CHAPITRE QUARANTE-SIX

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EMERY


     -Il est minuit ! s'écrie Carole au bout de la table. Joyeux Noël à tous !

     Je lève les yeux vers la grande horloge qui trône sur un des murs de la salle à manger et constate qu'elle a raison. La petite aiguille a dépassé le nombre douze et la grande n'est pas bien loin non plus. Nous sommes officiellement le vingt-cinq décembre. 

     Autour de la table, tout le monde lève son verre pour trinquer à cette occasion. La bûche attend d'être mangé tandis que nous joignons nos verres en nous souhaitant à tous un joyeux Noël. Tout le monde semble passer un bon moment, le ventre déjà bien rempli et le regard plein d'étoiles. Tous réunis, nous formons à une belle famille recomposée. Mon frère est déjà parti se coucher pour respecter son rythme de sommeil mais les autres sont là, bien attablés autour des restes de notre repas du réveillon. Carole et ma mère s'entendent comme larron en foire, mon père et Tommy aussi et Violet et Tim sont principalement concentrés sur moi. 

     Je crois qu'ils m'ont à l'œil depuis l'épisode du Tattoo Ink. Violet est au courant de ce qu'il se passe entre Cameron et moi et je suppose qu'elle a mis son mari au parfum. En revanche, je ne leur ai rien dit concernant ma crise de panique ni la façon dont les choses ont tourné quand Cameron s'est enfermé avec moi dans les toilettes. J'ai gardé tout ce qu'on s'est dit pour moi, la manière dont il m'a tenu contre lui pour me calmer et le baiser que je lui ai donné en guise de remerciement. 

     Seulement, les deux tourtereaux se doutent de quelque chose, je le sens. Ils m'observent toujours du coin de l'œil et les regards suspicieux qu'ils nous ont lancé quand on est venu les rejoindre ce jour-là ne m'ont pas échappé. Ils ne devinent peut-être pas l'étendu ce qu'il y a entre Cameron et moi mais ils voient très clair dans mon jeu. 

     C'est pour cette raison qu'ils ne me lâchent pas d'une semelle depuis trois jours. Je n'ai pas à m'en plaindre, à vrai dire. Ils s'inquiètent pour moi et je me sens en sécurité près d'eux, rassurée et entre de bonnes mains. Violet et Tim ont toujours été des figures rassurantes à mes yeux. Je suis contente qu'ils soient là. Les choses auraient été bien plus compliqués pour moi si j'avais dû me retrouver toute seule avec Tommy. 

     Ce soir, j'arrive à avoir le sourire parce qu'ils sont là pour m'épauler et me faire oublier le dilemme qui se joue dans ma tête. Je n'ai qu'à me concentrer sur eux et sur la fête pour faire le vide le temps de quelques heures. Je suis heureuse de nous voir tous autour de la table en train de partager un bon repas. Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu mon père et ma mère autour de moi et j'aime savoir qu'ils s'entendent aussi bien. C'est un vrai soir de fête. 

     -J'ai quelque chose à dire. 

     La voix de Tommy me fait sortir de cette bulle imaginaire où je me sentais si bien. 

     Tous les regards se trouvent bientôt braqués sur lui. Il arbore un sourire au coin des lèvres, le genre de sourire que je ne lui connais pas. On dirait qu'il trépigne à l'idée de faire une annonce. Il est aussi excité qu'un enfant qui s'apprêterait à dire à ses parents qu'il a eu la meilleure note de toute la classe au dernier contrôle de maths. Je ne crois pas l'avoir déjà vu dans cet état. 

     -On t'écoute, mon garçon, l'encourage mon père. 

     Je devrais être heureuse que mon père le regarde avec tant de sympathie et de respect mais j'ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi il était si gentil avec lui alors qu'il avait été intraitable avec Cameron. L'un n'est pas mieux que l'autre. Ils auraient dû mériter le même traitement. 

     -En fait, j'ai un cadeau spécial pour Emery. 

     Intriguée, je me tourne vers lui, le coeur vibrant d'appréhension. 

THE WAY - LE DILEMMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant