Chapitre 21 : Prise au piège

29 2 2
                                    

– Mademoiselle Annabelle !, arriva promptement Louis dans le grand salon où chacun s'occupait de son côté. Interloquée, la jeune fille releva la tête de son trousseau et le confia à Marthe qui était à côté d'elle avant de courir vers le major d'homme.

– Une lettre ? Pour moi ? C'est sûrement une lettre d'Isaac. Il me tarde de l'ouvrir.

Mais la jeune fille, consciente qu'elle s'était donnée en spectacle en montrant trop d'entrain, se calma immédiatement.

– Ma tante, demanda-t-elle calmement à son aînée Savez-vous dans combien de temps je pourrais prendre le train ? Nous sommes à quelques jours de la rentrée et ...

– Nul besoin de prendre le train. Personne ne quitte la région. Qui t'accompagnerait donc ? Il est hors de question que tu voyages seule, Clothilde garda un sourire satisfait sur son visage tout au long de sa réponse.

– Mais ... Il me faut retourner à l'école !

Annabelle essayait de la convaincre mais sa tante trouvait toujours de quoi rebondir.

– Bien évidemment. Avec ton oncle Nicolas, nous avons décidé de te garder avec nous. N'est-ce pas une merveilleuse nouvelle ? J'attendais justement qu'il revienne pour que nous te l'annoncions ensemble.

– Mais je ne veux pas rester... , avoua Annabelle le plus sincèrement du monde.

L'élégante maîtresse de maison se leva de son fauteuil et se dirigea vers Annabelle avant de lui arracher son courrier des mains.

– Je ne te permets pas d'être impertinente. Tu n'as pas ton mot à dire. Et en parlant de lettre, tu n'écriras plus à tes petits amis. Tu dois couper tout contact avec ton passé à la campagne. Ta "misérable et insignifiante" vie là-bas si je puis dire. Prends Nicolas comme exemple. Il a tout quitté et ne regrette absolument rien. Regarde autour de toi, nous vivons dans le confort et le luxe, qu'il y a-t-il de mieux que cela ?

Annabelle aurait voulu se pincer le bras pour se prouver que tout ce que venait de dire sa tante n'était pas réel.

– Rendez-moi cette lettre. Et laissez-moi au moins leur répondre et leur dire... au revoir."

Les sanglots attrapèrent Annabelle au dépourvu et son corps se vida de toutes les larmes qu'il avait retenues depuis ces quelques semaines ici.

– Ce n'est qu'un vulgaire bout de papier, s'exclama sa Tante avant de faire quelques pas vers la cheminée et de jeter l'enveloppe au feu, sans même lui porter une once d'importance.

Annabelle plaqua sa main à la bouche, scandalisée par ce geste sans coeur, et se volatilisa jusqu'à sa chambre.

" Comment peut-elle être si insensible ? ", pensait Annabelle qui n'arrivait pas à digérer la scène à laquelle elle venait d'assister.

De cette colère lui vint une idée. Elle écarta l'eau qui lui brouillait la vue, prit une petite valise et y empaqueta le stricte minimum : les précieuses lettres de ses amis, son livre de Peau d'âne et une de ces anciennes robes. Elle avait surtout de la chance qu'il ne fasse pas un froid glacial dehors.

Elle jeta tout de même un œil à sa fenêtre et s'énerva en voyant que le grand portail était fermé. " Ce serait bien trop évident de toute manière ". Une seconde réflexion la poussa à prendre l'escalier de service : " Si les servants vont et viennent à leur convenance sans que je ne les vois depuis ma chambre, il doit y avoir une autre issue ". Elle dévala les escaliers étroits, bien décidée à sortir de cette prison, et stoppa son élan en voyant tout le monde s'affairer dans la cuisine. Elle passa la tête pour mettre en place une stratégie. Il n'y avait pas de porte menant à la rue depuis la cuisine, elle en était certaine. Elle profita que tout le monde soit au fourneau, concentré à la tâche, pour se laisser glisser le long du mur qui menait au couloir la séparant de la buanderie. Elle était là, dans l'ombre : la sortie. Elle s'enfonça dans le sas, tourna la poignée et se faufila, avec son bagage, dans l'entre-ouverture de la porte. Elle la referma doucement derrière elle sans la claquer. Quand elle se retourna, elle aperçut au loin une femme crier son nom. C'était une domestique qu'Annabelle avait déjà croisée au château. Elle revenait de quelques courses au marché.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant