Chapitre 2

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    Le soleil s'est levé, dissipant les ténèbres lugubres que la nature impose au monde. Le jour est un symbole. Un signe qui incarne la vie. Et cela se vérifie très bien. Les gens se lèvent, vont à leur occupation, sans oublier certains animaux qui recommencent leur activité qui, d'une lueur plutôt habituelle enchante les hommes, au mieux, rend le rythme du monde plus harmonieux.
    Thomas se lève l'air moins soucieux de ce qui l'attend. Il s'est habitué et l'a accepté. Tout n'est que question de choix. Il s'en va prendre sa douche après avoir brosser ses dents et prit un plaisir à déféquer. C'est au rangement de sa maison qu'il s'adonne ensuite, se rend dans la cour puis dans le garage nettoyant les pneus de sa voiture,  et tout cela avant 7h.
    Il finit par arriver au boulot pour une demi journée. Avant de rentrer, il passe faire quelques courses dans un supermarché au centre ville. De retour chez lui, comme d'habitude, il se retrouve dans la cuisine pour faire à manger, compartiment qu'il aime bien. Une fois terminé ce qu'il y a fait il se rend dans son jardin, illuminé de plusieurs projectiles, ayant l'intention d'en prendre soin. Le ciel s'assombrit. Tout compte fait, c'est demain qu'il s'en occupera. Il croyait terminer plus tôt sauf que ce n'est pas le cas. Cela l'avantage un peu. Il veut respirer un petit moment.
    C'est en allant vers le garage qu'il remarque que l'on frappe au portail. Après hésitation, le sonnette retentit à nouveau depuis l'intérieur de la maison. C'est bien devant chez lui que l'on frappe. A cette heure ?
    — Bonsoir, dit l'inconnu après que Thomas lui ait ouvert la porte.
    — Bonsoir... Répliqua Thomas l'air désintéressé.
    — On m'a envoyé pour vous passer un message.
    — Ah bon ? Lequel ? Se demande t-il tout curieux de savoir ce qu'est ce message et surtout de qui c'est, lui qui pourtant n'a pas vraiment d'amis à sa connaissance, puis change d'avis, il n'en a rien à foutre de ce qu'on peut lui raconter.
    — Je peux rentrer s'il vous plaît ? C'est pas dehors que nous allons quand même discuter !
    — Je ne sais pas si j'en ai envie à vrai dire, lance-t-il finalement l'air normal.
    — Devrais-je dire alors à la personne qui m'envoie que vous n'êtes pas intéressé par ce qu'elle a voulu vous transmettre ?
    Quelques secondes passent. Thomas fait mine de penser.
    — Bon c'est quoi le message ?
    — Je peux rentrer avant ?
    — Allez y, mais j'ai des choses à faire après. Il faut que ce soit bref.
    L'inconnu entre dans l'enceinte de la villa suivant les pas de Thomas qui se dirige visiblement vers la véranda. Son regard se promène de part et d'autres avec un rythme infantile, comme si c'est pour la première fois qu'il voit ce qui est sous ses yeux. On peut lire l'admiration sur son visage. Et peut être bien plus. Pour Thomas, l'identité de cet inconnu n'est pas prioritaire. Il finira par oublier son nom s'il le demande. L'essentiel est ce qu'il a à dire.
    — Belle maison ! Lance  l'inconnu.
    — Si vous le dites.
    La véranda divinement éclairée est munie d'une table entourée de chaises, ils prennent place sans mots dire. Thomas garde ses yeux sur l'inconnu, qui semble chercher quelque chose dans le sac noir qu'il porte.
    — S'il vous plaît, pourrais-je avoir de l'eau ? J'ai soif !
    Thomas veut refuser lorsqu'il réalise qu'il n'a aucune raison d'accepter mais finit par accepter lorsqu'il constate également qu'il n'a aucune raison de refuser. Il apporte enfin de l'eau à l'inconnu. Seulement il commence à perdre patience et risque de le faire sortir de chez lui.
