Chapitre II - mirage d'antan

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2015, octobre, vendredi 16, 21h47.


Mon crâne se fit enrober par deux mains brûlantes puis tourner en direction de l'extérieur, par delà les murs transparents du hall de l'hôpital. On pouvait y discerner de nombreuses luminescences qui se déplaçaient à des rythmes différents ainsi que leurs sœurs elles fixes. Toujours les lèvres près de mon cou, Shams me chuchota encore une fois dans l'oreille.

- On dirait que l'électricité ne s'est désactivée qu'à l'hôpital, déduit-il en même temps que moi, ça sent le crime à plein nez ! On enquête ?

- T'es un psychiatre Shams, pas un détective. C'est sûrement un patient de ton service.

- Comment oses-tu accuser mes précieux malades mentaux ?! Je ne te pensais pas comme ça...

Je pouvais l'imaginer croiser les bras et détourner le regard en attendant comme un enfant que je vienne m'excuser de moi-même. Et cette hypothèse était plus qu'envisageable étant donné qu'il m'avait lâché la tête ; on approchait de nos trente années de vie et pourtant il agissait toujours comme s'il en avait quinze de moins. Gamin.

Au bout de quelques secondes à peine, je pus récupérer ma faculté à discerner les couleurs et les formes ; d'après les dires d'un technicien qui nous avait tenu aux nouvelles, les systèmes de secours et les groupes électrogènes s'étaient mis à fonctionner après un court temps de latence. Juste un problème technique alors ? Je déglutis malgré moi.

Le temps qui semblait s'être figé au moment de l'illumination avait reprit son cours, laissant infirmiers et médecins reprendre leurs obligations. Les gens arpentaient le hall, se dirigeant vers les différents service offerts par les deux bâtiments principaux. Quelques étrangers firent leur entrée, de l'inquiétude collé à leur front, ou de la douleur pour certains d'autres. La plus singulière d'entre tous se démarquait par sa peine à pousser un chariot à draps, vêtue de la tenue obligatoire pour un agent de nettoyage, elle crispait son visage pour finalement disparaître dans l'antre de l'ascenseur.

Dans cette acclamations de nouveaux sons et de banales personnages, le corps de Jun était celui que j'avais choisi d'analyser. Toujours accoudé au comptoir, cette fois un téléphone à l'oreille, je discernais ses quelques expressions qui témoignaient de son habituelle impatience. Il se mordait la lèvre inférieure, soufflait sur ses mèches de cheveux volatiles puis me lançait divers regard aux significations parfois incompréhensibles. Il finit par raccrocher, jetant presque son téléphone au fond de sa poche.

- J'ai du boulot, ne faîtes rien d'inconscient tant que je ne suis pas là. Je vais aussi préparer l'avis de recherche pour demain matin, d'ici là, tenez-vous à carreaux.

- Va briller mon petit Juny, cria Shams en agitant ses bras, on se retrouve demain sans exception !

Jun nous serra la main en soufflant avant de nous laisser avec pour seul paysage son dos aux ondulations colossales. Alors que ses pas quittaient enfin l'hôpital, le roux revint se placer promptement devant moi, en ne délaissant pas mes mains des siennes. Ce sourire qu'il m'affichait me faisait penser à un farfadet prêt à sautiller au dessus de ma tête pour y découvrir un monde de lutins. En le lâchant du regard, j'aurai eu toutes les peines du monde à refuser son côté enfantin, alors je m'accrochai à ses yeux et à sa voix flûtée pour le revoir quelques instants dans les bras de ma femme. Il finit par coller son nez au mien.

- Dis, t'as finis le boulot non ? demanda-t-il avec des yeux remplis de malice. On va chez Sao avant de rentrer ?

- Jun a dit de ne rien faire sans lui.

Les Précepteurs du Я - Âmes sentinelles (Tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant