Chapitre 12

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« [...] Aimez votre vie, soyez heureux, gardez le sourire [...]», William Shakespeare

EDOUARD

Ma petite sœur est arrivée il y a deux jours et depuis, je passe le plus clair de mon temps avec elle. Ce n'est que depuis qu'elle est près de moi que je me rends compte à quel point elle m'avait manqué. Mais mon devoir de fils m'a poussé à écrire une lettre à Mère pour la rassurer et lui assurer qu'Annabeth va bien. Lettre que j'ai envoyé en même temps que mon rapport pour mon Roi concernant notre affaire. Cela prend du temps et la dernière fois, il m'a bien fait comprendre que cela ne lui plaisait, mais que puis-je y faire ? Le Roi de France ne me convie pas à tous ses conseils des ministres et je ne peux assurément pas m'y incruster en lui disant que Jacques II s'impatiente. Pourtant, hier le conseil où j'ai été convié s'est bien passé, Louis XIV et moi avons bien discuté d'un plan, mais le Roi de France est dur en affaires. Mais ce que j'ai appris à mon Roi dans ma lettre va, j'en suis certain, lui faire plaisir.

— Edouard, êtes-vous toujours avec moi ?

La voix de ma soeur me fait revenir au temps présent, je secoue la tête pour retirer toute pensée politique et me concentre sur Annabeth.

— Excusez-moi, j'étais plongé dans ma mission.
— Votre mission ? fronce-t-elle les sourcils.
— Oui, pour Père, vous le savez bien.

Elle acquiesce. Pouvant difficilement lui cacher quelque chose, je lui ai parlé de ce que je vais devoir faire ici sans pour autant parler du rôle du Roi, Annabeth croit que c'est Père qui m'a conseillé de venir ici en tant qu'ambassadeur, que cela pourrait nous apporter des privilèges.

— Cela se déroule comme vous le voulez ? m'interroge-t-elle.
— Oui, vous n'avez pas à vous en faire pour moi.

Je m'approche d'elle et lui glisse un baiser affectif sur le front avant de la serrer contre moi.

— Vous voulez bien jouer un air de musique pour moi ? me supplie-t-elle.
— Lequel voulez-vous ?

Elle réfléchit, son index sur le menton alors que je m'empare de mon violon. J'ai déjà joué de nombreuses heures hier pour calmer sa crise d'angoisse soudaine et même si mes bouts de doigts sont encore un peu douloureux, ainsi que mes épaules, je suis incapable de lui refuser quoi que ce soit.

— Quel morceau de Lully connaissez-vous ?
Te Deum, je l'ai joué il y a peu dans le labyrinthe et je le maîtrise tout à fait.
— Le jour où vous avez fait une crise et qu'Elisabeth et son beau-frère vous ont ramené ici ? sourit-elle.

J'acquiesce en plaçant déjà mon violon entre mon épaule et mon menton. Elle me fait signe que je peux commencer, ce que je fais. À l'instant, elle ferme les yeux et je la vois même faire des choses étranges avec ses bras, ses mains et ses doigts. Je souris à mon tour car je sais ce que cela signifie : elle est en train de visualiser une autre danse. Mère dit souvent que je suis le musicien prodige de la famille tandis qu'Annabeth, elle, est un petit génie de la danse. Il lui suffit d'entendre une fois un morceau pour que, l'instant d'après, elle exécute une danse venant directement de son esprit.
Lorsqu'elle ouvre ses yeux en grand, je comprends tout de suite ce qu'elle va me demander.

— Dois-je recommencer ? deviné-je.
— Vous me connaissez trop bien.
— Non, je vous connais par cœur, c'est différent.

Elle éclate de rire et se lève, puis se place au milieu des appartements, les yeux fermés.

— Je peux y aller ? demandé-je.

Elle hoche la tête alors je commence en ne cessant de la regarder. Elle exécute des mouvements gracieux qui me transportent et qui se posent parfaitement sur la musique, comme si elle y avait passé des heures. J'aime ces moments avec cette petite tête que j'aime tant, il n'était pas rare que nous passions l'après-midi ensemble en Angleterre, moi à jouer et elle à danser. Ils font partie des meilleurs souvenirs de mon existence. Mais la voir danser ainsi me fait revivre la Soirée d'Appartement où j'ai invité Elisabeth à danser, je me rappelle très bien m'avoir fait la remarque qu'elle dansait merveilleusement bien et qu'elle me faisait penser à ma sœur dans sa façon de jouer son corps. Et maintenant que je vois Annabeth le faire, c'est limpide dans ma tête : dans une bataille de danse, je ne sais pas laquelle des deux Beth remporterait la victoire. Le visage de la française se matérialise devant mes yeux et je perds le fil de la musique, enchaînement mauvaise note sur fausse note.

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant