Elly - Avril 2025
La fatigue nous fait faire des choses complètement insensées.
Il y a quelques minutes, j’ai appris que Maximilien et le pompier qui m’a sauvé des flammes en décembre, sont une seule et même personne. Je n’ai pas vu le visage de mon sauveur ce soir-là. Je n’aurais jamais pensé que ça pouvait être lui, Maximilien. Je sais qu’il est pompier pourtant, mais le destin n'est pas si ironique d’habitude…
Après son aveu, on est resté silencieux pendant de très longues secondes. Ni lui, ni moi n’avons osé bouger de peur de froisser l’autre. Et puis, au bout d’un moment, on s’est allongé sur le matelas. Maintenant, on est étendu l’un à côté de l’autre. On ne se touche pas, mais la chaleur qui irradie de son corps attire le mien comme un aimant. J’ai subitement besoin de sentir cette chaleur encore plus près. Silencieusement, je décale mon corps vers le sien. Ma hanche se cogne contre la sienne. Il ne dit rien. J’arrête de respirer. Son contact m’électrise de la tête au pied. Je ne sais pas ce qu’il se passe entre nous, mais c’est déroutant. On ne peut pas vraiment dire que l’on s’apprécie tous les deux. Depuis notre rencontre, Maximilien a toujours montré du dégoût et un sentiment de mépris pour moi. La “première” fois que l’on s’est rencontré, il m’a humilié chez Nathan en jetant ma drogue dans les toilettes. La deuxième fois, il m’a viré de chez lui comme une moins que rien. Et, même si aujourd’hui, je loge chez lui, ces derniers temps, il me fuit comme la peste. On n’a jamais vraiment eu de conversation, tout se passe dans nos regards. On s'analyse, on se cherche, on s’examine. On plonge dans les iris l’un de l’autre. Nos yeux sont les miroirs de nos âmes tourmentés. On n’a pas besoin de mots pour communiquer. On a besoin de voir pour se comprendre. Nos yeux transmettent tous nos maux qui sont solidement ancrés en nous.
Je sens les muscles du bras de Max se tendre. Il commence à gigoter. Il sort de sa léthargie. Doucement, je sens son regard se poser sur moi. Il me scrute avec minutie. Je n’ose pas tourner la tête vers lui. J’ai peur qu’il me voie devenir rouge pivoine. Je ne sais pas pourquoi mon organisme réagit de cette manière à sa présence. C’est plus fort que moi, mes yeux tombent dans les siens. Je sens mes joues se réchauffer. La pointe de mes oreilles commence à me brûler. J’ai honte. Mes doigts me picotent. J’ai du mal à respirer. Ses deux orbes noirs me fixent sans relâche. J’aime l’intensité de son regard. Il me voit, il me voit vraiment.
Mes poumons cessent définitivement de fonctionner quand Maximilien m’attrape le menton entre ses longs doigts. Son souffle caresse mon visage. C’est à mon tour de le détailler sans scrupule. Ses cernes noirs donnent une intensité encore plus profonde à son regard ténébreux. Sa mâchoire anguleuse est contractée à son maximum. Ses épais sourcils noirs sont froncés. Son parfum chatouille mes narines. Il est beau.
La fatigue nous fait vraiment faire des choses complètement insensées.
- Qu’est-ce que la vie t’a fait ?
Je ne comprends pas vraiment le sens de sa question. Je suis complètement déstabilisé face à lui et je ne trouve pas quoi répondre.
- Comment ça ?
- Pourquoi tu as fini comme ça ?Maximilien n’est jamais très tendre dans sa façon de s’exprimer. Il ne tourne pas autour du pot et il lâche ses mots sans réfléchir à deux fois avant de les prononcer. C’est souvent cru et désagréable, mais ça a le mérite d’être honnête.
- Parce que mes parents biologiques m’ont abandonnées et que personne d'autres n'a voulu m’aimer à leur place. Alors je me suis débrouillée toute seule. J’ai eu des mauvaises fréquentations et tu connais la suite.
Je suis étonnée par mes propres mots. Maximilien me déstabilise. Je lui parle avec une facilité déconcertante. Mon cœur lui parle sans aucune retenue. Je me dévoile et pourtant, je ne veux jamais parler de ça avec qui que ce soit. Même avec Camille, je n’en parle pas. Ma peur de l’abandon vient très certainement de là. Mes parents m’ont abandonné quand j’avais à peine quelques mois. J’ai été retrouvé dans un sac de course au pied d’un orphelinat de Paris. J’étais sous-alimentée et j'avais de nombreuses lésions sur le corps. On n’a jamais su ce qu’il m'était vraiment arrivé. Mes parents ne m’aimaient pas et ils ont décidé de se débarraesser de moi. Je devais être trop encombrante déjà à l'époque. J’ai grandi pendant 18 ans dans cet orphelinat, et jamais personne n’a voulu de moi. A ma majorité, on m’a foutu dehors, sans un seul centime en poche. Alors j’ai fait ce qu’il fallait pour survivre dans la rue. J’ai fait des rencontres. De très mauvaises rencontres. C’est comme ça que je suis tombée dans la drogue et l’alcool. Voilà la Elly d’aujourd'hui : accro à la cocaïne et alcoolique. Tout pour plaire.
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Nos cœurs sous la cendre
RomanceJeune sapeur-pompier, Maximilien est un homme qui a été blessé par la vie. La carapace qu'il s'est forgée est désormais infranchissable. Ce qu'il hait le plus ? Les junkies qu'il croise bien trop souvent dans son quotidien de héros. Les femmes ne fo...