Dix-huit ans. L'âge de majorité en Europe m'avait dit mon père, sa voix empreinte d'une nostalgie, à peine fus-je levée, m'enjoignant à y passer quelques jours pour goûter à la liberté de pouvoir commander mon alcool par moi-même. Evidemment, il n'avait pas évoqué le cas de la cigarette, aussi m'étais-je bien gardée de l'aborder moi-même. Car s'il fumait lui-même régulièrement le cigare, de cette marque cubaine à l'odeur si atroce qu'elle a l'effet d'un répulsif, il refusait catégoriquement qu'il en soit de même pour sa famille, ma mère y compris. Je l'avais déjà vue fumer discrètement lorsque mon père était encore au travail, mais il s'agissait là d'un secret d'Etat.
Sur le chemin du lycée, je réfléchissais déjà aux moyens d'éviter les salves de félicitations plus que gênantes lorsqu'elles fusent toute la journée comme des salves ininterrompues, attirant par là tous les regards plus ou moins souhaités. J'en arrivais à la conclusion qu'à moins de ne tout simplement pas mettre les pieds dans l'enceinte de l'école, il était plus qu'improbable que je trouve une issue.
Arrivée au 36 de la rue je croisais Carolina qui m'attendait, le nez sur son téléphone. Sa réaction lorsqu'elle me vit fut telle que je l'espérais, ou plutôt que je le craignais :
-Eliana ! Bon anniversaire !
Elle se rua sur moi comme un enfant sur une glace au chocolat, supplément chantilly.
-Merci, Caro. J'espère juste pouvoir passer la journée sans trop d'attention, répondis-je avec un sourire timide.
-Oh, arrête, tu adores ça ! Et attends de voir ce qu'on a prévu pour ce soir, ajouta-t-elle, un clin d'œil complice.
Effectivement, j'appréciais être au centre des regards. Mais les doutes croissants, couplés à la pression que j'avais suite à la conversation avec mon père, avaient fait naître en moi une certaine appréhension à l'idée de me retrouver au milieu de tout le monde.
Comme le voulait la tradition, la soirée de mon anniversaire était l'occasion d'aller nous faire manucurer avec notre groupe d'amies, avant de rejoindre mon appartement, transformé pour l'occasion en salle de fête façon millénial. Les invités étaient triés sur le volet, choisis avec soin par une équipe spécialiste en la matière et dont les critères de notation, dignes des algorithmes les plus pointus de Google, comprenaient aussi bien le physique pour les hommes que les relations (amicales ou amoureuses) et la popularité pour les femmes.
-Est-ce que je peux avoir un avant-goût de votre liste ?
-Tu verras ce soir !
Comme je l'avais prévu, mon arrivée au lycée fut accompagnée de congratulations, amis comme inconnus. Chaque pas était l'occasion d'adresser un nouveau sourire. Le reste de notre groupe m'attendait dans la cour intérieure, toutes assises sur le banc central qu'elles aimaient tant occuper. Elles apparaissaient ici comme un splendide tableau : de belles jeunes femmes, élégantes dans leurs vêtements de la dernière mode, l'air quelque peu dédaigneux de tout ce qui se passait autour d'elles. Nous nous dirigions vers elles lorsqu'une voix s'adressa à moi.
-Bon anniversaire Eliana.
A peine m'étais-je retournée qu'un bras m'enlaça, suivi d'un langoureux baiser.
-Et voilà le prince charmant, s'exclama Carolina.
Si rien dans son comportement ne laissait présupposer un quelconque doute, il ne m'avait suffi que d'un seul regard partagé pour comprendre qu'il n'agissait pas ainsi par amour, mais pour alimenter le grand show général et faire bonne figure.
-Merci mon amour, répondis-je en lui rendant son baiser.
-On se voit ce soir ? J'ai une montagne de choses à faire.
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C'est toi que je veux... Je crois
RomanceLa vie d'Eliana est toute tracée : après le lycée, elle épousera Lucas, comme leurs parents l'ont décidé. Ils hériteront de l'argent de leurs parents, et elle vivra sa vie sans tracas. Tandis que sa relation avec Lucas s'effondre, elle croise la rou...