Prologue

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"... S'il vous plaît... je... je traverse pas mal de choses compliquées en ce moment et... ça me soulagerait si vous ouvriez les yeux...."
Je m'obstinais d'obéir cette voix qui ne cessais d'insister, cette voix masculine qui ne m'était pas du tout familière. La lumière éblouissante de la pièce où je me tenais ne me permettais pas de desceller les traits du visage de celui qui semblait être à mon chevet, je me torturais à ciller les yeux pour mieux voir son visage que j'entendis à nouveau sa voix.

-Docteur! Venez vite! Elle reprend connaissance, Criait-il.

Je n'ose pas écarquiller les yeux de peur de comprendre ce qui se tramait, ma vision s'était enfin améliorer, je voyais des tubulures quitter une poche de liquide et qui se dirigeait directement dans ma main gauche, je ne ressentais rien évidemment, je comptais deux secondes après chaque « bip » sonorisé par la machine à quelques centimètres derrière moi, l'oxygène que je respirais par le masque m'était si familière sans connaître la raison, j'imagine que j'en portais souvent avant aujourd'hui. C'est là que je compris que j'étais dans un hôpital.
Je me redressais en parcourant la chambre d'un regard brouillé essayant de me remémorer ce qui m'y a conduit, mais en vain...l'aiguille des secondes de l'horloge murale accrochée un peu plus loin dans la chambre effectuait une rotation trop lente, j'avais l'impression que j'étais dans une bulle temporelle où le temps ne comptait pas. Les épais rideaux recouvraient la fenêtre de la chambre, la chambre ainsi que le couloir que je pouvais apercevoir dans la petite ouverture laissée par le docteur à son entrée étaient d'un blanc éclatant, on ne pouvait déduire l'heure...

—Monsieur, l'accès à cette chambre est autorisé uniquement à la famille, vous n'êtes pas censé y accéder, je vous prierai de bien vouloir sortir, dit le docteur

J'eus sans tarder le réflexe d'observer cet homme qui ne cessait de me parler quand j'avais les yeux fermés, il était grand de taille, pas très musclé, il avait des cheveux châtains, certaines mèches pendulaient sur son visage pâle qu'il tentait bien que mal de rabattre en arrière. Il avait des yeux verts cernés me scrutant intensément à chaque eyes-contacts, je pouvais y lire de l'inquiétude ou quelque chose du même genre, peut-être serait-ce du soulagement...s'il n'est pas de ma famille, qui est-ce dans ce cas ?

—Veuillez m'excuser, je voulais juste m'assurer qu'elle aille mieux; j'étais vraiment rongé par la culpabilité.

—Bien, l'hôpital a informé la police sur ce qui s'est passé, l'inspecteur Jones vous attend à la réception, il aimerait vous posez quelques questions.

—J'y vais tout de suite, prenez bien soin d'elle.

Le jeune homme s'en alla, je ne saurais déduire son âge, je ne savais toujours pas qui il était. « Serait-il alors la personne qui m'ait conduit ici », supposais-je.
—Mademoiselle, comment vous sentez vous? Quel est votre nom?

Aussi bizarre que ça puisse sembler être, je ne pouvais ni prononcer mon nom, ni m'en rappeler. J'avais l'impression que les mots restaient coincer dans ma gorge, je n'arrivais pas à les évacuer, je posais mes mains sur mon cou essayant de la serrer pour pouvoir libérer tous ces mots qui errent jusque là dans ma tête, j'essayais de délier mes cordes vocaux, en vain.

—Est-ce vous pouvez me répondre mademoiselle? Demanda inquiet le médecin.

Non, je n'y arrive pas Docteur! Je n'y comprends rien figurez-vous.

—avez-vous des difficultés? À vous exprimer?

J'hochais lentement la tête, suis-je muette, me demandais-je.

—Bien, vous vous contenterez de hocher la tête en signe d'acception et la secouer en signe de refus, dit le docteur.

J'hochais à nouveau la tête, tout ceci a vraiment l'air frustrant, sans élocution, je ne pourrais réellement comprendre ce qui m'arrivait, j'ai beaucoup de questions à poser; cette sensation d'incapacité est insupportable!

—Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé avant votre accident?

J'ai froncé les sourcils, un accident? J'ai été victime d'un accident... j'aurais bien aimé me souvenir de quelque chose à ce moment là, il est dit que lorsqu'une personne est sur le point d'être victime d'un accident, peut importe la nature de ce dernier, elle a l'esprit ahuri et reste étrangement figée, comme si le diable paralysait les gens à ce moment là alors que la meilleure option serait de se sauver, de prendre fuite, je ne saurais approuver l'hypothèse, je ne me souviens pas d'avoir déjà été victime d'un accident auparavant, d'ailleurs je ne me souviens de rien en y réfléchissant bien, et j'apprends cette récente nouvelle comme si l'on m'élucidait une histoire que je n'ai jamais vécu, que je ne pourrais comprendre. Je crois que le docteur avait compris mon ébahissement

—je vois, et un élément de votre identité? Votre nom, votre adresse, votre âge...vous en rappelez-vous?

Je commençais à avoir des maux de tête au fur et à mesure que je réfléchissais sur mon prénom, sur quoi que ce soit me concernant. Je me suis contenté de secouer la tête, j'étais perdue.

—Nous n'avons trouvé aucune carte ni pièce d'identité sur vous; sur ce, nous n'avons aucune information sur vous ni sur votre famille, vous n'aviez non plus pas de téléphone portable nous n'avons pas pu appeler ou prévenir qui que ce soit, il nous est dans ce cas difficile pour nous de contacter un membre de votre famille pour pouvoir les informer de votre accident avant-hier nuit, la voiture du jeune homme présent ici il y'a quelques minutes vous a heurté, il vous a conduit ici à l'hôpital général de Churchill aux environs de deux heures, il est trois heures et demi du matin, disons que vous avez perdu connaissance durant vingt-cinq heures, nous vous avons scanner et aucun dommage physique interne n'a été détecté. Si vous vous souvenez de quoi que ce soit ou si vous avez besoin de quelque chose, veuillez l'écrire sur ce carnet, cela pourra nous aider.

Heureusement pour moi, je me rappelle comment écrire, ce carnet et ce stylo, était désormais le secours dans ma détresse. Dieu seul sait ce qui se serait passé si au bout de quelques minutes je m'efforçais en vain de faire sortir ne fisse qu'une interjection de ma bouche, je garde mon calme et me demande bien ce que je pourrais écrire pour exprimer mes besoins et mes émotions.

—Je vous reviens très vite, des infirmières se chargeront de vous apporter à manger et à boire, espérons que cela vous rafraîchissent la mémoire plus tard, ne sortez pas de cette chambre, ce sera désavantageux pour vous.

J'ai hoché la tête, observant sa marche vers la sortie, je reste immobile, je réfléchis, je pense à qui je suis, d'où je viens, ce qui s'est produit avant tout ceci, trou noir que je creuse davantage. Je risque de me perdre dans mes pensées en recherchant intensément cette identité qui est mienne, je me maîtrisais pour ne pas perdre les pédales de ma réflexion, J'avais envie de crier parce que je n'étais qu'une âme dans un simple corps sans souvenirs. C'est comme si je venais de naître. J'arrivais quand même à me maîtriser, à garder mon sang froid. Je ne forcerai rien, j'opte à faire des gribouillis, mais je ne pouvais dessiner la tête de mon personnage imaginaire tranquillement, une démangeaison tiraillente et frontale m'exaspérais, j'abdique face à la tentation, je me gratte...
Je fis une grimace en ressentant la douleur, j'avais des traces de sang pleins les doigts, je n'avais point prêté attention à mes blessures, je venais de provoquer une petite hémorragie sur mon front, je ne savais pas que le sang y était coagulé. En observant attentivement mes mains et mes jambes, je ne pouvais que constater les différents bandages qui cachaient des plaies, il fallait que je regarde...j'avais plusieurs égratignures et l'abondance des bleus partout dans mon corps m'a effrayé, cet accident a dû être très grave pour m'avoir fait tout ça, aucun dommage physique, mon oeil...plus le temps passe, plus la douleur se fait ressentir partout dans mon corps, au début je ne ressentais rien; je me pose de plus en plus des questions que je n'hésite pas décrire dans le carnet pour me vider de sorte que les événements émergent tous seuls dans ma tête tranquillement quand ils le voudront.
Lorsque le docteur rentrait avec une infirmière qui apportait un plateau de repas et du jus de fruit. Il prit le carnet, lit tout ce que j'avais écrit, et après réflexion il me dit

—C'est sans doute une amnésie.

Amnésique: La petite histoire d'Émeraude Kabila Où les histoires vivent. Découvrez maintenant