La fête des morts

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La ville est encore silencieuse. Plongé dans la pénombre, j'entends la pluie déferler sur les fenêtres et le vent pousser des hurlements. Pendant un instant, je tente d'imaginer une scène familière : des tas de feuilles mortes virevoltant, formant un tourbillon sous l'effet des rafales. L'odeur humide du bitume mélangée à celle du bois. Mon frère et moi ramassant des marrons échoués au sol et sautant dans les flaques d'eau.

Du bruit provenant de la serrure m'extirpe de mes pensées. Je reprends mes esprits et me voilà brutalement de retour à la réalité. Je suis vêtu d'une blouse à pressions, allongé sur un matelas au plastique froid, sous un drap blanc, les poignets maintenus.

Comment en suis-je arrivé là ?


Lundi 28 Octobre

Je passe le seuil de la librairie, quelques journaux et courriers sous le bras gauche et deux cafés doubles dans la main droite. Je salue ma collègue, Margaret, déjà présente sur les lieux depuis une bonne heure. L'endroit est calme, encore plongé dans la pénombre malgré quelques lampes allumées ici et là. C'est sûrement mon moment préféré de la journée.

Ce lundi matin est plutôt calme. La librairie est d'ailleurs vide à présent. Je décide de m'installer dans un des fauteuils pour manger mon sandwich beurre de cacahuète-confiture. Je prends avec moi le journal local, le feuillette dans l'espoir de trouver quelque chose à lire d'intéressant.

Treize heures. La pluie ne cesse de tomber et rend l'atmosphère sombre et encore plus froide. Je quitte des yeux le journal quand du coin de l'œil j'aperçois une jeune femme entrer. Elle referme rapidement la porte et dépose son parapluie dans le hall, près du comptoir.

Je l'observe attentivement et ressent rapidement un sentiment de frustration lorsque je n'arrive pas à distinguer les traits de son visage, uniquement sa longue chevelure blonde et ses jambes fines et élancées.

Elle ne semble pas connaitre les lieux, elle regarde ici et là et se dirige enfin vers les immenses étagères, s'enfonçant petit à petit vers le fond de la librairie. Je semble comme intimidé, prostré comme un gosse dans ma tanière.

Je me décide enfin à la rejoindre, tel un bon libraire, ou plutôt pour la voir de plus près. Je parcours les premières allés me menant vers le fond de la librairie avant de me rendre compte qu'elle n'est plus là. Je regagne le hall d'entrée. Elle a quitté les lieux, en laissant derrière elle un étrange vide.

Mardi 29 Octobre

La nuit fut longue. Dans l'obscurité, où tout est silence, réflexion et peur, une silhouette féminine au corps mince et au visage meurtri était là, sur le pas de ma porte. À mon réveil je suis en sueurs, les draps sont froids et mes yeux humides.

Sept heures. L'eau bouillante de la douche déferle d'abord sur mon visage puis sur mon torse. Je ferme un instant les yeux pour ne visualiser plus que les gouttes d'eau et le bruit qu'elles émettent. Je me concentre. Ne pense plus à ça Tom, le passé appartient au passé ! Je fronce les sourcils, mon visage se durcit en me rendant compte qu'en réalité je ne pense plus qu'à ça.

Margaret semble préférer me saluer de loin ce matin. L'expression de mon visage en dit long sur mon humeur. Je préfère l'épargner en allant m'enfermer dans mon bureau où un tas de bons de commande m'attendent.

-    « Foutue imprimante ! »
Me voilà à retourner les tiroirs de mon bureau à la recherche d'une cartouche d'encre. Je perds littéralement patience. Je manque de me couper le bout de l'index avec un tas de feuilles. L'envie de tout saccager me vient à l'esprit lorsque je tombe sur un vieux Polaroïd. Il est daté du 31 Octobre 2015 sur lequel je prends une pose ridicule dans mon costume de Michael Myers, aux côtés de mon frère et de...

La fête des mortsWhere stories live. Discover now