Le corps

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Se retrouver au beau milieu d'une bande d'ados bourrés remuant au son de musique techno tellement forte qu'elle faisait trembler le plancher ne faisait à la base pas partie des projets d'Ethan. L'odeur de sueur mélangée à celle de l'alcool qui semblait imprégner chaque pièce de cette maison était sur le point de le rendre malade et le cela faisait une bonne heure que son mal de crâne ne le lâchait plus. Le sol était un véritable champ de mines jonché de croustilles, d'alcool, de gobelets en plastique et d'un tas d'autres substances non identifiables dont Ethan n'avait vraiment pas envie de connaître la provenance. Il aurait bien voulu s'asseoir, mais le peu de chaises et de fauteuils disponibles lui paraissait aussi douteux, si ce n'est plus, que le plancher. Merde, même le plafond était recouvert d'éclaboussures, c'était répugnant. Le seul endroit à peu près propre était le mur sur lequel il se trouvait appuyé.

Décidant que s'il devait endurer ne serait-ce qu'une minute de plus la mauvaise musique et les néons multicolores il allait vraiment commettre un meurtre, il se mit en quête de la désagréable et agaçante raison de sa présence en ce lieu qui le débectait. Après s'être cogné à bon nombre de corps transpirant suffisamment pour remplir une piscine entière et n'avoir pas trouvé celui qu'il cherchait, il finit tant bien que mal par atteindre le deuxième étage. La tâche qui l'attendait le décourageait d'avance. Il entreprit d'ouvrir les portes une par une, se récoltant des floppés d'injures et des visions qui le hanteraient probablement pour le reste de sa vie. Franchement, ne fallait-il pas être tombé bien bas pour décider que, non, la flaque de vomie souillant le drap du lit n'était pas une raison suffisante pour ne pas baiser dessus? Sans parler des autres substances douteuses qui devaient également s'y trouver. Les paris étaient lancés, combien d'ITSS allaient se transmettre aujourd'hui? S'il avait été moins fatigué et moins écœuré par toute cette situation, il se serait sans doute amusé de cette réflexion.

Arrivé devant la cinquième porte, il crut reconnaître la voix de l'individu féminin qui s'y trouvait. Ce seul fait le dégoûtait. Qu'il puisse reconnaître sa voix alors qu'elle ne faisait que gémir d'une voix aigüe prouvait qu'il l'avait entendu un bien trop grand nombre de fois, ce qui était vraiment déprimant. Ne voulant pas tomber sur une autre vision traumatisante, il prit le parti d'attendre qu'ils aient finis leur affaire. Il fronça les sourcils quand cris changèrent de nature. Même pour Rosalie qui aimait beaucoup jouer des décibels, ce dernier cri lui semblait particulièrement intense et pas vraiment évocateur de possibles plaisirs. Pris d'un affreux pressentiment, il ouvrit la porte brusquement. Oh. Bordel.

***

- Je peux pas... je vais pas y arriver!

Moi non plus si tu ne la fermes pas... pensa-t-il. Se coltiner cette chouineuse de Rosalie à trois heures du matin, moment où habituellement il était couché bien confortablement dans son lit, n'était pas sa définition d'une bonne fin de soirée. Et cela se hissait aisément dans son palmarès des plus gros euphémismes. C'est donc tout naturellement qu'il ignora sa remarque. Il n'avait plus assez d'énergie pour supporter ces conneries. Malheureusement, Rosalie la conne ne l'entendait pas de cette oreille et s'arrêta brusquement, le forçant à en faire de même.

- Tu m'écoutes, Ethan ?! Je te dis que je ne vais pas y arriver! Je me sens coupable, c'est horrible.

- Eh bien tu aurais peut-être dû y penser avant! Ta petite crise de morale arrive légèrement trop tard, là, répliqua-t-il, acerbe. Alors maintenant, bouge-toi et avance.

Rosalie continua de pleurnicher, mais il n'y prêta pas attention. Ou du moins il essaya. C'est qu'elle était plutôt bruyante. Néanmoins, tant qu'elle avançait, il s'en foutait. Elle pouvait bien chanter Petit Papa Noël si elle le voulait ou se mettre à déclamer un de ces insupportables cris de ralliement de camp de jour, tant qu'elle continuait à marcher. Quoique à la réflexion, elle était sans doute trop conne pour connaitre cette chanson ou un quelconque cri de ralliement. Il fut arraché à ses pensées quand la conne trébucha sur une ligne du trottoir et s'étala de tout son long dans un gémissement. Merveilleux. En même temps, c'était un miracle que ce ne soit pas arrivé avant étant donné les échasses sur lesquelles elle était montée et son taux d'alcool dans le sang qui devait frôler le coma éthylique. Il soupira bruyamment. Ne la tue pas... Ne la tue pas... Il y a déjà suffisamment de problèmes comme ça.

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