La Rose Éternelle 3, Ahwlalal

Chapitre 1, Tout pour le tout

Ilkka

Le silence siffle à mes oreilles. Le temple ne respire même pas, tout comme nous. Cela
pourrait trahir notre présence. Seule Tancah est prête à se battre, ses deux armes en mains. Nous
n’avons aucune chance de sortir vivants de cette attaque. Même si Kio sait se servir d’armes
courtes, même si Tancah est sur-entraînée et qu’elle m’a appris à me battre. Nous n’avons aucune
chance.
Je ferme les yeux un instant, autorisant mes souvenirs à refaire surface une dernière fois. Je
me souviens du premier cheval que j’ai approché. Un magnifique étalon blanc que personne
n’arrivait à attraper. Du haut de mes cinq ans, je suis entré dans son pré, innocemment. Il a foncé
vers moi, et comme je ne bougeais pas, il s’est arrêté à quelques mètres, a tendu ses naseaux vers
moi, et le tour était joué. Il lui fallait simplement donner sa confiance à quelqu’un pour qu’il
accepte le contact.
La confiance. J’aimerai qu’elle prenne la place de la peur en ce moment. La peur qui ne m’a
pas quitté depuis que je suis parti. Depuis que j’ai laissé ma famille derrière moi pour cette quête de
merde, comme aurait dit Tancah dans un contexte plus serein. Une image mouvante s’impose dans
mon esprit. Le jour où les petits sont arrivés à la maison, enveloppés dans d’innombrables couches
de tissus blanc. Personne ne parlait, comme si le moindre son qui réveillerait ces êtres minuscules
pouvait faire tourner le soleil dans l’autre sens.
Le soleil. Si nous avions de la chance, nous pourrons le revoir un jour. Ma peau se rappelle
encore des chatouilles des rayons chauds, le jour où Tancah a disparu à côté de la cascade. Elle est
là aujourd’hui. Elle ne nous laissera pas tomber. Par fierté, par devoir, par rage de vaincre, ou
simplement par pure folie, mais elle ne nous abandonnera pas. Seul, je serais déjà à Ahwlalal depuis
bien longtemps.
Elle a illuminé mes journées, éclairé mes nuits les plus sombres. Elle m’a énervé au point
que je la déteste puis l’adore dans la même seconde. Elle m’a sauvé tellement de fois que je n’ai pas
assez de doigts pour compter. Soudain, elle disparaît de mon champ de vision. Elle se transforme en
une masse rapide comme l’air, hurlant et frappant avec plus de rage que je pourrais en avoir dans
une vie entière. Kio s’accroche à mon bras, tremblant comme une feuille.
Une contre dix. Ce combat est suicidaire. Si elle cherchait à tuer le plus possible avant de
mourir ? Sans doute. Elle ne communique que comme ça, de toutes façons. La violence, le silence,
rien de plus. C’est la dernière image que j’ai d’elle avant de sombrer dans les bras d’Hun-Uhpanuh.
Une furie née pour donner la mort, et qui le fera jusqu’à la sienne.