~ Automne roux ~

Lexie

"Eastpack" ...
Voilà...
Je contemple ma trousse grise...
Fade...triste...déprimante...
La trousse ou moi ?...
Qui sait ? Qui saura ?

Moi ?
Lexie.

Lexie ?
Moi.

Cheveux roux, bouclés, indomptables, épais... bref je n'aime pas.
Mes yeux ? Marrons, ambrés... peut n'importe finalement.

Aujourd'hui ? Mon pull à rayures blanches et bleues sur un jean large, au point qu'il ne montre que la pointe de mes Converses mal lassées.

Jour comme les autres, lycée comme les autres, vie comme les autres.

La prof écrit... du français ? Des maths ? De l'anglais peut être ?
Je ne sais pas, je ne sais jamais toute façon. C'est comme ça.
Ça ne m'intéresse pas, je préfère réfléchir, penser, remettre tout et rien en cause.

Je suis comme ça, je suis moi, mais qui suis-je ?

Jack Peters...
Lui.
Je sais qu'il est.

Mais... il ne sait pas non-plus qui je suis.
Personne ne sait, mise à part les quelques curieux qui me regardent de travers... moi, la fille seule.

Ca fait stéréotype n'est-ce pas ? Encore une adolescente déprimée, que voulez vous, à 17ans, sans amis, sans personne avec qui parler, la vie est comme ça... du moins ma vie, à moi.

Pas les leurs, si parfaites et surtout la sienne, lui qui affiche sans arrêt un sourire parfait, peut n'importe la situation.

Il a ce don de m'énerver tout le temps...

Encore lui.. Jack Peters...

Jack est assez grand, un peu trop mince et vraiment pas musclé certe mais ses yeux n'ont pas l'air de me juger, son sourire me parait amical et non hostile comme les sauvages de ma classe. Il a quelques taches de rousseurs dispersées sur son nez bien dessiné, les mèches brunes et bouclées, qui couvrent son front, lui retombent légèrement sur les yeux.

Je ne sais rien de lui, si ce n'est qu'il possède un humour douteux, des amis peu fréquentables mais en compensation un talent de dessinateur et de bonnes notes dans à peut prêt toutes les matières que je n'écoute plus.

De temps en temps il me voit... sans me regarder, oui... je n'existerai jamais vraiment pour lui, ses yeux ne font que passer à travers moi comme si je n'étais pas réellement là.

Après tout, n'a-t-il pas raison ? Je suis dans mes pensées pas dans la vie. Cela ne m'a jamais dérangée, malgré mon manque de vie sociale je me porte encore bien, à croire que je m'y suis faite à tout ça, tout observer, tout écouter.

Petite j'étais différente, très extravertie jusqu'à ce que l'on déménage ma mère et moi pour qu'elle puisse recommencer une nouvelle vie, prendre un nouveau départ après le décès de mon père. J'ai laissé dans ces cartons mon envie de découvrir le monde, mordre la vie, en profiter... A quoi bon ?

Les sauvages rangent leurs cahiers, trousses et se lèvent. La sonnerie qui marque la fin du cours a due retentir, je ne l'ai encore une fois pas entendue, je ne l'entend jamais enfaite, bien trop occupée. Je pense beaucoup n'est-ce pas ?

Parfois sur le chemin du retour, à la fin de la journée, je marche derrière un groupe de filles qui ont l'air gentilles. Ce soir elles ne sont pas là, il n'y a que moi et les feuilles mortes d'automne... aussi rousses que moi.

Que moi...
Et...
Jack Peters.

Je marche derrière lui sous la pluie dans la rue grise, j'y fais tache mes cheveux sont un rayon de lumière à eux seuls d'après ma mère.

Je ne l'avais jamais vu ici, habituellement sa famille l'attend à 18h devant notre lycée... Enfin bon ce genre de choses ne me regarde pas, je l'ai remarqué uniquement parce que j'observe tout le monde sans arrêt. Je ralenti même le pas pour ne pas rattraper ce sauvage, sinon qu'ira-t-il dire demain à ses camarades ? "J'ai croisé la fille bizarre ! Vous saviez qu'elle rentre seule tout les soir ?"

J'ai été si lente que je manque de louper le bus, encore, mais une fois installée Jack s'assoie devant moi... Est-ce de la provocation ? Un message ? Un signal ? Une invitation à le rejoindre ?

Non, ce n'est rien. Il n'est rien, enfin, plutôt moi, je ne suis rien, je n'existe pour personne et certainement pas pour un garçon.

Je l'observe, il croise les jambes comme une fille, il ne doit pas m'avoir vu pour s'autoriser ce genre de position. Jai l'impression qu'il dessine, ça ne m'étonne pas il a un réel talent, je reconnais sur son vieux cahier, celui qu'il trimballe partout, la courbe des joues d'une fille de notre classe, puis des lunettes qui me semblent appartenir à un sauvage du premier rang de math et les cheveux bouclés de notre prof principale. Pourquoi dessine-t-il toutes ces personnes, nous les voyons bien assez tous les jours à mon goût.

Mon arrêt, je descend, je rentre, enfin, le trajet à regarder ses coups de crayons n'en finissait plus.

Jack lève la tête et me sourit à travers la vitre du bus, par réflexe je me retourne en pensant qu'il sourit à  des amis ou une grand-mère faisant ses courses. Mais non, il n'y a que moi, je le regarde il pouffe trouvant mon geste comique puis le bus l'emmène avec une jolie grimace aux lèvres.

Pour la première fois ce soir, je me sens vivante, j'existe, il m'a vue et j'ai fait rire ce sauvage.

Pour la première fois j'ai espéré qu'il me parle le lendemain... sans savoir ce qui m'attendait.