le pub des au revoir

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Gabriel est dans la même classe de terminale que moi. Il porte bien son nom car il ressemble à un ange avec son doux minois, ses yeux bleus et ses cheveux bouclés blonds comme les blés. C'est simple, il ressemble aux deux petits anges du célèbre tableau de Raphaël.
Comme eux, il est souvent pensif et regarde le ciel... Ou le plafond, c'est selon.

- Nassima, tu... Tu as quelque chose à faire ?
- J'ai toujours quelque chose à faire, Gabriel, tu sais bien. Si ce n'est pas réviser mes cours, c'est m'occuper de mon petit frère, aider ma mère, rattraper les bêtises de mon grand frère, lire, dessiner un peu...
- Non mais d'accord... Ha Ha... Je veux dire maintenant là tout de suite présentement dans l'immédiat.
- Euh... Non, pas spécialement, pourquoi ?
- La bande nous attend au pub "Old Logan". On va prendre un verre et grignoter de la junk food bien réconfortante.
- Je ne sais pas si...
- Alleeez ! C'est bon, là ! T'as ton bac ! Déstresse ! Tu as mérité de te détendre un peu, tu ne crois pas ? Ha Ha
- D'accord, Gab' ! Tu as entièrement raison. J'ai tellement bossé pour avoir ce diplôme que je suis encore dans cet état d'esprit et je ne réalise pas encore bien que j'ai le bac ! J'ai le bac ! Hi Hi !
- Ouais ! Et avec mention bien, en plus ! Tu peux être fière de toi, Nassima.

Nous partons à pied en direction du pub. C'est un peu loin mais après avoir piétiné d'impatience durant des plombes devant le portail, nous avons, Gabriel et moi, besoin de marcher un peu. Et puis, la marche, c'est un excellent anti-stress.
Nos amis sauront bien s'occuper sans nous, en attendant, si jamais ils ont pris les transports en commun pour aller plus vite.
- Au fait, Gabriel, je me doute que tu as réussi l'épreuve mais... As-tu eu une mention également ?
- Oui, ma grande. Mention très bien. Mais c'est normal, tu sais bien que nous, les hommes, sommes des êtres supérieurs aux femmes.
- Raaah ! T'es vraiment trop bête, dis-je en tentant de cacher mon amusement à sa bêtise, tout en tapotant des deux mains son torse avec le coussin de chair se formant sous mes poings fermés, en faisant mine de le battre. Bom Bom Bom Mes petits coups font résonner sa cage thoracique. Je sens ses pectoraux et me surprends à tenter de les imaginer.
- Ha Ha Ha, je blague, Nass' ! J'aime titiller ta fibre féministe.

Gabriel est, on peut le dire, un branleur fini. Non, pas comme mon frère. Là , j'utilise le terme affectueusement. Gab' est un être suprêmement intelligent. Du genre à vous donner la réponse alors que vous avez à peine commencé à poser la question. Je suis sûre que vous avez déjà rencontré de telles personnes.
Je crois ne l'avoir jamais vu travailler.
Il comprend tout, tout de suite, et a une capacité d'analyse et de synthèse hors du commun. Ajoutez à cela un père notaire et une mère agent immobilier et vous comprenez aisément que dans sa famille, on n'a pas de peine à boucler les fins de mois. Chez les Ghedab, on n'arrive pas à boucler les 10 du mois. En fait, on boucle tout court. Là, je parle de nos cheveux.

Même en ce domaine, Gabriel me bat à plates coutures. Ses boucles dorées ont une tonicité incroyable. Un jour, durant un cours de philosophie où je m'ennuyais à mourir, je comptais machinalement ses ondulations car il était un bureau devant le mien. Soudainement, je ne sais pas ce qui m'avait pris mais je me suis vue lui tirer une des boucles de l'arrière du crâne.
J'aurais pu mesurer 10 à 15 cm de mèche.
Quand j'ai relâché l'objet de mon délit, BOÏIIING... voilà la mèche revenue strictement à son état d'origine. Je fais ça, avec une de mes boucles aux cheveux plus fins que les siens et j'obtiens un inextricable sac de nœuds. Comme le dit Calimero : "C'est vraiment trop injuste."

Chez les Brochier, famille de Gabriel, on a peut-être des soucis de surmenage ou d'emploi du temps, mais on n'a pas de problèmes financiers. Tant mieux pour eux et pour Gabriel. Leur maison se site dans Collonges-au-mont-d'or. Une magnifique maison en pierre, avec piscine, sur un immense parc arboré. À cause d'une bête option qui ne se faisait qu'au lycée Jacques Brel, Gabriel s'est retrouvé en terminale à Vénissieux.
Autant vous dire qu'il faisait tâche. Enfin... Une tâche de propre, si j'ose dire, car ici tout le monde n'est pas spécialement clair et net, quoiqu'au lycée, on avait déjà écrémé pas mal. Les quelques caïra du collège ont bifurqué ailleurs au sortir de la troisième, quand ce n'était pas bien plus tôt.

Nous arrivons au pub. Au moment d'entrer, Gabriel pose son bras derrière mon dos, sa main sur mon épaule, comme pour accompagner mon entrée dans l'établissement irlandais.
Je sens là encore qu'il fait ça naturellement. Ça m'fait penser aux séries et films américains où l'on voit le policier faire entrer dans sa voiture une personne interpellée menottée en posant la main sur la tête du malfrat, sans doute pour éviter qu'il ne se cogne à la tôle. La façon de faire de Gabriel est bien plus agréable.

Nous voici à une table en bois du "Old Logan". D'ailleurs tout est en bois, ici, même les murs sont recouverts de lambris. La couleur chaude du bois teint ainsi que les objets hétéroclites de décoration font que l'on s'y sent bien
Et puis, la bière qui coule à flot désinhibe les convives alors il y a tout de suite une bonne ambiance chaleureuse. Il est bien trop tôt pour que l'on ait droit à de la musique live mais cela nous permet de mieux échanger entre nous.
Il y a Christophe dit le rouquemoute, Mei - Chinoise par sa mère et Française par son père, Alicia la discrète et Parfait venu du Cameroun il y a belle lurette.
Nous avons tous obtenu le bac alors l'ambiance est bon enfant. On trinque à notre réussite puis à notre avenir puis à notre santé, on mange des pizzas et autres cochonneries sur le pouce. On rigole bien. La pression est bien relâchée.

C'est un peu triste tout de même car nous allons tous partir vers des horizons différents. Christophe veut aller au Canada. On plaisante avec son physique de bûcheron. Il ne lui manque que la grosse chemise à carreaux mêlant noir, rouge et blanc. Timber ! Mei veut suivre les traces de son père et travailler dans l'import-export. Alicia veut faire des études de médecine. On s'inquiète un peu pour elle car ce sont de longues études mais aussi, c'est un univers dur et impitoyable. Elle est un peu fragile. Cependant, elle est intelligente, apprend vite et a une bonne capacité d'adaptation à des environnements totalement différents alors pourquoi pas...
Parfait veut travailler dans la finance. Il nous semble parfait (sans jeu de mot) pour ça.
Seuls Gabriel et moi voulons prendre la même orientation, à savoir : le droit dans la faculté de Lyon.
Je suis contente car nos résultats en contrôle continu et l'issue du bac nous ont bien positionné sur le logiciel Parcoursup du ministère de l'éducation nationale. On a, sauf malchance incroyable, notre place assurée en fac de droit.

Après trois heures à parler des années lycées, à imaginer notre avenir, à palabrer en refaisant le Monde, on arrive à un stade où l'on est un peu pompette. Christophe que l'on chauffe depuis un moment à tour de rôle avec nos blagues sur les roux - non, n'insistez pas, je ne vais pas vous les sortir. Z'avez qu'à aller sur Google - Je disais donc : Christophe commence à avoir les oreilles bien rouges suite à une belle salve de blagues sur les rouquins. Il rumine puis annonce en mimant, les bras menaçant, un monstre quelconque. - "Vous l'avez cherché, je vais me venger et ma vengeance sera terriiiiible !!! HAR HAR HAR !"
Il se met alors à raconter une stupide et outrancière blague raciste des années 70/80. Après un temps à se regarder les uns, les autres : Épidémie de fou rire autour de la tablée. Chacun se met à sortir blague raciste sur blague raciste, toutes plus idiotes les unes que les autres. On trouve même des blagues pour ou plutôt contre Gabriel le blanc-bec. Chacun en a pris pour son grade. Plus la blague est naze et inconvenante, plus on rit à s'en tordre le bide. Le fait de raconter entre nous ces blagues crétines, usuellement narrées par des bas-de-plafond à notre encontre, fait que cela exorcise des années de brimades.

Nassima - Pitié, stop, on arrête. Hi Hi Hi J'en peux plus. J'ai trop mal au ventre. Hi Hi Hi

Gabriel (pensée) : Je n'avais jamais vu Nassima comme ça. Incroyable. Elle qui semblait porter toute la misère du Monde sur ses frêles épaules, la voilà soudainement libérée. Je connaissais déjà sa petit bouche si mignonne. Sous sa lèvre supérieure, une légère protubérance lui donne un charme particulier. C'est accentué par le fait qu'elle s'évertue usuellement à peu parler, en forçant ses mini lèvres rose naturel à rester fermées. Sa bouche est un O surmonté d'un petit bec de chair là où la plupart des gens ont une fente dans la lignée de l'interstice des incisives.
Mais là, je découvre enfin ses belles dents blanches et son petit rire cristallin légèrement éraillé. Nassima, tu devrais arrêter de mettre ta bouche en cul de poule et cesser de cacher de ta main tes jolies dents quand tu te prends d'un rire que tu cherches réprimer à tort.

La joyeuse bande finit pas se séparer.
Embrassades, promesses de rester en contact toute sa vie...

Gabriel - Nassima, demain il faut que je te parle de quelque chose.

Nassima - Oui Gabriel, hips ! De quoi veux-tu parler ? Hips ! Zut, Z'ai le hoquet. Hips !

Gabriel - Demain, Nassima. Tiens, prends mon bras. Je t'accompagne au métro qui te ramènera chez toi.

Nassima - D'a... Hips ! D'accord

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 13, 2023 ⏰

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Il est fait pour toi, ma fille.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant