Chapitre 2.2

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Après quatre heures de marche intensive, la troupe bien rangée du départ formait une longue colonne qui luttait pour se frayer un chemin entre les arbres, les ronces et les fougères. Anatole avait laissé Huli en queue de cortège pour rejoindre, en tête, le chef et guide Roger Dumarais. Surexcité, il lui posait des tonnes de questions. Au début, le sanglier avait tenté de s'en débarrasser en ignorant complètement sa présence. Comme cela ne fonctionnait pas, il lui ordonna de le laisser tranquille, en vain : même si l'écureuil se tut un moment, il reprit de plus belle lorsqu'il aperçut un nid de cigognes sauvages perché sur la branche maîtresse d'un orme.

« Bien vu petit ! C'est en mémorisant ce genre de détails qu'on arrive à se repérer dans la forêt profonde », avait répondu avec entrain Roger au petit casse-pied qu'il commençait tout de même à apprécier.

Anatole remarqua le changement d'attitude du sanglier et en profita pour le complimenter sur ses grandes qualités de guide. Loin d'être insensible à la flatterie, le chef devint plus bavard. Quand il s'agissait de se vanter, il était intarissable.

« Jen'ai pas obtenu un poste aussi important du jour au lendemain, expliqua-t-il. Il m'a fallu travailler dur. En revanche, il est certain que dès mon premier jour comme transporteur, mes supérieur savaient déjà remarqué mon incroyable potentiel. J'ai un sens de l'orientation exceptionnel. En quinze années de carrière, je ne me suis jamais perdu.

—Incroyable ! Même mes parents se sont égarés une ou deux fois ! s'extasia l'écureuil.

—Ah oui ! c'est vrai ! Tu es le fils de Rosette et Léon Paturon.

—Vous connaissez mes parents ?

—Bien sûr, j'ai plusieurs fois fait équipe avec eux. Ce sont de bons camarades. Tu auras peut-être l'occasion de les croiser pendant ces trois mois. Sont-ils au courant de ta venue ?

—Non, pas encore. Je ne les ai pas vus depuis quatre mois.

—Tu sais, je ne suis pas sûr qu'ils soient ravis de te voir parmi nous. Je crois même les avoir entendus dire que l'une de leur pire crainte était que l'un de leurs enfants fasse le même métier qu'eux.

—Non... Impossible... Ils m'ont toujours raconté leurs extraordinaires aventures ! Ce sont eux qui m'ont donné envie de faire ce métier !

—C'est donc ça... Mais tu sais, entre écouter une aventure et la vivre, il y a une sacrée différence. En te décrivant les épouvantables épreuves qu'ils ont traversées, tes parents pensaient certainement te dissuader de les imiter. Ah, ça ! Ils se sont sacrément plantés, les Paturon.

—Ça m'est égal. Même si ce que vous dîtes est vrai, je suis certain de me plaire à arpenter les profondeurs de la forêt. Je rêve de découvrir d'autres villes, d'autres villages !

—Si tu veux mon avis, mon petit, tu es à mille lieues de la réalité. Lors d'une mission, on va toujours aux mêmes endroits sans intérêt et tout le monde n'attend qu'une seule chose : rentrer chez soi. Enfin... Je ne voudrais pas te décourager dès ta première journée, tu découvriras tout ça bien assez tôt. »

Anatole avait la tête dure et pensa que le sanglier se moquait de lui. Il préféra ne plus lui parler, mais resta tout de même à ses côtés pour faire du zèle.


Pendant ce temps-là, en queue de cortège, Huli suivait tant bien que mal la cadence rapide de la troupe. Le petit baluchon qui se balançait à l'épaule de son voisin, un puissant cerf au corps sculpté, lui rappela qu'il n'avait emmené aucune affaire de chez lui.

« Mince alors, je pensais qu'il était inutile d'apporter quoique ce soit, demanda le renard.

—C'est ce que tu as lu sur ta convocation ? Effectivement, ce n'est pas nécessaire, mais ce n'est pas non plus interdit, précisa le cerf. Je m'appelle Maral, tu es l'un des petits nouveaux ? Toi et ton copain, qu'est-ce que vous nous avez fait rire tout à l'heure !

Koadeg : La forêt mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant