Chapitre 24

38 4 0
                                    

Les réalisations la frappaient de plein fouet. Ses yeux fixaient le plafond. Elle voulait en vouloir à Shikamaru, mais elle ne pouvait pas parce qu'inconsciemment, elle avait toujours su que ça arriverait. Elle voulait lui en vouloir, mais elle ne pouvait pas parce qu'il avait fait son choix et il la laissait faire le sien. Il n'attendait rien d'elle. Et même si la pensée, l'idée qu'il l'apprécie ainsi lui donnait envie de crier, elle ne pouvait ressentir qu'une vague tristesse pour cet homme qui avait eu le malheur de tomber sous le joug de la destinée. Une grande partie d'elle était effrayée de croiser de nouveau ces yeux dans lesquels elle lisait un avenir qui semblait inscrit dans le marbre. Elle était effrayée parce que ses yeux à elle étaient vides de toute promesse, de tout avenir.

L'esprit distrait, elle travaillait, tentant de réparer cette aorte rupturée. Ses dents mordillaient doucement sa lèvre tandis que ses doigts manipulaient le scalpel. Ses oreilles étaient à l'affût du moindre bruit d'un moniteur indiquant une anomalie. Elle fonctionnait sur le pilote automatique. Ses pensées étaient aussi éparpillées que ses émotions.

La lune éclairait Suna lorsque Sakura jeta pour la dernière fois ses gants. Sa lèvre inférieure saignait courtoisie de sa nervosité. Elle avait essayé de se perdre dans le travail, mais son esprit ne faisait que revenir à ces yeux bruns. La culpabilité la rongeait, l'épuisait.

Allongée dans le noir, Sakura fixait le plafond. Les larmes coulaient librement sur son visage tachant son oreiller. Penser à Shikamaru ramenait des souvenirs qu'elle avait essayés d'oublier dans le sang et la violence. Sa gorge était serrée. Penser à Shikamaru signifiait penser à Konoha, à Yugao, à Genma, à Hayate, à sa sœur, à Harui. Sa respiration était erratique. Penser à Shikamaru, à cette situation ne faisait que lui rappeler cette file de fantômes la suivant. Et elle voulait juste tout oublier.

Ce soir-là, le briquet fut catapulté contre un mur. L'objet se fracassa, glissant au sol en deux morceaux.

Le temps défila devant ses yeux préoccupés. Ses pensées emplissaient son regard de brume. Ses lèvres étaient mutilées, la chair réduite en charpie. Elle voulait savoir quoi faire, comment réagir à cette myriade d'émotions qui la noyait, mais son cerveau était vide de toute proposition.

Après une semaine, Sakura décida qu'il n'avait rien à faire. Shikamaru vivait à Konoha, elle à Suna. Elle n'avait pas besoin de se tourmenter, de culpabiliser. Elle pouvait oublier, faire taire ce souvenir et l'entasser avec son passé. Après tout, Shikamaru n'était qu'un fragment de son passé.

Comme à chaque fois qu'elle essayait d'oublier son passé, il lui revint dans le visage quelques jours plus tard.

Les pas de Sakura étaient silencieux contre le sol blanc de l'hôpital. Sa veste blanche frappait ses cuisses à chaque pas. Ses dents jouaient avec la chair de ses lèvres. Le goût métallique du sang éclatait sur ses papilles. La douleur chatouillait sa bouche. Elle cessa son jeu dès qu'elle arriva devant la chambre de son patient.

Un homme âgé aux yeux bordés de pattes d'oie lui sourit chaleureusement tandis que la porte se referma derrière elle. Les couvertures couvraient sa forme assise. Des tubes et des aiguilles sortaient de son bras droit. Sakura sourit poliment.

-Comment vous sentez-vous aujourd'hui, M. Senko ?

Le sourire de l'homme réapparut. Les yeux bruns se fermèrent doucement.

-Ma femme a pu venir me visiter, donc bien mieux.

Le sourire de Sakura se crispa lentement.

-Je suis contente d'entendre ça.

Une lueur amusée traversa les prunelles brunes de l'homme.

-Vous avez le même air que ma femme lorsque je l'ai courtisée pour la première fois, donc je dirais que vous mentez.

À l'autre bout du filOù les histoires vivent. Découvrez maintenant