Dans les moments de grande tristesse, nous prenons parfois des décisions qui, sans le savoir, peuvent marquer notre vie à jamais.
J'en fis l'expérience. C'était en 1986. Je n'allais pas très bien. Plutôt que de tourner en rond et ressasser mes idées noires, je décidai de sortir prendre l'air près d'un court de tennis proche du foyer. Là, je croisai une joggeuse. Sans doute étonnée de voir une jeune fille seule en fauteuil roulant, elle me demanda :
« Tu vas où comme ça ? »
« Je vais faire un petit tour ! »
Elle me dit « Attends-moi ! » et repartit en courant autour du terrain de sport.
En me rejoignant, elle me proposa de me raccompagner au foyer.
C'est sur ce chemin long d'un petit kilomètre que je fis la connaissance d'Anne. En arrivant devant le foyer, elle me lança : « A demain ! »
Le lendemain, je la retrouvai près de chez elle. Elle me fit entrer...
Une amitié était rapidement née entre nous. Nous nous rencontrions souvent. Nous avions plaisir à échanger nos savoirs. J'appréciais ses talents de peintre; elle aimait mes travaux d'écriture et m'encourageait à continuer.
Quelques mois plus tard, elle quittait la région pour s'installer à Clermont-Ferrand. Avant de partir, elle m'offrit un cadeau que jamais je n'oublierai: elle m'accompagna à la banque et m'ouvrit mon premier compte bancaire. Je venais d'avoir vingt ans.
Séparées géographiquement, nous nous écrivions souvent. Je reçus un jour la visite de son ami, de passage à Limoges. Il me remit un cadeau de la part d'Anne. C'était un parfum. Puis ce furent des vacances chez elle à Clermont-Ferrand.
Mais c'est dans ma boîte aux lettres que je reçus son cadeau le plus précieux. Elle me demandait d'être son témoin à son mariage prévu le 23 juillet 1988 en Auvergne. Merci, Anne !
Après la cérémonie, inoubliable, la vie a fait son œuvre, cruelle. Anne fut contrainte une nouvelle fois de partir plus loin encore chercher du travail. À l'étranger cette fois-ci. Nous nous sommes perdues de vue pendant quelques années. Je décidai de lui écrire. Mais quelques jours plus tard, je retrouvai ma lettre dans ma boîte aux lettres. Elle n'avait pas trouvé son destinataire. Je la repris, écrivis sur l'enveloppe : à faire suivre... et la repostai. Ma lettre me fut encore une fois retournée.
Mais je ne pouvais me résigner et continuai à la remettre systématiquement à La Poste avec la même mention : à faire suivre... Ma ténacité fut payante. Je reçus une longue lettre de mon amie.
Anne m'écrivait qu'elle avait enfin reçu ma lettre. Elle m'expliquait qu'elle était rentrée en France où elle avait retrouvé un travail et vivait dans un petit appartement. À partir de ce jour, nous reprîmes notre chère correspondance. Le fil de l'amitié ne devait plus jamais se rompre.
Ma chère Princesse,
Ta lettre m'a donné un grand bonheur ainsi que les photos. Une fois de plus, j'éprouve une grande fierté d'être ton amie. Où trouves-tu tant de force, de générosité, de délicatesse ? Tu es une vraie princesse que j'ai eu le privilège de croiser un jour sur mon chemin. Je ne sais même pas si je le mérite ! Ma Patoune, tiens bon, nous allons bientôt pouvoir nous retrouver et nous promener main dans la main et piquer des fous rires. Nous nous installerons dans le jardin pour broder et peindre. Nous allons à nouveau pouvoir vivre notre amitié pleinement comme avant. Dès que la « maison douce » sera prête (...). Je t'embrasse tendrement et te dis à très bientôt. Je t'aime, Anne
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C'est la vie
Random« C'est la vie ! » est l'expression favorite de Patricia Bersiaud Faugère. Handicapée de naissance, Patricia nous livre ici, avec lucidité et sans complaisance, le témoignage de son combat de tous les jours pour réaliser son rêve de petite fille : d...