Chapitre 5

181 13 0
                                    


Dix ans plus tôt

Gabriel retira de sa bouche la cigarette qu'il venait d'allumer et dont il aspirait la fumée nocive avec délectation. Son regard ambré scrutait soigneusement la demeure cannoise, tout en écoutant distraitement Christophe parler de ses projets de tatouages.

Ce n'était pas la première fois que l'Italien se rendait ici, depuis plus d'un an et demi, il avait rejoint la sphère privée des hommes de main essentiels et indispensables de Saint Clair. Le grand patron l'avait félicité plus d'une fois pour tout ce qu'il avait accompli. Ses missions, couronnées de succès, lui avaient valu le surnom de L'Archange. Un terme qu'il n'affectionnait pas particulièrement, mais qu'il ne détestait pas non plus. Au fond, Gabriel s'en foutait.

La mafia n'avait jamais été le rêve de sa vie. Ce n'était qu'un fâcheux concours de circonstances qui l'avaient amené ici. La mort de sa mère, « la protection » de son père, les choix qu'on avait fait pour lui...

Cela faisait dix ans maintenant. Dix ans de meurtres, de chantages, de missions et autres affaires peu reluisantes. Il s'y était accoutumé en enfermant au fond de son être ses désirs, ses secrets et son goût pour la simplicité. Il s'était pleinement enfoncé dans l'art de la mort, revêtant des costumes hors de prix qu'il s'offrait avec l'argent de ses mandats.

Sa régulière, une gogo nommait Christal, arpentait à l'heure qu'il est les rues de la ville pour s'acheter de quoi se foutre sur le cul. Sa vulgarité l'excitait plus qu'elle ne le séduisait. Elle était un vide couille efficace, capable de pomper avec sa bouche siliconée aussi bien qu'un putain d'aspirateur. Le tout en s'étouffant avec plaisir grâce à son chibre gonflé.

Pour elle, il n'éprouvait rien. À dire vrai, il opérait comme tout le monde : il bossait, se payait une régulière autant conne qu'inutile et en changeait comme de chemises si l'envie lui en prenait. Cela faisait des années qu'il avait choisi de ne pas s'engager.

À ses quinze ans, il était tombé amoureux d'une jeune fille de son âge. Malheureusement, le décès de sa maman avait eu raison de ces émotions secrètes et il n'avait jamais pu lui dire ce qu'il ressentait. À ses dix-huit ans, son goût pour les hommes vint troubler son existence. Il partagea la couche d'un mec plus vieux, mafieux de son état, appartenant au clan de son père. Son départ forcé eut raison de cette relation confidentielle, dans lequel il avait tenu le rôle de l'amant. Aujourd'hui, il baisait des femmes, s'astiquait sur des pornos gay et se laissait ensevelir par la conformité. Dans cet univers, les hommes n'étaient pas pédés. Comme ils disent.

Malgré ses frustrations, Gabriel était doux et de nature posée. Il ne s'emportait pas sous l'impulsivité et calmait ses camarades un peu trop vifs d'un geste. On le craignait, car lorsqu'il s'y mettait, il pouvait vous démonter la tronche et vous remettre d'équerre tellement facilement. Gabriel était tout l'opposé du fils du chef dont on lui rebattait les oreilles depuis quelques jours.

Encore une fois, Andrea Saint Clair avait fait des siennes. Dans un club monégasque : il avait réduit en charpie la trogne de Dany Dorleac, un émissaire nordiste de la pègre lilloise. Le chti avait, semble-t-il, poussé à bout le cannois et sa gueule s'était vu transformer en Picasso. Les choses s'aplanirent rapidement toutefois : ce merdier réparait une faute commise il y a un an par les rivaux nordistes et qui avait tendu les ententes. Un partout, la balle était au centre.

Cela n'empêchait pas Antoine Saint Clair de vouloir canaliser sa marmaille et de lui affilier de ce fait, un homme bien plus posé : Gabriel.

En soi, c'était une sacrée promotion, devenir le second de l'Héritier. Mais l'Archange voyez cela comme une punition. Il devrait être une nourrice pour cet impulsif, ce qui signifiait : gérer des situations de merde. Et cela lui cassait un peu les couilles.

A bitter taste [MXM] [Sous contrat d'éditions IMAGINARY EDGE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant