Chapitre 25

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« Le principe fondamental est de ne pas se tromper soi-même. On est toujours la personne la plus facile à tromper »

- Richard FEYNMAN

Le choc m'abasourdit pendant une bonne minute. Incapable de détourner le regard de ces immondes écritures criardes, j'entendais mon coeur battre dans mes oreilles et l'effroi rugir. Ce que je voyais ne pouvait pas être réel. Elle pouvait me gifler, elle pouvait m'humilier au milieu de toute l'école, elle pouvait me faire mal, détruire mes affaires et se faire passer pour la victime, mais s'en prendre à ma vie privée, c'était pousser cette guérilla plus loin, c'était franchir une ligne infranchissable sans retour arrière possible.

Les mains tremblantes, les idées brouillées, j'appelai Arsène. Il décrocha si vite que je n'eus pas le temps de préparer ce que j'allais dire.

- Hallo ?

- Arsène, tu lui as donné mon adresse ?

La voix à l'autre bout du fil paraissait confuse.

- Comment ça ?

- Dis-moi la vérité, exigeai-je, les yeux larmoyants. Juliette n'a pas pu la trouver toute seule, et il n'y a qu'elle pour vandaliser ma porte d'entrée.

Je pouvais tout supporter. Tout mais pas ses mensonges. Et encore moins l'intrusion de Juliette dans ma vie intime et personnelle.

- Rubis, enfin de quoi tu parles ? Est-ce que tout va bien ?

- Ça ne peut être que toi. Il n'y a que toi qui connais mon adresse. Mon Dieu, mais tu te rends compte de ce que tu as fait ? Arsène, je te faisais confiance !

- Rubis, attends...

Je raccrochai avant d'entendre la suite. J'allais faire une crise d'angoisse dans les dix secondes suivantes ou m'effondrer sur le paillasson. Ces deux dernières semaines avaient été dures à vivre à l'école avec toutes les intimidations de Juliette, mais là elle dépassait les bornes. Je ne pouvais même pas appeler ma mère pour lui en parler, parce que je devrais alors lever la lumière sur des années de haine.

Les larmes m'échappèrent toutes seules au bout de deux minutes. Accroupie en face de ma porte, en pleure, je ne me voyais pas bouger de là avant au moins une bonne heure. Je n'aimais pas pleurer, et à vrai dire j'évitais de faire gonfler mes joues et de renifler à n'en plus finir. Mais cette fois, c'était une réponse automatique. J'avais envie de hurler, de m'arracher les cheveux, de disparaitre. J'aurais tout donné pour disparaitre, tout de suite. Peut-être que j'en avais assez de jouer les pestes, peut-être que j'en avais assez de cette rivalité qui n'en finissait plus, et peut-être que j'en avais assez de me tuer à la tâche pour des personnes incapables de reconnaitre ma juste valeur.

- Rubis ? Oh, Rubis, cara mia, tu ne peux pas rester là. Viens.

- Laisse-moi tranquille, articulai-je entre deux reniflements.

Rien que le voir suffisait à m'enfoncer un pieu en plein coeur. Jasmine avait raison quand elle m'avait dit que je risquais de me blesser très sérieusement en persistant à éprouver des sentiments pour Arsène.

- Je suis désolé, tesoro.

Ses deux grandes mains glissèrent sur mes joues pour que je le regarde. Pour une fois, je n'en avais absolument pas envie.

- Arsène, vas-t'en.

C'était trop. Son toucher, son odeur, je ne pouvais pas le supporter.

- Je n'ai pas donné ton adresse à Juliette. Promesso. Mais si c'est vraiment elle qui a fait ça, je vais m'occuper de tout. Rentre maintenant, tu ne peux pas rester là, tu vas attraper froid. 

l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant