Chapitre 10 - Hëna

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La journée venait tout juste de commencer, Hëna observait les gouttes de pluie couler le long de la vitre, le vent les faisait s'écraser contre la fenêtre de sa chambre. Mélodie, sa colocataire, avait ses cheveux enroulés dans une serviette, et appliquait du gloss sur ses lèvres.

- Où étais-tu hier soir ? demanda celle-ci, avec une curiosité honnête.

- Je suis allée embêter Pandore, qui se prépare pour les auditions de cette année.

- Oh, lâcha-t-elle avec un regard complice. Et toi, tu es prête ?

Hëna lui lança un regard noir, avant de soupirer. Voilà plus d'un an que les deux filles se fréquentaient, et Mélodie n'avait jamais compris qu'Hëna était et serait toujours disposée à être la meilleure.

- Bien sûr que je suis prête, il n'y a pas une seconde sans que je le sois.

- Ça c'est certain, lui sourit-elle. Et tu as également l'air de savoir comment te débarrasser de Pandore.

- Effectivement. J'ai déjà brûlé sa nouvelle partition.

Depuis qu'elles se connaissaient, ça avait toujours été la guerre entre Pandore et Hëna, toujours à tenter de ruiner la vie de l'autre, pour se permettre de briller un peu plus. Si Pandore était d'humeur calme, Hëna ne l'était que rarement, et elle serait prête à tout pour se montrer supérieure. Comme la fois où Pandore avait réussi à bloquer la porte des toilettes avant un examen important, et que sa rivale s'était vengée en échangeant ses feuilles d'exposés avec une courte histoire qui la fit rougir et perdre ses mots.

Si embêter Pandore l'amusait autant, Hëna oubliait parfois de se concentrer sur elle-même, et c'est dans ces moments qu'elle se laissait dépasser, et que Mélodie était là pour l'aider à se recentrer.

- A quoi tu penses ? demanda cette dernière.

- Mh... Rien, se reprit Hëna en se levant pour aller choisir sa tenue du jour dans son placard.

Elle attrapa un haut court de couleur rouge foncé pour s'accorder à ses cheveux, ainsi qu'une cravate et un jean. Elle choisit sa ceinture la plus épaisse, puis coiffa sa chevelure, en discutant :

- Tu ne trouves pas ça étrange que tout le monde continue de faire comme si de rien n'était par rapport à Amélia ? C'est comme si elle n'avait jamais existé, ça me rend folle !

- On ne peut rien faire... Alors c'est plus facile de rester dans le déni.

- La solution de facilité. C'est honteux.

Les deux filles continuèrent de parler en rejoignant la cantine en courant sous la pluie. C'est alors qu'elles retrouvèrent leur ami Kellan, qui claqua violemment son plateau sur la table en s'installant avec elles :

- Les nouveaux première année sont insolents comme tout, j'ai encore retrouvé des oiseaux morts dans les gouttières du toit de l'internat ! Ils ont juré en riant que ce n'était pas eux... Ça me désespère.

- Encore ? s'étonna Mélodie. C'est fou ça, on n'était pas comme ça nous.

- Et pourtant, commenta Hëna, on n'a qu'un an de différence...

De plus, l'université Villarian n'est pas du genre à accepter les fauteurs de troubles, les admissions sont déjà très strictes, et ils n'acceptent que les meilleurs en se basant sur le dossier entier ; c'est-à-dire les notes dans toutes les matières, mais aussi le comportement.

- Je me demande pourquoi ils laissent ça couler, l'administration semble dormir, marmonna Hëna en coupant sa pomme en morceaux.

Kellan haussa les épaules, et Mélodie s'installa au fond de sa chaise avant de répondre :

- Je pense qu'ils sont particulièrement occupés avec le meurtre d'Amélia.

- Cette histoire m'intrigue beaucoup, je me demande où en sont les avancées.

Mélodie et Kellan acquiescèrent, puis Kellan décida de changer de sujet et de discuter du cours des fondements de la magie.

Hëna décrocha de la conversation et se perdit dans ses pensées, jusqu'à ce qu'elle doive de nouveau se concentrer lorsqu'elle arriva dans le cours en question. Le professeur était un vieil homme à lunettes qui semblait vouloir inspecter tout ce qu'il trouvait.

Hëna s'installa donc devant sur le côté, et sortit ses affaires, elle n'oublia pas de faire un grand sourire lorsque Pandore passa, et celle-ci décida donc de prendre la place à ses côtés.

- J'espère que tu ne tiens pas trop à ton joli t-shirt, murmura-t-elle en posant une trousse sur son bureau.

- Touche à mes vêtements et je te brûle toute entière.

- Tu n'oseras pas, répliqua Pandore en s'approchant de son visage, dégageant ainsi un parfum de cerise.

Hëna leva les yeux au ciel et ignora sa camarade pour écouter le professeur qui expliquait le principe du cours ; discuter des origines de la magie, un sujet vu et revu, mais toujours plus approfondi, et Hëna comptait bien apprendre des choses sur son pouvoir actuel en étudiant l'évolution de la magie générale.

Pendant une heure, l'enseignant parlait des premières découvertes de la magie et du chaos que cela a pu créer, il évoqua rapidement quelques guerres qui se sont faites entre les magiciens et les humains sans pouvoirs. Hëna notait attentivement tout ce qui lui semblait intéressant, et n'hésita pas à poser des questions pour montrer son implication.

En sortant du cours, elle se décida avec Mélodie d'aller rejoindre son casier pour y récupérer un paquet de bonbons, qu'elles pourraient grignoter pendant leur pause. En marchant dans le couloir, elle aperçut l'emplacement de l'ancien casier d'Amélia devant lequel reposaient plusieurs bouquets de fleurs, où étaient affichés des mots, des lettres, témoignant de l'amour de ses anciens camarades. Une manière assez touchante d'honorer la jeune étudiante, même si Hëna se dit que cela n'était pas très utile. Peut-être que cela pouvait en aider certains à faire leur deuil.

Arrivée devant la porte en fer de son casier, Hëna composa le code pour l'ouvrir pendant de Mélodie s'adossa au casier voisin, mais Kellan arriva bruyamment, les faisant sursauter :

- Ah vous êtes là, je vous cherchais désespérément !

- Pourquoi donc ? demanda Hëna en croisant les bras sur sa poitrine.

- Vous me manquiez terriblement. Oh, tu prends des bonbons ? Tu sais que je t'aime !

- Laisse-tomber Kellan, lança Mélodie en riant. Ce n'est pas pour toi !

Kellan afficha une moue contrariée, et demanda pourquoi, ce à quoi elle répondit :

- On se fait une heure entre filles.

- Mais je suis aussi... Attends, Hëna c'est normal que ton t-shirt soit déchiré ?

La jeune fille fronça les sourcils et souleva légèrement son t-shirt, qui arborait un énorme trou au niveau de ses côtes, et elle ne s'en était même pas rendue compte. Elle sentit la colère l'envahir en se souvenant de la remarque de Pandore, et souffla :

- Je vais la tuer, je vous jure, je vais la tuer.

Sous le murmure des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant