Chapitre 4

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Gabriel entendait des bruits en écho dans son esprit. Des hurlements de panique qui pactisaient avec un froid soudain. Il n'arrivait pas à se souvenir du moment où il s'était endormi. Ses pensées revoyaient la neige qui venait vers eux, comme un monstre affamé, sa tentative pour essayer de s'éloigner, son incapacité à courir plus vite que le diable immaculé. Couvert de glace, il se rappelait s'être débattu pour ne pas avoir pour plaid cette poudre froide, formant un maigre espace avec ses bras autour de lui. Il se rappelait l'air manquant et l'oxygène absent. S'était-il lentement endormi ?

Quand la neige l'avait enveloppé de son manteau mortel, la sensation d'être minuscule l'avait envahi totalement

Il n'arrivait pas à savoir si tout allait bien. Le vacarme assourdissant d'un bip ne faisait que le déranger, se répétant sans cesse dans une litanie agaçante. Il oscillait entre deux eaux, conscient de la réalité sans pour autant parvenir à s'y accrocher. Sa lutte était compliquée et cela commençait doucement à l'emmerder.

Allongé sur le lit solitaire de l'hôpital, il se trouvait loin de la ville qu'il habitait normalement. C'était le souci quand on vivait dans le trou du cul du monde. L'accident de Colver n'avait pas vraiment fait la une des magazines. Ne s'étaient intéressés que la presse locale, un peu nationale et partout ailleurs, cela n'avait été qu'un encart ou un bandeau informatif, voire rien du tout. Des incidents, il y en avait tout le temps à travers le pays, l'ensevelissement de trois bûcherons, cela s'avérait être un évènement mineur, trop pour y apporter de la curiosité.

La tête dans le guidon et le corps endolori, Gabriel eut l'impression d'émerger d'une trop longue sieste. Son esprit vaseux ne l'aida pas à saisir pourquoi il se trouvait dans une chambre aux murs blancs, sur un matelas en plastique qui grinça dès qu'il bougea. N'était-il pas sous la neige quelques secondes auparavant ? Des fils le reliaient à une machine et Belly somnolait toute proche.

Il regarda, hagard, la pièce. Sa femme blême, recroquevillée sur le fauteuil de l'hôpital, ressemblait à un oisillon hors de son nid.

Grondant avec éloquence, Gabriel avisa son bras perfusé et son index enfermé dans l'appareil qui prenait son pouls. Fronçant les sourcils, il essaya de se remémorer les évènements qui venaient de se passer.

La neige, sa tentative de fuite, son ensevelissement et sa tentative d'espace... le manque d'oxygène...

L'esprit confus, son envie de se lever fut plus importante que le reste. Dans un nouveau grognement, il entreprit son action, faisant fi des douleurs présentes dans son corps. Bien mauvaises complices, elles se réveillèrent rapidement et lui expliquèrent un peu leur façon de voir les choses : bouger ? Pas question !

À force de se comporter comme un ours mal léché, sa compagne émergea de sa torpeur.

— Ne bouge pas, gros idiot... balança-t-elle doucement, se relevant afin de l'empêcher de faire de même. Elle appuya sur la sonnette des infirmières et se pencha au-dessus de lui.

— S'est passé quoi ?

Sa voix écorchée au fond de sa gorge arracha un air tendre à Belly. Il cessa de remuer pour plonger dans son regard avec affection. Ses beaux yeux sombres le charmèrent et domptèrent son agitation. Ce fut donc avec le plus sournois des plaisirs que son être réveilla toutes les douleurs possibles qu'il possédait. L'impression de s'être fait rouler dessus par une semi-remorque attrapa sa carcasse.

— Il y a eu une avalanche et tu t'es fait ensevelir. Tu as été vite découvert grâce à ton émetteur de détresse. Tu as fait un peu de coma à cause du manque d'oxygène. Tu as été le plus chanceux... 

Il regarda sa douce, soucieux de cette dernière phrase.

— John est mort, Matt a perdu un bras...

A bitter taste [MXM] [Sous contrat d'éditions IMAGINARY EDGE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant