La journée avait été épuisante. Tous les jours qui ont suivi sa fameuse discussion avec Pandore l'avaient été, en réalité. Hëna passait ses nuits à s'inquiéter au sujet d'Amélia, à se demander comment Pandore avait pu l'apprendre, à se torturer l'esprit en s'imaginant ce qu'il se passerait si tout le monde l'apprenait. Hëna a longtemps regretté avoir cédé. Elle avait tout fait en connaissance de cause, elle connaissait les risques, et pourtant...
Orion et Amélia étaient déjà en couple depuis plusieurs mois quand elle et Amélia ont commencé à se rapprocher. Elle se disait au départ que ce n'était que de l'amitié, mais pourquoi cacheraient-elles leur amitié ? Puis cette amitié dévia vers des baisers volés dans les coins sombres des couloirs, où personne ne pouvait les voir, et des nuits passées ensemble lorsque sa colocataire Mélodie dormait avec son copain. Elle savait que ce qu'elle faisait était mal, mais elle continuait de plonger dans cette histoire, et elle aimait ça.
Il n'y avait pas d'amour, c'était sûrement de l'ennui, ou le désir de connaître un peu ce que peuvent vivre les amoureux. Hëna avait tellement aimé ces petits jeux, qu'elle ne pouvait plus cesser d'y penser même lorsqu'elles eurent décidé d'arrêter. L'été lui avait permis d'oublier totalement.
C'est perdue dans ses pensées qu'Hëna passa la clé dans la serrure de son appartement, elle n'avait qu'une hâte : celle de se jeter dans son lit et laisser la fatigue l'emporter, sachant que Mélodie était probablement en train de passer la soirée avec Jess, elle serait tranquille. Elle ouvrit donc la porte, et vit d'abord quelques bougies allumées, puis elle discerna le sourire de Pandore, assise sur un siège, près de la fenêtre. Celle-ci, murmura comme si de rien n'était :
— Je t'attendais, Hëna. Ce pouf n'est pas aussi confortable qu'il en y paraît, je suis déçue. Et puis cette décoration... C'est si vide, ça manque de bougies et de posters, tu ne penses pas ?
Hëna serra ses poings et sentit les flammes vaciller, si Pandore continuait, la chambre allait prendre feu.
— C'est vrai, reprit-elle, l'espace est grand, mais si peu décoré... C'est dommage...
— Toi. Qu'est-ce que tu fais chez moi, Pandore ?
La jeune fille essayait de contenir sa colère, elle prit une longue inspiration pendant que Pandore se leva, le tissu de sa robe suivait le mouvement. Elle avait changé ses vêtements de la journée pour une longue robe rouge pourpre assortie à son rouge à lèvre. Elle avait un charme irrésistible, et tous le savaient, Hëna n'aurait pas hésité à tenter sa chance si elles ne se détestaient pas.
— En réalité, commença lentement Pandore en se promenant dans la chambre et observant les flammes des bougies qui dansaient, je me suis dit qu'une petite réunion d'affaire pourrait être sympathique.
— Je suis trop fatiguée et j'ai besoin de repos.
— Oh... Tu ne dors pas beaucoup en ce moment, je vois ça... Qu'est-ce qui occupe tant tes pensées... C'est moi ?
— Pandore, arrête ça tout de suite.
Torturer Hëna l'amusait, c'était devenu une habitude de toujours trouver les bons mots pour énerver l'autre. Pandore cessa de marcher pour se retourner vers Hëna qui ne savait plus où se placer, le sourire au lèvre, elle répondit :
— Trente minutes. On réfléchit sur comment on peut enquêter. Juste pour avoir une base.
— C'est d'accord. Et après tu pars et tu ne me refais plus ce coup-là. Comment es-tu entrée ?
— C'est facile de crocheter une serrure avec les pensées.
Hëna leva les yeux au ciel et s'assit à son bureau pour prendre un carnet neuf et un stylo, elle savait qu'elle serait incapable de réfléchir, mais elle pourrait au moins prendre des notes sur ce que dirait Pandore.
— Ok, donc on sait qu'Amélia est morte lors de la soirée d'intégration, la plupart des élèves étaient en train de faire la fête, mais on était beaucoup trop pour savoir exactement qui était là et qui n'y était pas.
