09. Suite de Fibonacci

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AARON

Je suis un homme faible.

Je pensais que la donne avait changé ; je pensais que je n'étais plus aussi stupide. Et même si je suis loin de l'idiot que j'étais il y a encore un an, il y a toujours ces fois où je cède à la tentation.

Je voudrais tellement que cette décision que j'ai prise soit totalement absurde et dénuée de sens, mais c'est loin d'être le cas. Le truc, c'est qu'elle est seulement la résolution de mon propre manque ; je n'aurais pas pu lutter contre elle. On dit que faire moins est parfois ce qu'il y a de mieux, peut-être alors n'aurais-je pas dû tenter de l'oublier et de simplement vivre ma vie au jour le jour et le faire petit à petit.

Si j'avais fait ça, il y a des chances pour que tout ait été différent et que je ne me retrouve pas là, ici, tout juste devant elle. Quelqu'un d'aussi influençable que je le suis la concernant ne peut plus s'étonner de ses propres actions. Dans le fond, il n'y avait aucune chance pour que j'ignore son message, pas après une année entière sans la contacter.

C'est tout bonnement impensable.

Je déteste cette sensation dans mon estomac en la voyant, mais comment pourrais-je même espérer la faire disparaître ? C'est presque devenu une partie de moi, depuis le temps. À force de laisser toutes ces sensations naviguer en moi, je ne peux plus être surpris d'en être submergé.

Accompagné à ces picotements s'ajoute une tension que je n'aurais pas pu anticiper. Elle est là, à me torturer les entrailles comme si elle espérait les dévorer. La raison, je le sais bien, c'est ce mec à ses côtés. Ce gars, que je ne connais pas, qui est proche, bien trop proche d'elle et qui se trouvait seul, dans la même pièce qu'elle. Avec la porte fermée.

L'attention d'Alison est figée à ma personne, mais la sienne reste sur elle. Et je me hais pour cette avalanche de haine que je ressens soudainement à son égard. Je sers mes mâchoires, enclosant ces émotions à l'intérieur pour ne pas risquer une mauvaise entrée – même si je crois bien que c'est déjà le cas.

— Cet homme a dit qu'il te connaissait, explique la femme derrière moi, qui ne semble pas très bien m'apprécier.

« Connaissait » est un euphémisme. C'est bien plus fort que ça. Je fais bien plus que simplement la connaître, je suis un spécialiste de sa personne. Chaque parole, chaque geste, chaque battement de cil ne peut échapper à mon regard et mon analyse d'elle.

Ça m'effraie toujours autant de me retrouver face à elle et de la percer aussi bien que je le fais, mais j'ai aussi conscience qu'il reste certains aspects dont je n'ai aucune connaissance. Et ça, ça me tue de le savoir.

— Oui, il...

Alison se lève, maintenant ses yeux droit dans les miens.

— J-Je le connais. C'est un... ami. C'est moi qui l'ai invité.

Chaque fois qu'elle prononce ce mot, « ami », j'ai l'impression de vriller.

— La fête a eu lieu il y a deux jours, me fait remarquer la femme derrière moi.

J'entrouvre la bouche avant de déglutir. Avec toute la force que je réunis en moi, je parviens à me détacher de cette brunette qui hante encore mes rêves afin de faire face à elle.

— J'ai eu un imprévu. Je, euh... rendais visite à ma famille à Paris.

Ce qui n'est pas un mensonge.

— Paris ? s'exclame l'homme dans mon dos. Oh, j'ai toujours rêvé de visiter cette ville !

Je serre les dents et inspire discrètement avant de me confronter de nouveau à eux deux. Je suis apaisé que mon intervention l'ait fait détourner le regard, mais ça m'agace toujours autant de le retrouver aussi près d'elle. Je voudrais ne pas avoir ces conclusions hâtives dans ma tête, mais que suis-je penser d'autre quand ils sont quasiment collés l'un à l'autre ?

Sensitive Love V : RemontéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant