4. Mont Vaknis

4 1 0
                                    

Juste s'approcha à grands pas du Tribun Auguste Flavien et croisa son avant-bras contre celui du militaire.

Episuna, mon ami, le salua-t-il en lui rendant son sourire.

Epirinem ! répondit le soldat en accord avec la tradition æpictienne, d'une voix grave et retentissante. N'attends-tu pas le premier entracte avant de t'enfuir dans ces souterrains lugubres ?

Juste haussa les épaules :

— J'apprécie peu les démonstrations chorégraphiées de tes soldats. Ils n'ont pas besoin de l'ovation d'un public pour prouver leur valeur.

— Je ne peux qu'approuver ces éloges, mais cette année, c'est au régiment du Tribun Luciem que revient la tâche d'illustrer les premiers combats de l'Empire. J'apprécie d'assister à ce pan glorieux de notre histoire, tu aurais tort de t'en priver !

— J'ai un devoir à accomplir, Auguste.

Juste n'ajouta rien de plus. C'était superflu : son ami était tout à fait conscient de la charge de travail qui lui incombait en ce troisième jour de Cérémonie. Il porta son regard jusqu'au nord-ouest de la ville, vers le Mont Vaknis. La silhouette imposante du volcan était visible de quiconque se trouvait au sommet des arènes, ou de n'importe quel édifice surplombant les toits de la cité. Même s'il ne s'agissait pas du point culminant du Continent, la montagne de feu dépassait déjà plus d'un mille d'altitude.

Les bruits courraient que l'Ancien Monde craignait les volcans, au-delà des mers. Mais à Æpictia, où la crainte n'avait aucunement sa place, on considérait qu'ils symbolisaient la dualité de Ditérès : tant sa puissance que sa miséricorde. Certains nobles possédaient des palais d'hiver sur le flanc sud du Mont Vaknis, dont on disait qu'ils étaient arrosés de soleil en permanence et jouissaient d'une vue panoramique sur la capitale et sur sa baie protégée des vents.

À son sommet, une immense statue à l'effigie de Ditérès avait été érigée. À chaque fois que le jeune homme se tournait vers la montagne et imaginait l'édifice —qu'il n'avait jamais vu de ses propres yeux— les battements de son coeur s'apaisaient, sa respiration reprenait toute son amplitude, et les émotions corrompues quittaient son corps sans attendre.

Il entama la descente des marches des arènes, en direction des souterrains :

— Tu m'accompagnes ?

— Évidemment. Tant pis pour les Driscalies, je profiterai mieux de la fête ce soir. Seras-tu présent, cette fois ?

Le Tribun l'avait suivi dans l'escalier. Juste attendit qu'il parvienne à sa hauteur :

— Oui. Je risque d'être las après une journée entière dans les souterrains auprès des Mutticas, mais je sais que cela ça me fera le plus grand bien. J'ai besoin de me changer les idées. Par ailleurs, l'Empereur nous a convoqués, ajouta-t-il, la mine plus sombre.

— Nous ?

— Son Excellence nous attend tous deux à 22 heures. Il a spécifié que tu devrais m'accompagner.

— A-t-il également précisé le motif de cette requête ?

Juste pinça les lèvres, retardant le moment de révéler la nature de sa précédente conversation avec le souverain d'Æpictia. Il avait une confiance absolue envers le Tribun Flavien : ils se connaissaient depuis le premier jour de leur service militaire, au crépuscule de leur adolescence. Ils avaient partagé de nombreux moments plus ou moins glorieux, leurs (més)aventures ayant forgé les liens d'une amitié sincère. Mais il lui coûtait de repenser aux informations révélées par l'Empereur. Il évita le regard du gradé et lâcha dans un souffle :

InhibitionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant