Vou
-Bon matin David !
La vie ici ressemblait à un petit morceau de paradis. Il n'y avait pas grand-chose à faire, hormis se laisser porter et vivre au jour le jour. Parfois, les soucis débarquaient, mais ils étaient différents et extrêmement banals comparé à avant, que cela lui convenait très bien.
La modeste ville de Colver en Alaska respirait la simplicité. Elle était l'archétype de l'isolement. Ici, il ne se passait jamais rien. Le quotidien y était répétitif, ponctué çà et là par des évènements pour diverses fêtes : Noël, jour de l'An, Saint-Valentin et quelques autres comme la fondation de la ville.
Les gens s'y connaissaient tous et la vie communautaire se conjuguait au rythme de l'entraide et du soutien entre voisins. Il s'agissait d'n véritable microcosme entre bienveillance et ragots. Les habitants parlaient sur tout et tout le monde, souvent avec des jugements, mais c'était un endroit composé d'hommes et de femmes avec des bons côtés comme des mauvais. Comme partout ailleurs à vrai dire.
En débarquant ici, il y a sept ans , il avait eu du mal à se faire accepter par les natifs. Les gens le jugeaient, le jaugeaient et se méfiaient de lui. Les étrangers restaient des étrangers, surtout quand ils ne venaient pas d'Alaska ou d'Amérique du Nord. Alors lui, quand il était arrivé de France, cela avait été rapide. Il serait probablement un emmerdeur. Les Français, pour les Alaskains, n'étaient que des geignards plaintifs et désagréables. Toutefois, il avait fini par leur démontrer qu'il était loin des stéréotypes qu'ils pouvaient imaginer.
Embauché comme bûcheron, son naturel simple, bon et discret avait charmé les habitants. Adopté quasiment à l'unanimité, les gens savouraient sa personnalité : serviable et ne cherchant pas à faire d'histoire. Ce n'était pas des traits factices de l'identité qu'il avait adopté, mais une nature profonde qu'il cessait enfin d'étouffer.
Aujourd'hui, sous le nom de David Lajoie, il évoluait librement, loin des ténèbres amères de son passé.
Saluant d'un mouvement de la tête ceux qui le saluaient, il se dirigea vers son vieux pickup rouge, les bras remplis de commissions. Dans la vitrine de l'épicerie, son corps épais se refléta. Finalement habitué par ce qu'il distinguait dans les miroirs, il ne resta pas à se demander qui était cet inconnu. Au fond, il appréciait sa barbe fournie et sa moustache touffue, cela dissimulait sa mâchoire carrée et entourait sa bouche fine. Ses muscles développés par la charge de travail avait chassé son apparence sportive pour le transformer en bûcheron, en véritable homme du froid et des bois.
Jadis, sa carrure se taillait subtilement, juste ce qu'il fallait pour que sa silhouette soit agréable à regarder. Il s'entretenait, se rasait de près, portait les joues glabres et les cheveux parfaitement coiffés en arrière. Autrefois, des airs soignés couronnés sa gueule, maintenant il n'avait plus rien du jeune homme d'avant. Le pire, c'est qu'il ne regrettait rien ! Ou en tous cas, pas vraiment.
S'installant dans sa voiture, le sac kraft se renversa sur la banquette, il en soupira. Son contenu s'étala, et il se dépêcha de remettre à sa place les paquets de viande et les légumes qu'il avait achetés. Un sourire niais lui caressa la bouche quand il rangea le doudou sur lequel il avait craqué. Il effleura la peluche toute maigre entre ses grands doigts et se laissa porter par des pensées douces. Quand il redressa ses pupilles et qu'il croisa son propre regard dans le rétro, il se moqua de lui-même...
David pouvait bien occuper ses pensées à tout un tas de choses, il était incapable d'ignorer à quelle période il se trouvait. Sa femme saurait reconnaître son expression tracassée, discernant dans ses iris ambrés ce qui agitait son esprit. Ce n'était pas en achetant une peluche pour un potentiel bébé qu'il oublierait la date d'aujourd'hui.
C'était l'anniversaire d'un souvenir tenace, d'une promesse qu'il n'avait pas tenu. Son désir de ne pas s'en remémorer les détails se tissaient toujours en lui, mais chaque fois que les chiffres correspondaient dans le calendrier, il s'en martelait le crâne jusqu'à ce qu'il ne puisse plus le supporter. La douleur ne s'amenuisait pas avec les années, elle restait vivace et ancrée en lui, gravée à même son âme. Celui qui avait dit que le passé s'oubliait n'était qu'un abruti.
Il démarra.
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A bitter taste [MXM] [Sous contrat d'éditions IMAGINARY EDGE]
Romansa***Attention : 🔞 histoire contenant des scènes de sexe et de violence très explicites - Public averti** Dans un dernier acte de protection, Gabriel élimine le frère d'Andrea, entraînant sa propre fuite et une nouvelle vie. Hélas, son passé le ratt...