Éloigne-toi [Terraink] (Publication irrégulière)

Chapitre 12

L'air extérieur sembla alléger un peu le poids imaginaire qui reposait sur les poumons du garçon. Il prit une grande bouffée d'air frais, les yeux rivés vers le ciel bleu et le soleil illuminant cette journée qui était tout sauf agréable.

Il soupira longuement, se sentant coupable d'avoir laissé sa petite-amie en compagnie de son géniteur qui était loin d'être un ange. Il fouilla ses poches nerveusement à la recherche de ses précieux bâtonnets de nicotine. Le tabac ne serait clairement pas suffisant pour apaiser ses craintes mais pour le moment il devrait s'en contenter sans sourciller.

Il jeta un œil autour de lui, allumant machinalement sa cigarette à l'aide de son vieux briquet. Il faisait tâche dans ce paysage de costumes à trois chiffres et de robes élégantes, lui qui n'avait qu'un vieux costume trouvé en friperie. Il ne le sortait que pour de rares occasions. Occasions qui n'étaient constituées que de retrouvailles en famille où il était obligé de faire l'effort de montrer son appartenance à la classe supérieure.

Son père aimait lui rappeler à la moindre occasion, lui signifiant également qu'il était la honte de leur famille.

Lorsqu'il porta le bâtonnet à ses lèvres et que le tabac lui brûla les poumons et l'embauma d'une odeur que Julie détestait, il ferma les yeux. Il s'appuya sur la façade de la grande demeure, son costume noir se colorant de quelques traces blanches dont il ne se souciait guère. Pourquoi ne coupait-il pas les ponts définitivement avec sa famille ? Cette question dont il connaissait la réponse lui trottait tout de même dans la tête. Il avait besoin de l'argent que lui envoyait sa famille. Son travail lui rapportait une source de revenus convenable mais la petite vie confortable et les excès qu'il pouvait se permettre grâce au soutien de sa famille lui étaient indispensables. Il se mordit l'intérieur des joues en se souvenant qu'il n'avait toujours pas dit à ses parents qu'il travaillait. À quoi bon ? Il n'aurait pas de compliments sur ses exploits professionnels.

Au moment où il entendit des bruits de pas s'approcher lourdement, la panique prit possession de son corps. Il retira brusquement sa cigarette de ses lèvres. Seulement il était trop tard. Son paternel arriva bien vite à ses côtés, le regard lourd de reproches. Damien était là, prit sur le fait. Il savait déjà comment allait réagir son père en le voyant fumer en cachette. Et même s' il s'attendait à recevoir une nouvelle brûlure sur le bras, il tenta tout de même de la cacher l'arme du crime derrière son dos, priant pour que l'homme n'y fasse pas attention.

Celui-ci avait rapidement quitté les marches de la maison pour avancer vers l'endroit où se trouvait son fils, longeant la bâtisse pour arriver dans un espace dénué d'hôtes. Contournant les différents arbres et buissons qui rendait la présence de Damien presque imperceptible aux regards des inconnus qui parcouraient l'avant de la demeure qu'il avait achetée.

Pendant toute la durée de sa progression ses yeux le transpercèrent comme la braise qui s'écrasait sur sa peau, chaque gravier déplacé par son poids grésillait atrocement dans les oreilles de Damien.

Tout cela, son père le savait et il en jouait contre lui.

-Éteint là.

Il suivit son ordre d'un geste de la tête vers le garçon. Il ne lui demanda pas de lui donner la cigarette, il n'avait pas envie que ses propres doigts sentent. Il ne l'invitait pas à le faire, il ne lui laissa aucun choix. Il savait déjà ce qu'il devait faire pour l'éteindre, alors l'homme regarda avec un calme déguisé son fils bouger.

Il déglutit, un goût amer dans la bouche et la gorge serrée. Il regarda sa cigarette un instant puis leva rapidement ses pupilles en direction de son père. Il savait ce qui lui restait à faire. Il hésita un instant à écraser son bâtonnet contre le mur de la maison ou sous sa semelle. Seulement il savait que cela ne ferait qu'attiser davantage l'animosité qui avait envahi les veines de son père. Il regarda autour de lui, espérant que quelqu'un passe pour le sauver mais il n'en fut rien. Comme à chaque fois il était seul face au monstre déguisé en père de famille aimant qui se trouvait face à lui.