Martha et Oscar Sagne rentrèrent vers 18 heures à St Val.
Le mistral s'était levé et malgré la chaleur de ce mois de juillet, on entendait des dents claquer.Le couple entra dans la pièce principale. Becky jouait aux legos (je saurais reconnaître entre mille le bruit des petites pièces qui s'assemblent, c'était toute mon enfance), Marlène devait dormir : ma supposition se basait sur le fait qu'elle n'était pas en train de railler les autres, et Grégory, muet, balançait ses pieds au rythme de la musique de fredonnait Myriam.
- Chopin, indiqua cette dernière à l'inculte que j'étais.
- Bonjour tout le monde ! lança Oscar, en déposant les sacs dans l'entrée.
Myriam interrompit son air. Avec Grégoire, ils se levèrent pour aider le directeur à poster son chargement.
- Fais attention, prévint Martha, ce carton est fragile.
- D'accord, répondit la voix de mon amie.
Oscar s'enfonça dans le fauteuil, à côté de moi. Il me raconta sa journée inintéressante, mais cela lui faisait plaisir. Ils étaient partis tôt voir la tante Claudine, de Toulon, puis avaient récupéré beaucoup de matériel médical dans une pharmacie qui fermait. Les cartons regorgeaient de précieux trésors (selon lui) du genre compresses, médicaments et tout le délire. Le vent s'était levé sur le chemin du retour et avait retardé leur arrivée. Je n'étais franchement pas désolé.
Un grand "boum" suivit d'un crissement de verre éclaté mit fin à notre conversation, ou plutôt à son monologue.
Mes bras, sur l'accoudoir, se raidirent. Un brusque froid m'envahit. Ce bruit de verre était si familier. Sous mon bandeau, mes cicatrices se ravivèrent.
En deux bonds, Mme Marie fût à mes côtés.
- Raphaël, appela-t-elle doucement, Raphaël, tout va bien.
- Non ! cria la voix de Martha, tout ne va pas bien !
Mme Marie pressa mes épaules pour les décontracter. Je me laissais faire, docile.
- À quoi pensais-tu ? tonna Mme Sagne.
Sa voix était plus forte que le bruit de la chute.
- J'ai trébuché, répondit la voix douloureusement familière de ...
- Myriam Castel.
Martha Sagne venait de prononcer ces syllabes d'une voix hachée, de peur que la haine brûlante qui l'animait l'étouffat.
- Oui ? répondit Myriam.
On sentait dans son expression la volonté d'être ferme. Mais la faiblesse de son ton trahissait sa peur.
Dommage pour tous les efforts de détente de Mme Marie, j'étais de nouveau crispé, mes muscles tendus à mort.
La main de Sagne fendit l'air et frappa le visage de Myriam. Elle ne poussa pas un cri, ne versa pas un sanglot. Je pensais même qu'elle se tenait droite, prête à recevoir un second coup.
- Martha ? interrogea Oscar, stupéfait.
Elle l'ignora et s'adressa à sa pensionnaire :
- Myriam, tu sais ce que nous sommes censés faire en cas de désobéissance de ta part ? Nous en avons parlé avec le psychiatre, tu étais là ?
Myriam demeura silencieuse.
- Alors ? insista la directrice.
Une porte claqua violemment. J'entendis les pas précipités de Myriam monter l'escalier vers sa chambre.
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La nuit sans étoiles
Short StoryJ'étais peintre, avant qu'un accident ait l'ingénieuse idée de me rendre aveugle. Dans leur extrême bonté, mes parents m'on expédié dans ce fameux centre "pour les enfants à problèmes". Ma seule amie est folle. Médicament prouvé. (Un vraie tarée, v...