Ada

La danse, la danse et encore la danse. Voici à quoi ressemble une journée dans ma vie. Je ne vis que pour elle. Elle fait partie de moi. C'est mon talent, mon univers enchanté, mon échappatoire.

Ada - 17 ans

5h du matin
La chanson Blackbird résonne sur mon téléphone, me réveillant à contrecœur. J'attrape mon carnet et allume ma lampe. Je me replonge dans les torpeurs de ma nuit mouvementée par mes rêves, je les note tous car j'ai peur de passer à côté d'une chorégraphie grandiose. Ils se constituent exclusivement de danse.
Je me défais de la couette et ouvre ma fenêtre pour aérer la chaleur enveloppante de la nuit qui perdure. Je me dirige vers ma salle de bain, espérant que ma sœur ne soit pas déjà réveillée, pour remplir mon verre d'eau avant de commencer mes étirements. Je les fais tous les matins pendant une heure pour alimenter ma souplesse et ma précision lors des prestations sur scène. Ma prof de danse, Joana, pense que c'est important que je reste régulière. Depuis que je suis petite, elle ne cesse de me répéter qu'avant d'être un sport de haut niveau, la danse est un moyen d'expression et de partage d'émotions intenses avec le public. Alors je m'entraine, encore et encore, pour essayer, en vain de m'exprimer à travers mes mouvements et de les incarner à la perfection.

Dans deux semaines, j'auditionne pour rentrer à l'opéra de Bordeaux. Depuis mes 7 ans, je rêve d'aller dans cet opéra dans lequel ma prof de danse a suivi sa formation. Ma vie entière est rythmée par cet opéra. Si je ne suis pas sélectionnée, tout mon monde s'écroule. Je ne serais plus moi. Cet opéra rassemble tellement de danseuses professionnelles qui sont passionnées par ce qu'elles font. Depuis maintenant un an, je m'entraîne tous les jours au studio avec Joana, pour espérer être prise. Elle est certaine que je serai sélectionnée, alors je la crois. Enfin j'essaie. Car il y a toujours cette voix dans ma tête qui me répète: tu n'y arriveras jamais, tu es nulle et tu n'as pas de talent. Même si j'essaye de ne pas l'écouter, elle est toujours là, à s'infiltrer dans mes pensées.

Ada - 7 ans

Je tiens la main de papa. On rentre dans un grand bâtiment avec plein de gens partout. Ça me fait peur donc je serre très fort la main de papa. On va jusqu'à une grande salle avec des miroirs partout. J'imagine que c'est pour pouvoir bien se coiffer. Le sol est tout brillant, on dirait une patinoire. Papa rigole quand je le lui dis. Je ne suis jamais venue ici, mais c'est comme si je connaissais déjà cet endroit depuis toujours, c'est étrange et c'est chouette en même temps. Et puis, je sais ce que c'est moi la danse, j'ai déjà vu des danseuses sur la scène. J'ai tellement aimé que j'ai supplié maman pendant toutes les vacances car je voulais faire comme elles.

On arrive avec papa dans la grande salle et une dame qui a l'air gentille vient nous dire bonjour. Elle a de longs cheveux bruns tressés et un regard accueillant. Elle a un beau sourire et me dit qu'elle s'appelle Joana et que c'est elle qui va m'apprendre à danser. Elle m'explique qu'avant d'être un sport, la danse est un moyen d'expression et de partage d'émotions intenses avec le public. Je lui fais un grand sourire et je lâche la main de papa pour attraper la sienne et aller déposer mes affaires sur le banc. Elle me fait penser à maman parce qu'elle est gentille et me demande toujours si ça va.

Avec moi, il y a d'autres petites filles de mon âge mais je les aime pas trop. Elles ne veulent pas danser avec moi. Alors je reste avec Joana et je suis à la lettre tout ce qu'elle me dit car je veux lui ressembler quand je serai grande. Elle nous a demandé d'aller à la barre. On a appris plein de positions de pieds et de mains. Après on s'est dirigés vers le milieu de la salle, devant le grand miroir. On a fait des sauts, beaucoup de sauts. Les autres petites filles savaient déjà le faire mais moi pas alors j'ai continué, continué, pour arriver à leur niveau. J'ai vu que Joana souriait en voyant que je n'abandonnerais pas.