— Ils ont noté chaque entrée. Toutes les portes autres que la principale étaient fermées, s'il y avait des absents on ne peut que les exclure de la liste des suspects.
— Parce qu'il y en a qui ne sont pas venus ? s'étonna Pandore.
— Bien sûr, tout le monde n'est pas fêtard et irresponsable comme toi.
— Tu penses que nous pouvons obtenir cette liste ? demanda Pandore en ignorant la remarque d'Hëna.
Celle-ci haussa les épaules en cachant un bâillement. Pandore était perdue dans ses pensées, et finit par dire :
— Il n'y a aucune raison qu'ils acceptent de me la donner si je demande, mais nous pouvons la voler.
— Tu es un démon.
— Merci, Hëna, ça me touche. Ensuite, Amélia a donc été retrouvée morte dans les couloirs, l'accès à tous les couloirs du rez-de-chaussée était libre, donc n'importe qui aurait pu le faire. As-tu vu de quoi elle est morte ? Note ce qu'on dit, hein.
— Oui, j'écris. Poignardée au cœur. Beaucoup de sang, c'était profond...
— Quelqu'un d'assez fort, donc, ou qui sait bien s'en servir.
— Un carnet a été posé à côté du corps, avec écrit « ça ne s'arrête pas là ».
— Ok, y'avait des traces de pas ?
— Non.
— Donc télékinésie, conclut Pandore. Ça va être facile si c'est un élève, on a juste à se renseigner sur les pouvoirs de chacun.
— C'est bien ça, le meurtrier s'est échappé par la fenêtre.
— Ah oui ?
— Oui, il y avait des morceaux de verre, mais ça semblait être une explosion plutôt qu'un objet lancé dessus ou autre.
— Trop bizarre... Je ne suis pas sûre de savoir faire ça avec ma télékinésie, c'est quelqu'un de vraiment fort.
Les deux filles échangèrent un regard suspicieux, avant qu'Hëna ne résume leur pensée commune :
— Quelqu'un de plus fort que nous ?
— C'est vraiment surprenant.
Hëna sourit à cette idée, mais c'était réel, rares étaient les élèves qui avaient des meilleures notes, et les étudiants étaient aussi évalués sur leur capacité à utiliser leurs pouvoirs, donc si le meurtrier était un élève, il semblerait qu'il cachait son vrai niveau...
— Alors ça doit être un professeur, murmura Pandore, l'esprit embué.
— Pourquoi tuer une élève ? C'est absurde.
— Pourquoi tuer quelqu'un tout court, peu importe qui a fait l'action. Amélia ne méritait pas ça...
Hëna repensa aux regards d'Amélia, au souvenir de son corps contre le sien lors des nuits interdites, du sentiment de risque et de danger lorsque leurs mains se frôlaient dans les couloirs.
Elle arrivait à croire que leur relation était finie, c'était arrivé et il fallait bien y trouver une fin, mais il lui était impossible de croire qu'Amélia n'était plus de leur monde... La fatigue reprit le dessus, et Hëna repensa à la menace de Pandore de révéler son secret à tout le monde. Elle tenta de calmer les émotions qui l'assaillirent subitement, et elle souhaita immédiatement un peu de solitude. Elle se tourna vers Pandore, qui s'était assise sur le lit et semblait réellement réfléchir au sujet de l'affaire, elle coupa court à ses pensées :
— Ecoute, la nuit porte conseil et on verra ça un autre jour, là c'est trop pour moi.
— Tu rigoles ? On n'a rien fait !
— Je te demande de partir, Pandore.
— Sérieusement ? Ce n'est pas à cette vitesse qu'on va trouver un coupable.
— Je t'ai dit de toute façon que je ne souhaitais pas mener l'enquête de base, va réfléchir par toi-même.
L'étudiante fronça les sourcils, mais céda et quitta la pièce sans un mot. Hëna éteint d'un mouvement de doigt toutes les bougies et rejoint son lit et le confort des bras de Morphée.
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Sous le murmure des ombres
FantasyPandore, Hëna, Xan et Orion sont étudiants dans la prestigieuse université Villarian, qui intègre et forme les meilleurs magiciens du pays. La vie y est calme et studieuse, jusqu'à ce qu'une des élèves meurt soudainement. Pandore, pouvoir de la télé...