Chapitre 2

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Niall fulminait depuis bientôt deux heures. Il haïssait définitivement l'un de ses professeurs, et celui ci le lui rendait bien. Il avait beau essayer, et essayer encore, ses essaies se soldaient tous par des mauvaises notes. Parfois, il avait même cette très irritante impression que d'y aller au talent fonctionnait mieux. Inventer des choses sur sa feuille était plus aisé et souvent mieux reçu. Il ne comprenait plus la logique de son esprit. C'était désespérant, si désespérant qu'il en avait envie de pleurer de frustration. Avec une rage redoublée par le fait qu'il ai encore ce soir un sac lourd et des choses à faire, il quitta l'établissement. Il marcha d'un pas vigoureux vers l'arrêt de bus le plus proche, celui qui se trouvait sur la rue de droite, à l'intersection. Là encore, c'était une routine soigneusement réglée. C'était le bus de dix huit heures, avec une dizaine de minutes de marge en cas de retard pour mauvaise circulation. Une fois qu'il fut arrivé au poteau qui surélevait le panneau "Ligne 34", il inspecta sans vraiment les voir les horaires qu'il connaissait pourtant, et s'installa pour l'attente. Il reporta son poids sur une jambe, mauvaise habitude qui lui faisait brutalement perdre dix centimètres, posant son sac à ses pieds. Il attendit sans broncher, sans bouger, détaillant du regard la façade face à lui comme il le faisait tout les jours. Il savait où se trouvaient les fissures, les imperfections, le nombre de barreaux...

L'attente est ennuyeuse, aussi s'occupait-il comme il le pouvait. Il n'était pas de ceux qui aimaient écouter de la musique dans la rue, écouteurs aux oreilles et rêves plein la tête. Sa mère lui avait toujours dit que se promener ainsi réduisait les capacités d'attention, d'écoute. Il n'avait donc jamais souhaité expérimenter ça. Cela n'engageait que lui, mais il préférait ne pas se retrouver encastrer dans un pare-chocs pour une raison aussi bête.

Il bailla largement, consultant sa montre une fois, deux fois. Le temps lui paraissait infini, s'étirant sans cesse pour faire des secondes des heures. Cinq minutes de retard, ce qu'il nota avec un agacement croissant. Il était épuisé par sa journée, tant moralement que physiquement, et ne rêvait que de rentrer chez lui. Bien sûr, avant cela, il passerait à la plage histoire de préserver la tradition qu'il avait mise en place voilà bien des années. Un regard vers le ciel plus tard, il souriait légèrement. Les nuages masquaient complètement le soleil descendant et il allait sans doute pleuvoir. Pourtant cela ne l'empêcherait en aucun cas de se jucher sur sa pierre. Tant pis s'il tombait malade après avoir fini trempé. Une grippe, un rhume, au moins raterait-il un peu les cours. Il aurait sûrement un mal fou à les rattraper, mais ce souci ne l'atteignait que très peu vu ses résultats actuels. Rien ne pouvait être pire de toute manière.

Il releva les yeux, morose, au moment où le bus apparut au bout de la rue. Il fit un geste du bas très peu enthousiaste afin de lui faire signe qu'il montait, et entra sans une seule parole. Il y avait des places assises, certes, mais lui préférait rester debout. Il avait déjà le derrière vissé à une chaise à chaque fois qu'il travaillait, alors la perspective de se tenir un peu sur ses deux jambes lui apparaissait plus agréable le soir. Il s'agrippa soigneusement à la barre, puisque connaissant son sens de l'équilibre, il risquait de chuter au premier coup de frein. Il tapota rapidement sur le fer, pensif, et son regard se porta sur les autres passagers afin de se distraire le temps du trajet. Il n'y avait pas grand monde, fort heureusement pour lui. Il n'avait que trop vu des bus pleins à craquer, et la seule idée d'être écrasé entre plusieurs personnes le révulsait. 

Tandis que ses pensées folles déviaient toujours un peu plus, ses yeux se posèrent sur une femme enceinte, accompagnée d'une petite fille d'environ cinq ans. La mère expliquait à sa fille pourquoi elle devait être gentille avec le futur arrivant, ce qui fit sourire Niall avec un certain amusement. Dire que sa propre mère avait du, certainement, tenir ce même discours avec son grand frère... Cela l'amusa un moment, et il suivit donc la conversation avec un intérêt croissant. Elles dégageaient une telle bonne humeur qu'il se dit qu'il avait bien triste mine en comparaison. Elles partirent ensuite sur un thème à base de créatures mythologiques, et le jeune homme se déconnecta du flux de paroles pour se concentrer sur les autres personnes présentes.

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