    — Je peux visiter la maison ? Ose demander l'inconnu.
    Thomas le fixe d'un regard austère. Son doute se confirme, il est devant un imposteur. Sans doute. Et en plus il se fout de ma gueule.
    — Qu'est-ce que vous voulez ?
    — Vous n'avez pas répondu à ma question.
    — Et vous non plus.
    L'inconnu sourit. Thomas reste malgré tout placide face à la situation, le regard toujours austère. L'audace de cet homme le fait ressentir quelque chose qu'il n'arrive pas à décrire. Quelque chose de nouveau.
    — Bon je vais répondre à votre question, dit l'inconnu, même si j'étais le premier à la poser. Je veux vous donner un message que j'ai reçu d'une personne. À vous !
    — Je ne suis pas obligé de répondre.
    — Tout comme moi je ne l'étais. Mais je l'ai quand même fait. Soyez réglo !
    — Et si je refuse, qu'est-ce que vous allez faire ?
    — C'est votre réponse ! Qu'est ce que vous voulez que je fasse ? Je ne suis là que pour vous passer un message.
    — Alors pourquoi voulez-vous visiter ma maison ?
    — Par simple curiosité.
    Non mais j'suis devant un taré ou quoi ? Pourquoi je l'ai fait rentrer d'abord ?
Le ciel est sombre, et cela est loin d'être l'impression que l'on a sur sa véranda. On aurait cru qu'il fait jour.
    — Écoutez, dîtes moi ce que vous avez à me dire ou soit barrez vous.
    — Qu'est ce qui te fait dire que je ne t'ai pas déjà dit ce que j'avais à vous dire ? Demanda l'inconnu en fouillant dans son sac.
    — Arrêtez un peu avec ce jeu. Je comprends que vous n'avez finalement rien à me dire. C'est ça ?
    L'inconnu le fixe subitement. Son regard a subi une sorte de mutation remarquable. Thomas a l'impression de voir que ses yeux deviennent rouges. Il se lève de l'endroit où il se trouve tenant quelque chose à la main qu'il cogne d'une force surhumaine sur la tête de Thomas, qui n'a vraisemblablement pas eu le temps nécessaire d'esquiver, encore moins de comprendre ce qui l'arrive, perdant ainsi connaissance.
Quand il reprend connaissance, il est dans sa maison, assis sur son canapé, les mains et les pieds attachées par derrière. Ce qu'il ressent au niveau du crâne est une douleur atroce. Le coup qu'il a reçu était tellement violent ; moins un il aurait pu y passer. Comprendre ce qui l'arrive devient sa priorité. Il n'en revient presque pas. Ce qu'il s'attendait le moins du monde vient de l'arriver. Entre la douleur qu'il ressent, les mots qu'il prétend vouloir ne pas sortir, la haine qui semble ranger son être intérieur, l'ironie de son sort, il résume que cela n'a vraiment pas d'importance.
    — Heureux de constater que tu as repris connaissance. J'espère que tu ne comptes pas crier à l'aide, dit l'inconnu assis sur une chaise en face de lui. Toutes les vitres sont fermées. Et donc il y a peu de chances que l'on t'entende depuis l'extérieur. Tu m'as facilité la tâche.
    Thomas l'entrevoit seulement. Sa vue est un peu brouillée et ce qui attire son attention est sa douleur. Son seul souhait est que tout ce qu'il vit en ce moment ne soit qu'un rêve. Dans son esprit l'hésitation résonne très fort. Accepter ou refuser cette réalité semble le contrarier. Ni l'un, ni l'autre est un choix à faire car comme il le dit, faire des choix mène l'homme à en assumer des conséquences aux causes plutôt inutiles. D'ailleurs rien n'a d'importance pour lui, se persuade-t-il. Le mensonge le range. La vérité, il la dévisage. Finalement, il fait un choix. Renoncer à sa vie. Il ne sait vraiment pas pourquoi il vit d'emblée. Son heure est peut être arrivé après tout. Et il en est presque ravi.
    — Tu es plutôt calme dis donc. Dis tu penses à quoi ? Demande l'inconnu qui n'a pas cessé de le contempler depuis un moment.
   Thomas peut enfin distinguer son visage. Ce qui le frappe étonnamment c'est la silhouette de celui qui est devant lui. Elle est devenue celle d'une femme. Pourtant, tout à l'heure il peut parier sa tête, que la personne à qui il a permis d'entrer dans sa demeure est un homme.
Comment est-ce-possible ? Je rêve ou quoi ?
De surcroît, la voix qui vient de s'adresser à lui est presque celle d'un homme. Malgré tout, ce qui le garde perdu à cet instant, ne sont pas les traits qui forment un aspect doux du visage de celle ou celui (il ignore son genre en réalité) qui est devant lui, ni sa robe sombre qu'elle porte, mais c'est plutôt le sourire affiché sur son visage.
C'est donc elle qui m'a fait ça ? Attends qu'est ce que je raconte, c'est un homme qui m'a frappé, qui est-elle celle là ?
   — Je t'ai posé une question, vocifère-t-elle un bref instant, la voix féminine.
   — Pourquoi ? Réplique Thomas, ne comprenant toujours rien de ce qui l'arrive.
   — Ah voilà ! J'ai failli croire que t'as perdu ta tête avec le coup que je t'ai donné. Je voulais seulement t'assomer tu sais. Pas plus. Mais j'ai cru un instant que t'étais vraiment mort, lâcha l'inconnue avec un rire infantile, presque sombre.
   Thomas la fixe. Il refuse d'y croire, ne veut rien comprendre, pourtant pour la première fois de sa vie, il a l'impression de ressentir quelque chose qu'il ne veut pas savoir.
Qui est elle ? Elle ne peut pas être lui ?  C'est impossible.
Dans ses yeux, on peut le voir, le mépris de cette personne qui n'a effectivement aucun cœur, la colère qu'il a de devoir regarder sans rien faire et cela parce qu'il l'a permis de rentrer dans son établissement, la tristesse de savoir que tout peut arriver même sa mort et de la manière la plus inconcevable, la peine de devoir se battre pour survivre ce qui est contraignant pour lui, la honte que cet imposteur l'inflige en le retenant prisonnier dans sa propre maison.
   — Arrête de me regarder comme ça, tu fais pitié à voir. Ah, laisse moi répondre à ta question. Hmm... Pourquoi ? Tu veux dire pourquoi je suis ici ? Ou pourquoi suis-je seulement venu chez toi ? Ou peut être pourquoi suis-je comme je suis, c'est à dire inhumaine ? Faut choisir, tu sais.
    Les minutes qui suivent restent silencieuses. Après constat, l'inconnue se lève presque brusquement, et s'avance vers Thomas tenant un bois sur sa main et lui assomme plusieurs coups très violents. Plus d'une dizaine. Thomas a beau se débattre pour se débarrasser des cordes qui le retiennent avec échec. Il saigne du nez. Le plus pire dans tout ça est qu'il a reçu un bon coup de bois à l'endroit où la pierre l'a percuté pour la première fois. Il hurle. La douleur devient tellement horrible et insupportable. Mais ce qu'il refuse de faire malgré tout c'est de supplier à cette femme de lui laisser la vie sauve. Sa vie n'a pas été si heureuse qu'il l'imagine. Alors si elle est là pour le donner la mort, c'est un aubaine. L'inconnue revient à sa place, laissant le morceau de bois par terre.
   — Voilà ce qui arrive quand on ne me répond pas à mes questions rapidement, prit l'inconnue une fois assis sur sa chaise sortant un paquet de cigarettes et un briquet dans une poche de son sac noir. Bon je me permets de fumer dans ta maison. Je sais que tu ne fumes pas. Et c'est très bien en tout cas ! Mais moi faut vraiment que je compense. Mais n'oublie pas que je t'ai posé une question. Et si tu réponds pas...
    Thomas reste agonisé sur le sol, face contre terre, baignant dans la petite quantité de sang qui s'est étalée sur le marbre blanc. Ses idées ne sont plus claires. Il peine à respirer et même à mieux réfléchir.
Qui est-elle ? Comment ? Pourquoi ?  Si elle voulait de l'argent elle aurait pu le prendre dans sa chambre et s'en aller quand il était encore inconscient. Elle veut autre chose que Thomas ne connait pas et ne veux pas connaître. Sa souffrance, dépassant tout ce qu'il a pu enduré dans sa vie, finit par le faire raisonner. Il est dans un rêve. Ou soit la vie n'est qu'une illusion en fait. Tout n'est que fruit de son imagination. C'est alors qu'il reçoit un coup de bois sur son visage, à cet instant précis il vient de comprendre la seule chose qu'il a le plus compris de toute sa vie : il existe bel et bien dans le monde réel et sa réflexion n'est qu'une illusion qu'il s'est fait du monde réel. Ce coup laisse sur le bois un liquide rouge visqueux. L'inconnue ne montre aucune pitié pour Thomas.
    — Tu vas mourir si tu continues comme ça. Réponds à ma question, hausse l'inconnue avec une voix féminine retournant vers sa place allumant un deuxième bâton de cigarette.
    Thomas entend bel et bien ce qu'il dit. Mais la douleur est d'une atrocité qu'il ne peut accorder d'attention qu'à ce qu'il ressent. Son visage est presque en sang. Fait constaté, l'inconnue se lève encore une fois et fait signe de rabattre des coups sur Thomas qui, subitement réagit.
   — Pourquoi ? S'écrie Thomas tout terrifié et agonisé. Pourquoi tu fais ça ? Qu'est ce que je t'ai fait ?
   — Ah voilà ! C'était pas difficile non ?
   L'inconnue retourne à sa place après avoir lâcher le bâton de sa main, toute satisfaite.
   — Bon, j'aime pas vraiment traîner quand je fais mon boulot. Je vais répondre à tes questions. Ou plutôt à mes questions. Je vois que tu es un peu déboussolé. Ah j'allais oublier, j'ai quelque chose pour toi.
    L'inconnue se lève et se rend dans la cuisine, et revient avec un verre d'eau à la main qu'il dépose devant Thomas allongé au sol, les mains et les pieds toujours attachés. Elle sort aussi de son sac des médocs qu'elle dépose par terre.
    — C'est pour la douleur. Je te conseille de boire ça, ça calmera ta douleur. Que suis je bête ! T'es attaché. Attends, je vais t'aider.
    Elle fait boire ces médocs à Thomas qui est persuadé que c'est du poison.
   — Crois moi c'est pas mortel. C'est réellement pour la douleur. T'en fais pas. Ta mort ne dépendra que de toi. Sinon, pour l'instant t'es sur la bonne voie. Ce qui t'a poussé à réagir tout à l'heure, c'est l'envie de vivre. Ne l'oublie pas.
    Thomas la contemple pendant des minutes tout éberlué. En effet, il a une petite idée de cette inconnue : elle est un démon qui vient droit des enfers. Après quelques minutes passées, Thomas remarque que la douleur commence à s'atténuer. L'inconnue, elle, continue d'allumer ses cigarettes successivement.
   — Qui es-tu ? Finit par demander Thomas, cette fois ci l'air plus placide et ferme.
   — Je vois que la douleur se dissipe. Bien. Je suis la Mort, affirme-t-elle, le sourire machiavélique greffé aux lèvres.

La Charade Du Trépas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant