Chapitre 2

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J'arrive à son niveau, et lève les yeux pour la saluer. C'est une femme, avec les cheveux blonds dressés en un petit chignon, des yeux marrons et un long nez. Je croise son regard, mais il y a quelque chose de son regard. Il y a toujours quelque chose dans un regard. Elle attend quelques secondes, quoi ? je ne sais pas. Elle me fait entrer en me demandant si mes parents viendront. C'était donc ça. Je secoue la tête, le moindre mot qui franchirait mes lèvres ferait également franchir mes yeux aux larmes. J'arrive dans un bureau qui doit faire dix mètres carrés peut-être plus. En face de la porte, il y a une fenêtre, à la gauche de cette dernière un bureau entouré de bibliothèques. A sa droite, un fauteuil avec la canapé assorti. Devant, une table basse avec des feuilles et des feutres posés dessus. Les murs sont parsemés d'étagères colorées sur les murs blancs, comme le plafond où un lustre en métal noir est accroché. Il fait face au faux parquet qui orne le sol.

-Installe-toi là où tu veux, mets toi à l'aise.

Trois cartouches grises apparaissent aussitôt au dessus de sa tête. "Rester debout", "Chaise", "Fauteuil". Si je l'écoutais, j'opterais pour la première option, prête à m'enfuir à tout moment. Mais, je m'assois de manière très conventionnelle sur la chaise. C'est ce qu'on attend de moi j'imagine. Elle fait de même, en face de moi. Son ordinateur est allumé, vu le halot blanc qui se reflètent sur son visage, elle y fait d'ailleurs quelques manipulations avant de se tourner vers moi et de claquer des mains. Et moi, je baisse la tête, pas beaucoup, juste ce qu'il faut pour ne pas la voir me fixer, je scrute désormais la bureau en chêne.

-Bien. Je suis Mme Delahaye, vous pouvez m'appelez Hazel, si vous préférez. Voulez-vous que je vous tutoie ou que je vous vouvoie ?

-Je veux bien que vous me tutoyez.

Et merde. Toutes les syllabes sont trop détachés, et ma voix tremble. Comme mes mains qui tremblent et que j'agrippent fermement à mon pantalon, dans l'espoir d'atténuer. Mais l'effet n'est que contraire, elles tremblent en faisant vibrer tout mon corps comme si elles cherchaient à réveiller l'enfant caché en moi. J'enfonce encore plus mes ongles dans ma cuisse, si bien que je ne sais plus si mon bras vibre par l'effort ou la stress, et si ma jambe s'agite à cause de l'angoisse ou de la douleur. Heureusement, j'ai pensé à couper mes ongles hier afin de ne pas me faire mal, ainsi que de ne pas me les ronger. Tout mon corps me fait mal, ça me gratte de partout, le contact de ma propre peau m'irrite. Je voudrais arracher mon corps, mais j'ouvre simplement la bouche pour moins étouffer. Des gouttes salées s'échouent sur mes lèvres que j'essuie d'un revers de la manche. Je ne comprends plus rien, je ne suis pas triste pourquoi je pleure ? Et celle qui me regarde sans n'avoir prononcer un mot jusque là semble se poser la même question.

-Sais tu pourquoi tu pleures ? Que ressens-tu ?
-Je ne sais pourquoi je pleure, ni ce que je ressens.

Et il n'y a rien de plus vrai. Des fois, je voudrais empoigner mon corps, le secouer pour le réveiller, lui éclater la tête contre un mur pour être aussi égoïste. Je voudrais aussi compressé dans ma main, mon cerveau gluant pour lui demander pourquoi il n'est pas foutu d'envoyer des ordres cohérents. Sentir les neurones exploser entre mes doigts, tuer ce qui m'empêches de vivre. Non, je ne sais pas. Je n'en sais foutrement rien. Bordel de merde, ça craint.

Je baisse la tête et ébouriffe l'arrière de mes cheveux pour faire partie son regard ancré dans ma peu. Je veux juste qu'elle commence ce foutu entretien, pour qu'il finisse au plus vite.

-Tu es prête à commencer ?

J'acquiesce la tête de manière trop marquée vu la vibration qui se propage dans tout mon être.

-Bien. Je vais d'abord te donner les informations que l'on m'a transmise sur toi afin que tu me dises si elles sont erronées.

-Tu t'appelles Salomé Daris, née le 29 Novembre 2008. En CM1, sur la demande de la professeure tu as effectuer un bilan pour dyspraxie qui s'est relevé négatif. La même année, un test de Q.I t'as permis de sauter ton CM2. Dans le compte rendu de ce dernier, le psychologue écrivait percevoir des signes d'autre formes de neuro-atypie, tel qu'un TDAH ou un dys, par exemple. Toi et tes parents n'avaient pas perçu de nécessiter d'approfondir ces résultats. C'est bien cela ? As-tu tout compris ? Ou as tu des questions ?

La signification d'un regardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant