CHAPITRE X

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Les idées se heurtaient dans ma tête, elles voulaient s'enfuir, trouver l'issue. J'avais toujours voulu être l'enfant parfait. Avec mes parents, mes amis ... Voyez comme ça a payé. Face à Sagne, je ne pouvais plus me permettre de tenir ce rôle. Quand elle voulait détruire mon amie, l'unique personne qui tenait à moi, je ne pouvais pas ne rien faire. Je sais, ce n'était pas du tout désintéressé ce calcul.

- Mieux vaut faire des choses intéressées, murmurais-je à mon oreiller, qui sont des actions bénéfiques, que de ne rien faire du tout.

L'oreiller ne voulut pas entrer dans cette discussion aux airs un peu trop philosophiques à son goût et me laissa dans le silence. Bien que je ne voyais pas la nuit (ou alors je ne voyais que la nuit ?), je devinais l'heure tardive à mes muscles étirés et fatigués.

Je pensais que dans la chambre voisine, Myriam aussi ne trouvait pas le sommeil. Sa colère maladive devait la tenir éveillée. Nous avions tous deux besoin de solitude. Elle, parce que c'était ses "derniers instants en tête-à-tête avec elle-même"; moi, parce que je savais que si je restais plus longtemps à l'écouter, j'aurais déjà tué la directrice.

Une pensée insidieuse se faufila dans les méandres de mon esprit. J'étais faible. Un petit, un rien, une goutte d'eau face à l'océan des problèmes. J'étais juste Raphaël Sérès, un petit aquarelliste aveugle, tout seul dans ma nuit.

Je pensais ne pas avoir dormi. Persuadé que mes pensées ne m'avaient pas laissé fermer l'oeuil de la nuit (pas d'humour noir, s'il vout plaît). Je sursautai cependant en entendant Becky s'inviter dans ma chambre.

- Tu ronfles, Raphaël.

Comme une douche d'eau froide sur mon visage, cette remarque réveilla tous mes sens (sauf la vue, bien entendu).

Une énorme peluche atterrit en plein sur ma poitrine. Merci Becky pour le cadeau.

- Y'a des gens en bas, dit-elle distraitement.

- Comme toujours, non ? répondis-je.

- C'est vrai.

Elle claqua de la langue. Je ne m'interrogeai pas plus que ça et laissai le sommeil me reconquérir.

- Ils sont là exprès pour toi ! lança-t-elle.

Comme si une décharge traversait mon lit, je me redressai brutalement.

- Qui ?

- Je te dirais pas ! rétorqua-t-elle sur un ton que seuls les CP peuvent imiter.

Ma charmante camarade me planta dans la chambre, laissant un raz-de-marré de questions m'assaillir.

Je sortis de ma chambre au moment même où Myriam arrivait en haut de l'escalier.
Je n'avais pas envie de parler. Même pas avec elle.

- Tu descends ? interrogea-t-elle.

J'opinai sans rien dire. Sa main prit mon coude et me guida vers les premières marches.

- Ça serait bête que tu tombes aujourd'hui.

C'était sans doute à cause des nouveaux venus. La force me manquait de demander pourquoi.

- J'aurais les tests aujourd'hui, continua-t-elle, pour savoir s' il y aura besoin de calmant.

Etais-je le seul à constater que depuis le début de notre rencontre, tout tournait autour d'elle ? Une sorte de colère sourde chauffa mes veines.

- Ah, dis-je histoire de combler le silence.

Et si elle était folle ? Si cette rumeur était vraie ? Comme un nuage noir au dessus de moi, la fatigue et la peine pleuvèrent sur moi. Je n'éprouvais rien qui puisse s'apparenter à de la pitié. J'avais pas envie d'éprouver, de toute façon. C'était l'état d'esprit où même être heureux nous dégoute.

La nuit sans étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant