Les heures passèrent lentement jusqu'au soir. Le défilé de clients mécontents avait épuisé la jeune femme. Elle rentra chez elle vers 22 heures et s'écrasa sur son canapé en gémissant. Elle avait mal partout. Emy avait beau être sportive, ce métier mettait à rude épreuve son corps, notamment en tenant des positions inconfortables qui lui cassaient le dos d'année en année. Elle se rassura en se disant que demain, elle pourrait dormir, car elle ne travaillerait pas. Elle cuisina des macaronis au fromage, si on pouvait appeler ça « cuisiner » et s'installa sur le comptoir séparant son salon de sa cuisine. Elle prit son téléphone et ouvrit la conversation avec Andréa.
Emy : Je suis enfin posée !
La messagerie tinta quelques secondes à peine après avoir envoyé son premier texto.
Andréa : Tu en as mis du temps !
Emy : Et en plus, c'est toi qui râles ! 😅
Andréa répondit de nouveau sans attendre.
Andréa : Je râle, car il est 22 h 30 et que j'ai bien cru que tu étais un Capitaine qui ne respectait pas ses engagements.
Emy : Je suis rentrée il y a, à peine, une demi-heure...
Andréa : Outch... Fermeture difficile ?
Emy : Totalement !
Andréa : Raconte-moi.
Emy avait envie de se plaindre depuis au moins quatre heures, mais n'avait rien dit devant ses équipes. Mona était partie peu de temps après sa binôme et elle avait dû affronter seule sa fin de journée sans froisser son sourire. Elle savait qu'Andréa voudrait connaître en détail ce qu'il s'était passé, mais expliquer tout par message allait prendre des siècles et ses macaronis n'allaient pas l'attendre pour refroidir.
Emy : C'est trop long par message, je te raconterais mercredi.
Alors qu'elle prit, une fourchette de son traditionnel Mac and cheese des mauvais jours, son téléphone se mit à sonner. Andréa avait lancé un appel vidéo. Emy crut s'étouffer lorsqu'elle vit son visage dans le retour de caméra surmontant les boutons vert et rouge pour prendre ou rejeter l'appel. Elle se dépêcha d'avaler ce qu'elle avait en bouche, se redressa, cala son mobile contre le mur à sa gauche et se recoiffa rapidement. Elle s'éclaircit la gorge et décrocha l'air de rien.
— Qu'est-ce qu'il se passe, Clochette ? Tu voulais voir ma tête de fatiguée ?
— Je n'attendrais pas mercredi pour que tu m'expliques et c'est vrai que tu as l'air épuisée, ma pauvre.
Emy prit une fourchette de pâtes puis appuya sa tête sur sa main tout en souriant à l'image d'Andréa dans son téléphone. Elle s'était démaquillée et avait gardé les cheveux lâchés. Ses boucles encadraient les rondeurs de son visage avec une perfection redoutable. Ce n'est pas légal d'être aussi jolie, se dit Emy sans la quitter des yeux.
— Aller, raconte-moi tes misères Crochet, ça va te faire du bien, continua Andréa en se calant dans ce qui semblait être son canapé.
— Dès que tu es partie, les problèmes n'ont fait que d'affluer. « S'il y a plusieurs façons de faire quelque chose, et que l'une d'elles conduit à un désastre... »
— « Alors, il y aura quelqu'un pour le faire de cette façon », termina Andréa en ricanant doucement.
La jeune femme fut interloquée et observa son interlocutrice avec attention. C'était la deuxième fois de la journée qu'elle la surprenait de la sorte.
— Tu m'étonnes d'heure en heure, murmura Emy.
— Pourquoi ? Parce que je connais la loi de Murphy ? Tu n'es pas la seule personne avec des neurones sur Terre, cher Crochet !
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Elle est faite de la même matière que les rêves
RomanceÀ vingt-deux ans, Emy vit à Bâton-Rouge ville rivale de Saint-Georges. Sa vie bascule à la suite de la maladie dégénérative de sa mère, la forçant à abandonner ses rêves d'archéologie et à se consacrer à un emploi alimentaire pour subvenir à leurs b...