause de ça ? Demandais-je embarrassée de lui causer des problèmes.
Il eut un petit rire en me répondant.
— Je pense que je vais être clément avec moi-même. Et puis, la facturation est une vraie bête noire pour moi.
J'évitais de m'attarder trop longtemps sur les fossettes qui apparaissaient sous sa barbe alors qu'il me souriait et regarda la masse de papiers dans le sac plastique. À le voir comme ça, je n'aurais pas pensé qu'il était patron de sa propre boîte, mais, en même temps, Wolf était avocat. Ici plus qu'ailleurs, il ne fallait pas se fier aux apparences.
— Tu veux de l'aide ? Lui proposais-je dans l'espoir d'avoir une activité.
Il redressa un sourcil surpris face à ma proposition.
— Tu arriverais à faire ça ? Me demanda-t-il dubitatif.
— Le travail administratif ça me connaît, lui affirmais-je, et puis j'ai dormi deux jours, ça me fera du bien de m'occuper un peu. Enfin si tu veux bien, je peux t'aider un peu mais je ne connais pas les normes américaines sur les documents, alors je comprends que tu ne veuilles pas. Repris-je alors qu'il n'avait pas changé d'attitude. Je peux mettre mes affaires dans l'autre chambre pour te laisser travailler si tu souhaites.
De dubitatif, il passa à contrarié avant de se faire malicieux, il fit un pas vers moi.
— Non, tu m'aideras.
Je lui offris à mon tour un sourire reconnaissant avant de me détourner de lui pour débarrasser le bureau. Alors que je jetais les emballages vides à la poubelle, il me surprit en passant son bras devant moi pour passer un coup d'éponge sur le bureau. Je fis littéralement un bon en sentant son torse dans mon dos alors que je ne l'avais pas vu venir. Mon cœur s'emballa, ma douleur se réveilla à mon geste impulsif et je ne pus m'empêcher de laisser échapper une complainte de douleur. Je fermais les yeux, laissant cette ruelle maudite loin où elle était, me raccrochant au présent grâce à cette odeur de bois omniprésente dans la pièce. Je sentis la masse de son corps s'éloigner de mon dos pour se mettre à mes côtés.
— Je suis désolé Frenchie, je ne voulais pas te faire peur. Sa voix laissait transparaître un peu de culpabilité.
Me raccrochant au bureau pour ne pas me laisser effondrer par la douleur écrasante, je niais plus pour chasser mes idées noires que pour le contredire, essayant de respirer normalement. Je finis par ouvrir les yeux et le découvris prêt pour me contenir en cas de chute sans pour autant me toucher. Je lui offris un pâle sourire de réconfort face à son inquiétude, essuyant le coin de mon œil à nouveau embué de larmes.
— Je sais, je... juste pas par derrière si je ne te vois pas. Je reconnaissais à peine ma voix chevrotante quand je dis ça.
Il hocha la tête, ses yeux ayant repris un éclat létal. Il tira la chaise à côté de moi sans me quitter des yeux.
— Assis-toi, m'ordonna-t-il grave. Sauf si tu préfères t'allonger, ajouta-t-il alors que je regardais la chaise sans bouger.
Je lui fis un petit sourire de façade avant de prendre place sur la chaise.
— Tu es autoritaire Silent Boy, me moquais-je pour détendre l'atmosphère.
Ma réplique eut l'effet escompté quand il me répondit un peu moins grave.
— Content que tu t'en aperçoives enfin.
Il sortit du tiroir de son bureau une tablette de chocolat noir qu'il me tendit. C'était la même marque que m'avait apportée Burn Head quand il était venu débarrasser les débris de lampe de ma chambre. Je regardais la tablette sans la prendre, fermant les yeux pour garder mon calme. Non, je ne devais pas considérer cette attention comme plus qu'un acte désintéressé. Non, je ne devais pas.
On toqua à la porte, ce qui me força à lâcher le chocolat des yeux. Silent Boy alla ouvrir pour découvrir le Doc.
— Désolé, je suis en retard, annonça ce dernier en entrant dans la pièce. Bonjour Mel, tu es plus pâle que ce que j'aurais imaginé.
— Salut Doc, je viens d'avoir un mouvement malheureux, ça explique le teint, l'informais-je.
Il hocha la tête simplement alors que Silent Boy me dévorait d'un regard réprobateur du coin de la porte qu'il venait de fermer.
Je détournais le regard pour me consacrer à mon interlocuteur premier.
— Je vais t'ausculter dans ce cas, tu veux que Phenix reste dans la pièce ? Me demanda-t-il avec considération. Je ne t'examinerai pas les côtes aujourd'hui, sauf si tu le juges nécessaire.
Je me figeais instantanément. Silent Boy dans la même pièce ? Oui, bien sûr, mais non. Non ! Il ne devait pas. Mon Dieu, il ne pouvait pas, même si j'en avais besoin. La bile me monta à la gorge. Comment pourrait-il ? Je n'en avais pas la force. Je n'arrivais pas à me décider. Incapable de parler. Silent Boy prit la décision pour moi.
— Je serai dans la salle de bain, n'oublie pas de manger ton chocolat.
Il semblait blessé dans son orgueil, mais c'était peut-être qu'une impression. Il rentra dans la salle de bain et disparut de mon champ de vision sans pour autant fermer la porte.
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What a shitty American Trip.
RomanceFrenchie a traversé un océan pour avoir des réponses, ça fait six mois qu'elle les attend et elle est bien déterminée à les avoir pour pouvoir se relever, le reste n'a plus d'importance. Phénix a soif de vengeance, ça fait deux mois qu'elle a été tu...