Dehors comme à l'accoutumer les gens sont hystériques, ivres de stress.
En manque de temps qu'ils n'ont pas, ils sont en colère contre tous retards potentiels que représentent les autres.
Mais moi je suis dans ma bulle, à part, je galope pourtant, tout semble atténué.
Cette nuit m'avait laissé les séquelles d'une deuxième naissance douloureuse, comme né dans la seconde d'une minute trop longue.
...Assez divagué allons-y...
J'arrive au travail, le building solidement enraciné au sol ressemble à une fourmilière et nous les fourmis, nous nous affairons sans conscience du but final de tout cela.
Le hall tout de marbre vêtu est muni de trois hôtesses d'accueil manucurées aux sourires figés qui nous redistribuent selon notre hiérarchie sociale.
Six grands ascenseurs tels des artères envoient l'employé au cœur du système. Je suis en partance pour le 21ème étage dans une ambiance de proximité, limite claustrophobe. Tout le monde regarde en haut, en bas, sa montre ou le grand classique les chiffres qui défilent au dessus du clavier de l'ascenseur. Tout ça pour ne pas regarder son voisin et prendre le risque d'avoir un contact humain. Je commence par faire comme tout le monde, puis, je ne sais pourquoi, je me mets à regarder les autres dans le reflet des parois d'acier.
Je regarde d'abord à ma droite un homme du genre golden boy méché la peau bronzée qui sourit, je dirai même qu'il sourit droit devant lui. Je crois qu'il essai de se séduire lui-même. Sur ma gauche un homme bien portant bas la mesure nerveusement sur la rambarde de l'ascenseur, j'imagine que s'il pouvait hisser la cabine lui-même pour aller plus vite il le ferait, cette pensé m'arrache un rire discret, ce qui n'est pas du goût de l'une de mes plus proches voisines qui me jette un regard de réprobation, telle une chouette qui veille sur la loi du politiquement correct, puis se retourne vers sa voisine pour se remettre à déblatérer des potins sur ses collègues. Derrière elles, une femme fait semblant de lire pour pouvoir prêter une oreille attentive au jacassement incessant des deux pies qui par leur ambiance sonore accentue la sensation de cloisonnement et de proximité. Un peu plus loin un homme ronge ses ongles, ronge ses doigts, tel un chat pris dans un piège, il s'automutile pour se libérer de je ne sais quelle emprise, lui aussi discute avec une femme qui le regarde attentivement tout en se mordillant l'intérieur des lèvres. Tout ce joli monde tout cravaté et juste vêtu, s'en va suspendu à un câble tel un pendule à trente mètres du sol. Une sonnerie retentit, les portes s'ouvrent et là, c'est la cavalcade, chacun sort à sa manière comme il peut, moi je reste là, regardant les gens m'éviter ou me bousculer sans rien faire les portes se referment et je reste seul. Quand mon cœur s'accélère, un souffle étranger parcours ma nuque, je ne suis plus seul dans l'ascenseur. Je me retourne, personne, mais je sens toujours cette présence. Je commence à avoir des sueurs froides, mon cœur bat la mesure d'une symphonie dodécaphonique. Je suis en plein malaise, quand j'entends « chut... calme toi » cette voix c'est sa voix, je regarde il n'y a personne, je fais mine de me retourner quand son souffle se fait à nouveau sentir dans mon cou.
« Ne te retourne pas ... me sentir près de toi ne te suffit pas ? » « Nous nous connaissons à peine pourquoi moi ? » « Nous nous connaissons, tu le sais, tu le sens » « Mais... » « Chut... ».
Là, sa présence se fait plus proche, je sens la chaleur de son corps, son souffle sur ma nuque prend la forme de ses lèvres, elle met ses mains sur ma taille. Je suis peut-être fou, complètement schizophrène, mais elle est enivrante. Sa présence, son odeur suffisent à mon bien-être. Comment se fait-il que je m'attache aussi vite à quelque chose qui n'existe peut-être que dans mon imagination ? J'ai les yeux fermés, je profite de chaque seconde fugace de sa présence, je sens qu'elle repose sa tête sur mon épaule mais déjà sa présence commence à s'effacer, je veux la retenir, mais elle m'empêche de me retourner. Elle glisse quelque chose dans ma poche. « Tu gardes ça pour moi... ».
Ces mains s'éloignent, je me retourne pour les saisir mais elle n'est plus là, dissipée comme un rêve.
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L'angélus
RomanceC'était aujourd'hui, il y a cent ans. Je n'ai plus grands souvenirs de cette époque Mais nous étions jeunes Et l'amour que nous avions l'un pour l'autre Faisait fleurir le printemps autour de nous. Âme sœur nous étions Âme sœur nous le savions...