Tout sur Lupita

Chapitre 108 / Game over

Deimos rentra tranquillement dans sa villa au bord de l'océan. Bien que la soirée lui ait permis de rencontrer des jeunes femmes aussi jolies que peu farouches, il n'avait pas fait l'effort d'en ramener une avec lui. Il était fatigué ce soir.

Il laissa la porte d'entrée se refermer d'elle-même et pénétra dans le grand salon en n'allumant qu'une petite lampe près de la console qui contenait les alcools. Il se servit un dernier verre et alla s'asseoir sur la terrasse qui donnait sur la plage.

Le vent avait forci, et les vagues s'écrasaient avec fracas sur le rivage. Une tempête s'annonçait. Il aimait ça les tempêtes. Il aimait tout ce qu'elles amenaient d'imprévu, tout ce qu'elles provoquaient de désastre. Il s'amusa à l'idée d'avoir été lui-même une tempête dans la vie de ses petits-fils.

Bien sûr, il regrettait d'avoir échoué si près du but, mais se promettait de prendre sa revanche. Ce qu'il préparait depuis son retour ici, n'était que le début d'un plan plus vaste. Si Darius était encore debout, ça ne durerait pas. Ensuite, viendrait le tour de Magnus. Ni Elektra, ni Cyrus ne lui poserait de problème. La première, parce qu'elle était trop jeune pour prétendre sauver l'entreprise que ses deux aînés n'auront pas réussie à garder debout. Le second, parce qu'il ne s'était jamais intéressé à Anthéa. Il regretterait sans doute les subsides conséquents que sa filiation lui rapportait, mais c'était bien tout. Il serait incapable de faire quoi que ce soit pour inverser le processus que Deimos s'apprêtait à enclencher.

En fermant les yeux, le vieil homme inspira l'air marin qui lui fouettait le visage. Il était chez lui ici. Il était bien. Demain, il verrait ses avocats pour mettre la dernière touche à sa création d'entreprise. Demain, il verrait de nouveau l'avenir comme une étendue vierge à conquérir.

Il ne pensa pas à ces douleurs qui parfois lui broyaient le ventre. Il ne pensa pas à ses vieux os qui devenaient de plus en plus fragiles. À son cœur qui s'essoufflait parfois sans raison. Il était un combattant qui ne baissait jamais les bras, même au soir de sa vie.

Deimos se laissa le temps de boire la dernière gorgée de son whisky préféré en imaginant ses prochains coups sur l'échiquier.

***

L'ombre était déjà là quand il était entré. Elle était soigneusement restée immobile dans le coin de la pièce principale. Elle savait que Deimos Yannopoulos n'allumerait que les lampes strictement nécessaires. Après tout, il était, lui-aussi, un homme de l'obscurité. Il vivait derrière le rideau et murmurait des mots emprunts de menaces ou d'espoir à ceux qui se trouvaient sur le devant de la scène. Un marionnettiste brillant et dangereux. Trop dangereux pour le laisser continuer.

L'ombre n'avança que lorsqu'elle vit la silhouette du vieil homme commencer à s'affaisser sur le côté de son siège. Le poison faisait effet. Il se déplaça en silence jusqu'à la salle de bain et attrapa les boites de pilules nécessaires à ce qu'on lui avait demandé de faire. La lettre, elle, était prête, dans la poche intérieure de sa veste, soigneusement pliée et ensachée de plastique pour ne pas laisser la moindre trace suspecte.

Il revint sur la terrasse, s'assura que sa cible était bien morte. Puis il disposa les accessoires nécessaires à la mise en scène de cette tragédie familiale. Une fois que tout fut en place, il prit plusieurs photographies avec son téléphone, avant de quitter les lieux par la plage. Même si la tempête à venir ne laisserait aucune trace de son passage dans le sable, il préféra brouiller les empreintes comme il avait toujours eu l'habitude de le faire. Il était méticuleux. C'était une de ses nombreuses qualités. C'était pour ça qu'on l'engageait. Parce qu'il était une ombre. À peine un souffle de vent.

***

— C'est fait, mon ami. Aucune trace. Rien qui puisse orienter les enquêteurs vers autre chose qu'un suicide. Je t'ai transmis les deux photos demandées. Si tu veux un conseil, ne les conserve pas. On ne sait jamais.