Écume d'été

Prologue

La jeune femme s'effondra dans le sable en poussant un hurlement de douleur. Elle n'arrivait pas à reprendre son souffle. Ses jambes lui donnaient l'impression d'être transpercées par d'innombrables dagues qui déchiraient sa chair, pénétraient ses muscles et raclaient ses os. Ses poumons semblaient sur le point de prendre feu. Le visage enfoncé dans le sable, elle en agrippait des poignées en étouffant des cris silencieux, au bord de l'évanouissement. Après ce qui lui sembla être une éternité, la douleur commença à refluer. Péniblement, elle se retourna, se redressa sur ses coudes, et observa ses membres comme si elle les découvrait pour la première fois. Elle effleura ses cuisses du bout des doigts et ce simple contact provoqua une décharge de souffrance qui se répercuta dans tout son corps.

Quand sa respiration retrouva enfin un rythme régulier et que ses pensées ne furent plus submergées par la douleur, elle balaya du regard son environnement. Elle se trouvait sur une petite plage de sable blanc, entourée par une végétation tropicale dense, et elle était entièrement nue. Elle ignorait ce qu'elle faisait ici, et rapidement elle se rendit compte qu'elle ne connaissait même pas son propre nom. Ses yeux parcoururent une nouvelle fois les alentours, mais elle ne vit personne. Elle cria d'une voix qui lui sembla à la fois étrange et familière :

— À l'aide ! Quelqu'un ! S'il vous plaît !

Plusieurs minutes s'écoulèrent sans réponse. Elle plia un genou, grimaça, puis plia le second. Alors qu'elle tentait de mettre du poids sur ses pieds pour se lever, ses jambes cédèrent à nouveau, et elle chuta dans le sable. Elle réessaya sans plus de succès et se mit à ramper. "Arrête, tu t'épuises pour rien !" résonna sa voix dans son esprit. Réalisant l'inutilité de sa démarche, elle cessa et hurla sa frustration, des larmes coulant sur son visage. Que lui arrivait-il ? Pourquoi souffrait-elle autant ? Et surtout, pourquoi ne se souvenait-elle de rien ?

— Shae ? lança une voix.

La jeune femme releva brusquement le regard et aperçut une fillette d'une douzaine d'années, à la peau mate. La petite portait une kurta et un pantalon vert et tenait un sac entre ses mains. L'adolescente s'avança, déposa des habits semblables aux siens près de la naufragée, puis, avec précaution, lui tendit un livre à la couverture épaisse.

— Tiens, c'est à toi, lui dit-elle.

La dénommée Shae, trop abasourdie pour poser la moindre question, accepta le livre. Elle l'ouvrit à la première page : "Tous tes souvenirs se trouvent entre ces pages, prends-en soin. Signé Shae, ton ancienne toi."